Stowarzyszenie “Oławska Telewizja Kablowa” w Oławie v Stowarzyszenie Filmowców Polskich w Warszawie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:900
Date24 November 2016
Celex Number62015CC0367
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-367/15
62015CC0367

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 24 novembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑367/15

Stowarzyszenie « Oławska Telewizja Kablowa » w Oławie

contre

Stowarzyszenie Filmowców Polskich w Warszawie

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne)]

«Droits de propriété intellectuelle et industrielle — Violation — Calcul de dommages-intérêts — Directive 2004/48/CE — Réglementation d’un État membre prévoyant des dommages-intérêts équivalant à deux ou trois fois la somme des redevances qui auraient été dues en cas d’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle concerné»

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, la Cour est invitée à statuer sur l’interprétation de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle ( 2 ) et plus particulièrement sur la question de savoir si l’article 13 de cette directive s’oppose à une disposition de droit national autorisant le titulaire de droits de propriété intellectuelle à réclamer à un contrevenant présumé des dommages-intérêts dont le montant est déterminé à l’avance et qui pourraient être qualifiés, pour utiliser la terminologie de la juridiction de renvoi, de « punitifs ».

Droit de l’Union

2.

Les considérants 2 et 3 de la directive 2004/48 énoncent ce qui suit :

« (2)

La protection de la propriété intellectuelle devrait permettre à l’inventeur ou au créateur de retirer un profit légitime de son invention ou de sa création. Elle devrait également permettre la diffusion la plus large possible des œuvres, des idées et des savoir-faire nouveaux. Dans le même temps, la protection de la propriété intellectuelle ne devrait pas faire obstacle à la liberté d’expression ni à la libre circulation de l’information et à la protection des données personnelles, y compris sur l’Internet.

[…] (3)

Cependant, sans moyens efficaces de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, l’innovation et la création sont découragées et les investissements réduits. Il est donc nécessaire de veiller à ce que le droit matériel de la propriété intellectuelle, qui relève aujourd’hui largement de l’acquis communautaire, soit effectivement appliqué dans [l’Union européenne]. À cet égard, les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle revêtent une importance capitale pour le succès du marché intérieur. »

3.

Aux termes du considérant 8 de la directive 2004/48 :

« Les disparités existant entre les régimes des États membres en ce qui concerne les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle sont nuisibles au bon fonctionnement du marché intérieur et ne permettent pas de faire en sorte que les droits de propriété intellectuelle bénéficient d’un niveau de protection équivalent sur tout le territoire de [l’Union]. Cette situation n’est pas de nature à favoriser la libre circulation au sein du marché intérieur ni à créer un environnement favorable à une saine concurrence. »

4.

Aux termes du considérant 10 de la directive 2004/48 :

« L’objectif de la présente directive est de rapprocher ces législations afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur. »

5.

Le considérant 17 de la directive est en ces termes :

« Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive devraient être déterminées dans chaque cas de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques de ce cas, notamment des caractéristiques spécifiques de chaque droit de propriété intellectuelle et, lorsqu’il y a lieu, du caractère intentionnel ou non intentionnel de l’atteinte commise. »

6.

Aux termes du considérant 26 de la directive 2004/48 :

« En vue de réparer le préjudice subi du fait d’une atteinte commise par un contrevenant qui s’est livré à une activité portant une telle atteinte en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir, le montant des dommages-intérêts octroyés au titulaire du droit devrait prendre en considération tous les aspects appropriés, tels que le manque à gagner subi par le titulaire du droit ou les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas échéant, tout préjudice moral causé au titulaire du droit. Le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d’éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d’identification. »

7.

L’article 2 de la directive 2004/48 est intitulé « Champ d’application ». Son paragraphe 1 dispose ce qui suit :

« Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent, conformément à l’article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné. »

8.

Selon l’article 3 de la directive 2004/48 :

« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. »

9.

L’article 13 de la directive 2004/48 est intitulé « Dommages‑intérêts ». Son paragraphe 1 se lit en ces termes :

« Les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant qui s’est livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir de verser au titulaire du droit des dommages‑intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte.

Lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires :

a)

prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte ;

ou

b)

à titre d’alternative, peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. »

Droit polonais

10.

L’article 79, paragraphe 1, de l’Ustawa z dnia 4 lutego 1994 r. o prawie autorskim i prawach pokrewnych (loi sur le droit d’auteur et les droits voisins, du 4 février 1994, ci-après la « loi sur le droit d’auteur »), dans la version pertinente à l’époque des faits au principal, disposait ce qui suit :

« Le titulaire des droits patrimoniaux d’auteur auxquels il a été porté atteinte peut exiger de la personne ayant porté atteinte à ces droits :

1.

la cessation de l’atteinte ;

2.

l’élimination des effets de l’atteinte ;

3.

la réparation du préjudice causé :

a)

sur la base des principes généraux en la matière, ou

b)

moyennant le versement d’une somme correspondant au double, ou, en cas d’atteinte fautive aux droits patrimoniaux d’auteur, au triple de la rémunération appropriée qui aurait été due, au moment où elle est demandée, au titre de l’autorisation d’utilisation de l’œuvre octroyée par le titulaire des droits ;

4.

la restitution des profits réalisés. »

Faits, procédure et question déférée

11.

Le Stowarzyszenie Filmowców Polskich (Association polonaise des cinéastes, ci-après l’« association des cinéastes ») est un organisme autorisé à gérer et à protéger les œuvres audiovisuelles protégées par le droit d’auteur, y compris les œuvres (re)diffusées par les réseaux de télévision câblée. Son activité est basée sur un agrément délivré par le ministre polonais de la Culture et des Arts. Le Stowarzyszenie Oławska Telewizja Kablowa [Association de la télévision câblée de la ville d’Oława (Pologne), ci-après l’« association de télévision câblée »] diffuse des programmes de télévision par câble dans la ville d’Oława en Basse‑Silésie.

12.

Le 4 octobre 1995, les parties ont conclu un contrat de licence définissant les règles applicables aux droits que l’association de télévision câblée devait verser à l’association des cinéastes. Le 30 décembre 1998, cette dernière a résilié ledit contrat et proposé la conclusion d’un nouveau contrat avec de nouvelles clauses. Ces clauses prévoyaient le...

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