European Commission v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:626
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 July 2018
Docket NumberC-416/17
Procedure TypeRecurso por incumplimiento
Celex Number62017CC0416
62017CC0416

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑416/17

Commission européenne

contre

République française

« Manquement d’État – Articles 49, 63 et 267, troisième alinéa, TFUE – Imposition en chaîne – Différence de traitement en fonction de l’État de résidence de la sous-filiale – Exigences relatives aux preuves fondant un droit à restitution du précompte mobilier – Plafonnement du droit à restitution – Arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581) – Juridiction nationale statuant en dernier ressort – Jurisprudence nationale non conforme à l’arrêt de la Cour – Obligation de renvoi préjudiciel »

I. Introduction

1.

Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la République française a maintenu un traitement discriminatoire et disproportionné entre les sociétés mères françaises qui reçoivent des dividendes de filiales françaises et celles qui reçoivent des dividendes de filiales étrangères en violation du droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581).

2.

Comme elle le résume elle-même dans sa requête, la Commission reproche à la République française d’avoir refusé de donner plein effet à l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), à travers la jurisprudence de sa plus haute juridiction administrative, à savoir le Conseil d’État (France). En effet, selon la Commission, les arrêts rendus par le Conseil d’État à la suite de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), constituent la jurisprudence en vertu de laquelle seront analysées toutes les demandes de remboursement du précompte illégalement perçu qui ont été introduites par des parties se trouvant dans une situation semblable à celle d’Accor SA.

3.

Le recours de la Commission implique donc que la Cour se prononce sur deux problèmes distincts : d’une part, la compatibilité avec le droit de l’Union, tel qu’interprété par l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), des modalités de remboursement du précompte acquitté en raison de la perception de dividendes versés par des filiales non-résidentes et, d’autre part – et pour la première fois dans le cadre d’un recours en manquement –, la violation de l’obligation de renvoi préjudiciel par une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours ( 2 ).

II. Le cadre juridique

A. Le droit français

4.

Aux termes de l’article 158 bis, I, du code général des impôts (ci‑après le « CGI »), dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581) :

« Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d’un revenu constitué :

a)

par les sommes qu’elles reçoivent de la société ;

b)

par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor.

Ce crédit d’impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société.

[...] »

5.

L’article 146, paragraphe 2, du CGI prévoyait, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581) :

« Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l’application du précompte prévu à l’article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d’impôt qui sont attachés aux produits des participations [...], encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus. »

6.

Dans sa version issue de la loi no 98-1266, du 30 décembre 1998, de finances pour 1999 ( 3 ), applicable aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 1999, l’article 223 sexies, paragraphe 1, premier alinéa, du CGI prévoyait :

« Sous réserve des dispositions des articles 209 quinquies et 223 H, lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219, cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au crédit d’impôt calculé dans les conditions prévues au I de l’article 158 bis ».

B. L’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581)

7.

Par une réclamation du 21 décembre 2001, Accor avait sollicité de l’administration fiscale française le remboursement du précompte mobilier acquitté à l’occasion de la réception de dividendes versés par ses filiales établies dans d’autres États membres au cours des années 1998 à 2000. Ce type de remboursement n’étant accordé par la législation en vigueur que pour la réception de dividendes issus d’une filiale sise sur le territoire français, la demande fut rejetée.

8.

Accor forma un recours juridictionnel à la suite de ce refus devant le tribunal administratif de Versailles (France), lequel fit intégralement droit à sa demande. Le recours introduit par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique contre ce jugement ayant été rejeté par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (France), ledit ministre se pourvut en cassation devant le Conseil d’État. Par un arrêt du 3 juillet 2009, celui-ci saisit alors la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

9.

Dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), la Cour a constaté que, à la différence des dividendes provenant de filiales résidentes, la législation française ne permettait pas de tenir compte de l’imposition intervenue au niveau de la filiale distributrice non-résidente, alors que les dividendes perçus tant des filiales résidentes que des filiales non-résidentes étaient, lors de leur redistribution, soumis à précompte ( 4 ). Or, selon la Cour, compte tenu du traitement désavantageux réservé aux dividendes perçus d’une filiale établie dans un autre État membre par rapport à celui auquel étaient soumis les dividendes perçus d’une filiale résidente, une société mère pouvait être dissuadée d’exercer ses activités par l’intermédiaire de filiales établies dans d’autres États membres ( 5 ).

10.

La Cour rappela ensuite sa jurisprudence selon laquelle lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes d’origine étrangère sont soumis, dans l’État de la société distributrice, à un impôt inférieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier doit accorder un crédit d’impôt total correspondant à l’impôt acquitté par la société distributrice dans son État d’établissement, tandis que lorsque ces bénéfices sont soumis, dans l’État de la société distributrice, à un impôt supérieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier n’est contraint d’accorder un crédit d’impôt que dans la limite du montant de l’impôt sur les sociétés dû par la société bénéficiaire ( 6 ).

11.

La Cour en a déduit que, s’agissant d’un régime tel que le régime français litigieux, si un État membre devait attribuer aux bénéficiaires de dividendes provenant d’une société établie dans un autre État membre un avoir fiscal qui représenterait invariablement la moitié du montant de ces dividendes, cela reviendrait à accorder à ces dividendes un traitement plus favorable que celui dont bénéficient les dividendes provenant du premier État membre, lorsque le taux d’imposition auquel la société distributrice de ces dividendes est assujettie dans son État d’établissement est inférieur au taux d’imposition appliqué dans le premier État membre ( 7 ).

12.

Elle a considéré qu’un État membre devait, par conséquent, être en mesure de déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés acquitté dans l’État membre d’établissement de la société distributrice et devant faire l’objet de l’avoir fiscal accordé à la société mère ; dans ces conditions, elle a jugé qu’il n’était pas suffisant d’apporter la preuve que la société distributrice avait été imposée, dans son État d’établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l’impôt ayant effectivement frappé lesdits bénéfices ( 8 ).

13.

À cette fin, la Cour a ajouté que les justificatifs requis devaient permettre aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal étaient réunies. Elle a toutefois précisé que les justificatifs ne devaient pas revêtir une forme particulière, l’appréciation ne devant pas être effectuée de manière trop formaliste, et que la demande de production de ces éléments devait intervenir pendant la période de conservation légale des documents administratifs et comptables prévue par le droit de l’État membre d’établissement de la filiale ( 9 ), étant entendu qu’il ne pourrait être réclamé au contribuable de fournir des documents « qui couvrent une période excédant de manière conséquente la durée de l’obligation légale de conservation des documents administratifs et comptables» ( 10 ).

14.

C’est ainsi que la Cour a dit pour droit que :

« 1)

Les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes telle que celle en cause au principal, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale...

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