Criminal proceedings against M.A.S. and M.B.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:936
Docket NumberC-42/17
Celex Number62017CJ0042
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 December 2017
62017CJ0042

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 décembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 325 TFUE – Arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C‑105/14, EU:C:2015:555) – Procédure pénale concernant des infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Législation nationale prévoyant des délais de prescription pouvant entraîner l’impunité des infractions – Atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne – Obligation de laisser inappliquée toute disposition de droit interne susceptible de porter atteinte aux obligations mises à la charge des États membres par le droit de l’Union – Principe de légalité des délits et des peines »

Dans l’affaire C‑42/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie), par décision du 23 novembre 2016, parvenue à la Cour le 26 janvier 2017, dans la procédure pénale contre

M.A.S.,

M.B.

en présence de :

Presidente del Consiglio dei Ministri,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, MM. L. Bay Larsen, T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), C. G. Fernlund et C. Vajda, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, M. Safjan, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. M. Vilaras et E. Regan juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mai 2017,

considérant les observations présentées :

pour M.A.S., par Mes G. Insolera, A. Soliani et V. Zeno-Zencovich, avvocati,

pour M.B., par Mes N. Mazzacuva et V. Manes, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. De Bellis, Mme G. Galluzzo et M. S. Fiorentino, avvocati dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. P. Rossi, J. Baquero Cruz et H. Krämer ainsi que par Mme K. Banks, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE tel qu’interprété par l’arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C‑105/14, EU:C:2015:555) (ci-après l’« arrêt Taricco »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre M.A.S. et M.B. concernant des infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE prévoit :

« 1. L’Union et les États membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union.

2. Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs intérêts financiers. »

Le droit italien

4

L’article 25 de la Constitution dispose :

« Nul ne peut être distrait de ses juges naturels prévus par la loi.

Nul ne peut être puni, si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant le fait commis.

Nul ne peut être soumis à des mesures de sûreté, hormis dans les cas prévus par la loi. »

5

L’article 157 du codice penale (code pénal), tel que modifié par la legge n. 251 (loi no 251), du 5 décembre 2005 (GURI no 285, du 7 décembre 2005) (ci-après le « code pénal »), prévoit :

« L’infraction est prescrite à l’expiration du délai correspondant au maximum de la peine prévue par la loi et, en tout état de cause, d’une période qui ne peut être inférieure à six ans s’il s’agit d’un délit et à quatre ans s’il s’agit d’une contravention, même si ceux-ci ne sont punis que d’une amende.

[...] »

6

L’article 160 du code pénal énonce :

« La prescription est interrompue par le jugement ou l’ordonnance de condamnation.

Les ordonnances portant application de mesures provisoires personnelles [...] [et] l’ordonnance de fixation de l’audience préliminaire [...] interrompent également la prescription.

Lorsqu’elle a été interrompue, la prescription recommence à courir à compter du jour de l’interruption. Lorsqu’il y a eu plusieurs actes interruptifs, la prescription reprend à compter du dernier de ceux-ci ; toutefois, en aucun cas les délais fixés à l’article 157 ne peuvent être prolongés au-delà des délais visés à l’article 161, second alinéa, sauf pour les infractions prévues à l’article 51, paragraphes 3 bis et 3 quater, du code de procédure pénale. »

7

Aux termes de l’article 161, second alinéa, du code pénal :

« Sauf dans le cas de la poursuite d’infractions visées à l’article 51, paragraphes 3 bis et 3 quater, du code de procédure pénale, l’interruption de la prescription ne peut en aucun cas conduire à augmenter le délai de prescription de plus du quart de sa durée maximale prévue [...] »

8

Selon l’article 2 du decreto legislativo n. 74, nuova disciplina dei reati in materia di imposte sui redditi e sul valore aggiunto (décret législatif no 74, portant nouvelles dispositions concernant les infractions en matière d’impôts sur les revenus et sur la taxe sur la valeur ajoutée), du 10 mars 2000 (GURI no 76, du 31 mars 2000, ci-après le « décret no 74/2000 »), la présentation d’une déclaration de TVA frauduleuse, faisant état de factures ou d’autres documents portant sur des opérations inexistantes, est punie d’une peine comprise entre un an et demi et six ans d’emprisonnement.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Dans l’arrêt Taricco, la Cour a jugé que l’article 160, dernier alinéa, du code pénal, lu en combinaison avec l’article 161 de ce code (ci-après les « dispositions du code pénal en cause »), en ce que ces dispositions prévoient qu’un acte interruptif intervenant dans le cadre de poursuites pénales portant sur des fraudes graves en matière de TVA a pour effet de prolonger le délai de prescription de seulement un quart de sa durée initiale, étaient susceptibles de porter atteinte aux obligations mises à la charge des États membres par l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE, dans l’hypothèse où lesdites dispositions nationales empêcheraient l’infliction de sanctions effectives et dissuasives dans un nombre considérable des cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou prévoiraient des délais de prescription plus longs pour les cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’État membre concerné que pour ceux portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. La Cour a également jugé qu’il incombait à la juridiction nationale compétente de donner plein effet à l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE, en laissant, au besoin, inappliquées les dispositions de droit national qui auraient pour effet d’empêcher l’État membre concerné de respecter les obligations mises à sa charge par lesdites dispositions du traité FUE.

10

La Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) et la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan, Italie), qui ont opéré les renvois de constitutionalité devant la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie), considèrent que la règle issue dudit arrêt est applicable dans le cadre de deux procédures pendantes devant elles. En effet, ces procédures concernent des infractions relevant du décret no 74/2000 susceptibles d’être qualifiées de graves. En outre, de telles infractions seraient prescrites s’il y avait lieu d’appliquer les dispositions du code pénal en cause, alors que, dans le cas contraire, lesdites procédures pourraient aboutir à une condamnation.

11

Par ailleurs, la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) doute que l’obligation découlant de l’article 325, paragraphe 2, TFUE soit respectée en ce qui concerne la procédure pendante devant elle. En effet, le délit d’association de malfaiteurs aux fins de la contrebande de tabac manufacturé étranger, prévu à l’article 291 quater du decreto del Presidente della Repubblica n. 43, recante approvazione del testo unico delle disposizioni legislative in materia doganale (décret du président de la République no 43, portant approbation du texte unique des dispositions législatives en matière douanière), du 23 janvier 1973 (GURI no 80, du 28 mars 1973), bien qu’assimilable à des infractions relevant du décret no 74/2000, telles que celles en cause dans les procédures au principal, n’est pas soumis aux mêmes règles de plafonnement du délai de prescription que ces infractions.

12

Ainsi, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) et la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) estiment qu’elles devraient, conformément à la règle énoncée par l’arrêt Taricco, laisser inappliqué le délai de prescription, prévu aux dispositions du code pénal en cause, et statuer sur le fond.

13

La Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) émet des doutes sur la compatibilité d’une telle solution avec les principes suprêmes de l’ordre constitutionnel italien et avec le respect des droits inaliénables de la personne. En particulier, selon cette juridiction, ladite solution serait susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines, lequel exige, notamment, que les dispositions pénales soient déterminées avec précision et ne puissent être rétroactives.

14

À cet égard, la Corte costituzionale (Cour...

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