Pensionsversicherungsanstalt v Christine Kleist.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:532
Docket NumberC-356/09
Celex Number62009CC0356
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 September 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 16 septembre 2010 (1)

Affaire C‑356/09

Pensionsversicherungsanstalt

contre

Dr. Christine Kleist

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Politique sociale – Égalité de traitement entre hommes et femmes – Âge légal de la retraite différent pour les hommes et pour les femmes – Disparition de la protection conventionnelle particulière contre le licenciement dès lors qu’est atteint l’âge légal de la retraite – Licenciement d’une salariée ayant atteint l’âge légal de la retraite – Discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne les conditions de licenciement – Directive 76/207/CEE – Directive 2002/73/CE»





I – Introduction

1. La Cour s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la question de la mise à la retraite d’office de salariés ayant atteint l’âge de la retraite qui leur est applicable. Du point de vue du droit de l’Union, cette problématique a été abordée principalement sous l’angle de la discrimination fondée sur l’âge au cours des dernières années (2). En revanche, c’est en l’espèce de nouveau la question de la discrimination entre salariés hommes et femmes qui se trouve au cœur du litige au principal, comme c’était déjà le cas il y a 25 ans environ dans les arrêts Marshall (3) et Beets-Proper (4).

2. Mme Christine Kleist, qui occupait un poste de médecin principal au sein de la caisse d’assurance vieillesse autrichienne (Pensionsversicherungsanstalt), a été mise à la retraite d’office par son employeur à l’âge de 60 ans. Le motif de cette mise à la retraite était une disposition conventionnelle selon laquelle les médecins, lorsqu’ils atteignent l’âge légal de la retraite, peuvent être mis à la retraite d’office. En droit autrichien, cette limite d’âge est actuellement de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes.

3. La Cour est à présent appelée à juger si la mise à la retraite d’office des femmes à un autre âge que pour les hommes représente une discrimination fondée sur le sexe. Dans son arrêt Marshall, la Cour a déjà conclu à l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe dans une situation très semblable aux faits de l’affaire au principal (5). L’examen de la question de savoir s’il convient d’appliquer cette jurisprudence également lorsque la mise à la retraite d’office s’inscrit dans le cadre de la politique de l’emploi sera au cœur de la présente affaire.

4. La présente affaire ne soulève pas de problèmes d’effet direct horizontal des directives ou de principes généraux du droit tels qu’ils ont pu se poser récemment dans le cadre des arrêts Mangold (6) et Kücükdeveci (7), suscitant certaines controverses. En effet, le litige au principal concerne un rapport de droit vertical classique dans lequel un organisme de sécurité sociale de droit public apparaît comme employeur.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

5. Le cadre juridique de l’Union dans cette espèce est défini par la directive (à présent abrogée) 76/207/CEE (8), dans sa version résultant de la directive 2002/73/CE (9) (10).

6. L’article 2 de la directive 76/207 était rédigé comme suit:

«1. Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par:

– ‘discrimination directe’: la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable,

– ‘discrimination indirecte’: la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires,

[…]

8. Les États membres peuvent maintenir ou adopter des mesures au sens de l’article 141, paragraphe 4, du traité pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes.»

7. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207, disposait:

«L’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit la directive 75/117/CEE; […]

[…]»

8. Pour compléter, il convient de se référer à la directive 79/7/CEE (11), en vertu de laquelle, conformément à ses articles 1er, 3 et 4, le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes doit être mis en œuvre progressivement également en ce qui concerne les régimes légaux de pension des États membres. Toutefois, l’exception suivante est prévue à l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive, aux termes duquel:

«La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu’ont les États membres d’exclure de son champ d’application:

a) la fixation de l’âge de la retraite pour l’octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d’autres prestations;

[…]»

B – Droit national

1. Dispositions légales

9. En droit autrichien, il convient tout d’abord de se référer à l’article 253, paragraphe 1, de la loi générale autrichienne relative à la sécurité sociale (Allgemeines Sozialversicherungsgesetz ou ASVG), lequel fixe un âge légal de départ à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes (12):

«Ont droit à une pension de vieillesse l’assuré, lorsqu’il a atteint l’âge de 65 ans (l’âge normal de la retraite), et l’assurée, lorsqu’elle a atteint l’âge de 60 ans (l’âge normal de la retraite), dès lors que le délai de carence (article 236) a été respecté.»

10. Cette différence d’âge légal de la retraite entre les hommes et les femmes est également ancrée dans le droit constitutionnel autrichien (13). À cette fin, les articles 1er à 3 de la loi constitutionnelle fédérale relative aux limites d’âge différentes qui s’appliquent aux assurés sociaux selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes (Bundesverfassungsgesetz über unterschiedliche Altersgrenzen von männlichen und weiblichen Sozialversicherten) (14) disposent:

«Article 1er. Les dispositions légales qui prévoient des âges différents pour le départ à la retraite des assurés et des assurées relevant du régime légal de sécurité sociale sont licites.

[…]

Article 3. À compter du 1er janvier 2024, l’âge à partir duquel les assurées sociales peuvent bénéficier d’une pension de retraite est augmenté de six mois au 1er janvier de chaque année jusqu’en 2033.»

2. Dispositions conventionnelles

11. La convention collective applicable en l’espèce est le régime spécial B, applicable aux médecins et aux dentistes travaillant au sein des organismes de sécurité sociale d’Autriche (Dienstordnung B für die Ärzte und Dentisten bei den Sozialversicherungsträgern Österreichs 2005, ci-après la «DO.B»), dans sa rédaction du 1er octobre 2005.

12. En vertu de cette disposition conventionnelle, les médecins travaillant au sein des organismes de sécurité sociale d’Autriche justifiant d’une certaine ancienneté bénéficient d’une protection spéciale contre le licenciement, laquelle se caractérise par le fait que le droit de licencier dont jouit normalement l’employeur est largement exclu. Pour désigner ce régime, on emploie également la notion d’«interdiction de licencier». Cependant, cette protection spéciale contre le licenciement s’applique seulement jusqu’à ce que l’âge normal de la retraite ait été atteint. L’employeur conserve le droit de mettre le salarié à la retraite d’office dès que ce dernier atteint cet âge.

13. Cette mise à la retraite d’office est encadrée comme suit par l’article 134, paragraphes 2 et 4, de la DO.B:

«2. Les médecins titulaires peuvent prétendre à la mise à la retraite [(15)]:

[…]

2) lorsqu’ils ont droit à une pension de retraite au titre de l’article 253 de la loi autrichienne générale relative à la sécurité sociale […].

[…]

4. Le conseil d’administration peut mettre un médecin titulaire à la retraite d’office lorsque celui-ci:

1) remplit les conditions énoncées au paragraphe 2, points 1, 2 ou 4 [...]»

14. En outre, il convient de rappeler en l’espèce que la DO.B prévoit un système d’assurance vieillesse conventionnel. Ses prestations sont conçues comme des prestations complémentaires, comme cela ressort de l’article 89, paragraphe 1, de la DO.B, aux termes duquel:

«Les prestations versées au titre de l’assurance retraite légale s’imputent sur les prestations correspondantes dues au titre des dispositions du présent régime de retraite […]»

Cependant, les prestations complémentaires prévues dans la DO.B dépassent parfois de beaucoup la pension (légale) versée dans le cadre de l’assurance sociale en vertu de la loi générale autrichienne relative à la sécurité sociale.

III – Faits et litige au principal

15. Mme Kleist, née le 11 février 1948, travaillait depuis le 7 janvier 1985 à la Pensionsversicherungsanstalt, la caisse d’assurance vieillesse d’Autriche, organisme au sein duquel elle a occupé en dernier lieu un emploi de médecin principal.

16. En 2005, cette caisse d’assurance vieillesse a pris la décision de licencier tous ses collaborateurs, hommes ou femmes, qui remplissaient les conditions pour être mis à la retraite en vertu de la convention collective applicable.

17. Mme Kleist a refusé de partir à la retraite à l’âge de 60 ans. C’est ce qu’elle a annoncé à la caisse d’assurance vieillesse par lettre du 9 janvier 2007, dans laquelle elle a également exigé de continuer son travail jusqu’à l’âge de 65...

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