Lesoochranárske zoskupenie VLK v Obvodný úrad Trenčín.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:491
Date30 June 2016
Celex Number62015CC0243
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-243/15
62015CC0243

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 juin 2016 ( 1 )

Affaire C‑243/15

Lesoochranárske zoskupenie VLK

contre

Obvodný úrad Trenčín

[demande de décision préjudicielle formée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque)]

«Environnement — Convention d’Aarhus — Procédure administrative d’autorisation d’un projet — Demande d’une association de protection de l’environnement tendant à la reconnaissance de la qualité de partie à la procédure — Clôture de la procédure d’autorisation avant la décision sur la demande — Possibilité de recours contre la décision — Protection juridictionnelle effective»

I – Introduction

1.

L’affaire à l’origine de la présente demande de décision préjudicielle rappelle, selon le point de vue, soit les œuvres d’inspiration juridique de Franz Kafka, notamment le récit Devant la loi, ou alors le personnage de Don Quichotte.

2.

Dans l’histoire de Kafka, le justiciable est, sans raison apparente, empêché d’accéder au tribunal et meurt finalement d’épuisement. Don Quichotte, en revanche, insiste à se battre contre des moulins à vent, au lieu de se consacrer à des choses plus raisonnables.

3.

De la même manière, l’organisation non gouvernementale Lesoochranárske zoskupenie VLK (association pour la protection des forêts, ci-après « LZ ») s’efforce – jusqu’à présent sans résultat – à obtenir une protection juridictionnelle devant les juridictions slovaques. Au lieu de cela, LZ est renvoyée à un autre type de recours pour lequel le délai a cependant expiré entre-temps. Il est néanmoins possible que l’erreur ne se trouve pas au niveau du système de protection juridique slovaque, mais qu’elle réside dans le fait que LZ – malgré des indications en ce sens – reste dans la voie dans laquelle elle s’est engagée, au lieu de changer suffisamment tôt de direction.

4.

La Cour est appelée à se prononcer sur la compatibilité de la procédure prévue par le droit de la procédure administrative slovaque pour une action des associations avec le principe de la protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Les dispositions slovaques en cause ne sont certes pas critiquables en principe. Cependant leur application au cas d’espèce exige un soin particulier afin, d’une part, d’éviter le paradoxe de Kafka et, d’autre part, de ne pas favoriser la folie décrite par Cervantès. Dans cette situation, la Cour peut uniquement donner des indications aux juridictions nationales pour ce qui concerne les principes de base applicables, mais elles devront trouver la solution elles-mêmes.

5.

L’article 47 de la Charte ne vaut cependant que pour la réclamation des droits ou des libertés garantis par le droit de l’Union. C’est pourquoi il convient de vérifier au préalable si une association de protection de l’environnement comme LZ au principal peut faire valoir de tels droits ou libertés.

6.

S’agissant de certaines procédures en matière de participation du public, la transposition de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ( 2 ) par l’Union européenne a certes déjà introduit la possibilité, pour les associations, de former un recours limité à certaines procédures d’autorisation ( 3 ). Cependant, ces dispositions ne visent pas le présent cas d’espèce.

7.

À la lumière de la convention d’Aarhus et des principes généraux du renvoi au droit de l’Union, les associations de protection de l’environnement peuvent cependant faire valoir le droit de l’Union en matière d’environnement également en dehors du recours collectif expressément réglementé. De plus, et notamment dans le cas d’espèce, on peut également se fonder directement sur la convention d’Aarhus pour justifier une analyse juridique en ce sens.

II – Cadre juridique

A – Droit international

8.

Le point de départ du statut juridique des associations de défense de l’environnement dans le droit de l’Union est la convention d’Aarhus. L’article 1er de la convention d’Aarhus prévoit les objectifs de celle-ci :

« Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien‑être, chaque partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente convention. »

9.

Les associations de défense de l’environnement sont visées dans la définition du terme « public » et de l’expression « public concerné » à l’article 2, paragraphes 4 et 5, de la convention :

« 4. Le terme “public” désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes.

5. L’expression “public concerné” désigne le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel ; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt. »

10.

L’article 6 de la convention d’Aarhus exige une participation du public aux décisions relatives à des activités particulières. Cette participation inclut des éléments relevant d’une évaluation des incidences sur l’environnement. L’article 6, paragraphe 1, régit le champ d’application de cette procédure :

« 1. Chaque partie :

a)

applique les dispositions du présent article lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I ;

b)

applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions ;

[…] »

11.

L’article 9 de la convention d’Aarhus contient des dispositions relatives aux recours en matière d’environnement. L’article 9, paragraphe 2, concerne des procédures qui ont fait l’objet d’une participation du public, le paragraphe 3 s’applique à toutes les autres décisions en matière d’environnement et le paragraphe 4, prévoit certains principes procéduraux :

« 2. Chaque partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

a)

ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon

b)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une partie pose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par [la] loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente convention.

Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens du point a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens du point b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.

3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. […]

[…] »

B – Droit de l’Union

1. Évaluation des incidences sur l’environnement

12.

Une partie des dispositions de la convention d’Aarhus a été transposée dans le droit de l’Union par la directive 2011/92/UE ( 4 ).

13.

L’article 1er, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2011/92 définit la notion de « public » et de « public concerné » :

« d)

“public” : une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ;

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