Modehuis A. Zwijnenburg BV v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:483
Date16 July 2009
Celex Number62008CC0352
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-352/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 16 juillet 2009 (1)

Affaire C‑352/08

Modehuis A. Zwijnenburg BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Directive 90/434/CEE – Régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, à l’apport de branches et à l’échange d’actions – Transposition exorbitante de la directive – Droits de mutation – Évasion fiscale – Clause antiabus – Proportionnalité»





I – Introduction

1. Le présent renvoi préjudiciel soulève un problème qui ne manque pas d’intérêt dans l’imposition des fusions d’entreprises.

2. La directive 90/434/CEE (2) prévoit des avantages fiscaux pour les fusions (3) et, en particulier, que les plus-values latentes ne doivent pas être constatées à l’occasion d’une fusion. L’assujetti peut néanmoins se voir retirer ces avantages notamment lorsqu’il apparaît que la fusion a pour objectif principal l’évasion fiscale.

3. Or, à ce jour, les contours de l’évasion fiscale n’apparaissent pas clairement. Vise-t-elle l’impôt des sociétés ou également d’autres impôts comme par exemple les droits de mutation?

4. Cette question se pose à l’endroit du projet de la famille Zwijnenburg de transmettre la gestion de son commerce de vêtements à la génération suivante. À cette fin, des locaux devraient en particulier changer de propriétaires. Afin de ne pas devoir acquitter de droits de mutation (4), les parties ont envisagé de réaliser la cession de ces locaux par la voie d’une «fusion d’entreprises». Les autorités néerlandaises ont refusé à cette opération le régime fiscal plus favorable de la fusion d’entreprises au motif qu’elle visait principalement à éviter ou à reporter les droits de mutation.

II – Le cadre légal

A – Le droit communautaire

5. Le cadre de droit communautaire de cette affaire est tracé par la directive 90/434 dans sa version de 2004 (5).

6. Les dispositions générales du titre I de la directive 90/434 comportent notamment la définition suivante à son article 2:

«Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par

(…)

c) apport d’actifs: l’opération par laquelle une société apporte, sans être dissoute, l’ensemble ou une ou plusieurs branches de son activité à une autre société, moyennant la remise de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire de l’apport;

[…]»

7. Au titre II de la directive 90/434, l’article 4, paragraphe 1, dispose:

«La fusion ou la scission n’entraîne aucune imposition des plus-values qui sont déterminées par différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale.

[…]»

8. Aux termes de l’article 9 de la directive 90/434, figurant sous le titre III, l’article 4 de ladite directive s’applique aux apports d’actifs.

9. Les dispositions finales figurant sous le titre V de la directive 90/434 comportent un article 11 qui se lit comme suit dans la partie qui nous intéresse:

«1. Un État membre peut refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l’opération de fusion, de scission, d’apport d’actifs ou d’échange d’actions:

a) a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales; le fait qu’une des opérations visées à l’article 1er n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales;

[…]»

B – Le droit interne

10. La loi néerlandaise sur les droits de mutation (Wet op belastingen van rechtsverkeer) prévoit des droits de mutation de 6 % sur l’acquisition de biens immobiliers se trouvant aux Pays-Bas. Dans les circonstances précisées en son article 4, paragraphe 1, sous a), ladite loi assimile à des biens immobiliers les parts de sociétés dont les actifs consistent essentiellement en biens immobiliers se trouvant aux Pays-Bas (les sociétés dites immobilières).

11. Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, sous h), de la loi sur les droits de mutation, l’acquisition de biens immobiliers par voie de fusion notamment est exonérée des droits de mutation. Ainsi qu’il ressort de l’article 5a, paragraphe 1, de son arrêté d’application (6), cette dernière exonération joue également lorsqu’une société acquiert l’universalité de l’entreprise ou une branche d’activité autonome d’une autre société contre des actions.

12. Il convient enfin de relever l’article 14 de la loi néerlandaise sur l’impôt des sociétés de 1969 (Wet op de vennootschapsbelasting 1969) (7). Il ressort dudit article 14, paragraphe 1, que le bénéfice réalisé à l’occasion de la cession d’une entreprise ou d’une branche autonome (fusion d’entreprises) est sans incidence fiscale. Ce bénéfice a néanmoins une incidence fiscale aux termes du paragraphe 4 de ce même article, lorsque la fusion a pour objectif principal d’éviter ou de reporter l’impôt. Jusqu’à preuve du contraire, la fusion d’entreprises vise à éviter ou reporter l’impôt lorsqu’elle ne s’explique pas par des raisons objectives comme la restructuration ou la rationalisation des activités de l’entreprise apporteuse et de l’entreprise repreneuse.

III – Les faits et la procédure au fond

13. L’entreprise Modehuis A. Zwijnenburg BV (ci-après «Modehuis BV»), dont les parts sont détenues à l’intervention d’une société holding par M. L.E. Zwijnenburg et son épouse, exploite à Meerkerk (Pays-Bas) un commerce de vêtements. Les locaux utilisés à cette fin se trouvent en partie dans les locaux de la Tolstraat 17 et en partie dans les locaux voisins de la Tolstraat 19. Ils forment un espace commercial unique.

14. Modehuis BV était déjà propriétaire des locaux de la Tolstraat 19, mais elle a loué au départ les locaux de la Tolstraat 17 à la A. Zwijnenburg Beheer BV (ci‑après «Beheer BV») dont les parts sont détenues par les parents de M. Zwijnenburg. Beheer BV n’avait aucune activité propre en dehors de la gestion des biens immobiliers dont elle était propriétaire.

15. Pour parachever la transmission graduelle de l’entreprise «du père au fils» amorcée dès la fin de l’année 1990, la famille Zwijnenburg a envisagé en 2004 de réunir les locaux de la Tolstraat 17 et de la Tolstraat 19 dans une seule société.

16. À cet effet, Modehuis BV devait apporter à Beheer BV le commerce de vêtements qu’elle exploitait et les locaux de la Tolstraat 19 contre des actions Beheer BV. Les autres actions Beheer BV toujours détenues par les parents de M. Zwijnenburg devaient être assorties dans un premier temps d’une option d’achat en faveur de Mode BV. Mode BV devait acquérir dans un deuxième stade les dernières actions Beheer BV.

17. Par lettre du 13 janvier 2004, Modehuis BV a sollicité l’administration fiscale (8) de déterminer que la fusion d’entreprises projetée et l’acquisition ultérieure d’actions Beheer BV pouvaient se réaliser en exemption de droits et en particulier sans acquitter de droits de mutation. Elle invoquait à cet égard l’article 14, paragraphe 1, de la loi néerlandaise sur l’impôt des sociétés et les dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, sous h), de la loi néerlandaise sur les droits de mutation et de l’article 5a, paragraphe 1, de son arrêté d’application.

18. Cette demande a été rejetée par décision du 19 janvier 2004. La décision de rejet a été confirmée au terme de la réclamation introduite par Modehuis BV. L’administration fiscale a motivé sa décision en exposant que la fusion projetée avait pour objectif principal d’éviter ou de reporter l’impôt.

19. Modehuis BV a saisi sans succès en première instance le Gerechtshof de ‘s‑Gravenhage (Pays-Bas) d’un recours contre le rejet de sa demande (9). Le litige est à présent devant le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), auteur du renvoi, qui a été saisi par Modehuis BV d’un pourvoi en cassation contre la décision de première instance.

20. Les constatations de fait auxquelles le Gerechtshof de ‘s-Gravenhage s’est livré en première instance ont résisté à ce stade à la censure du Hoge Raad der Nederlanden: les griefs émis à leur encontre ont été rejetés par le Hoge Raad der Nederlanden.

21. Il est, dès lors, établi que la réunion projetée des locaux de la Tolstraat 17 et de la Tolstraat 19 dans une société unique reposait sur des motifs économiques valables. La voie choisie de la fusion pour réunir les deux locaux ne s’explique toutefois pas par des motifs économiques valables quand on sait que Modehuis BV apporte son entreprise à Beheer BV contre un certain nombre d’actions dans un premier temps pour recevoir le solde des actions dans un deuxième temps.

22. Modehuis BV n’est pas parvenue à établir à suffisance que la fusion d’entreprises envisagée n’a pas eu l’évasion fiscale pour objectif principal ou parmi ses objectifs principaux. La seule raison qui a présidé au choix du détour par la fusion d’entreprises a été d’éluder les droits de mutation, qui auraient été dus si Beheer BV avait directement cédé à Modehuis BV les locaux de la Tolstraat 17, ainsi que de reporter l’impôt des sociétés afférents à la plus-value entre la valeur comptable de ces locaux et leur valeur sur le marché.

23. Le Gerechtshof de ‘s-Gravenhage estime que la voie choisie justifie de conclure à un montage fiscal dénué de tout intérêt réel propre. Modehuis BV tenterait de s’arroger artificiellement le bénéfice des avantages fiscaux réservés aux fusions d’entreprises. Le Hoge Raad der Nederlanden ajoute que la fusion d’entreprises projetée conduirait à rétablir les parents de M. Zwijnenburg dans le commerce de vêtements en contradiction avec la volonté déclarée des parties de parachever la cession de l’entreprise du père au fils.

24. Il ressort des pièces (10) que, dans l’intervalle, Beheer BV a cédé directement à Modehuis...

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