Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique v Accor SA.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62009CJ0310 |
ECLI | ECLI:EU:C:2011:581 |
Date | 15 September 2011 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-310/09 |
Affaire C-310/09
Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique
contre
Accor SA
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France))
«Libre circulation des capitaux — Traitement fiscal des dividendes — Réglementation nationale conférant un avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales résidentes d’une société mère — Refus de l’avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales non-résidentes — Redistribution des dividendes par la société mère à ses actionnaires — Imputation de l’avoir fiscal sur le précompte dû par la société mère lors de la redistribution — Refus de restituer le précompte acquitté par la société mère — Enrichissement sans cause — Preuves exigées quant à l’imposition des filiales non-résidentes»
Sommaire de l'arrêt
1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés
(Art. 49 TFUE et 63 TFUE)
2. Droit de l'Union — Effet direct — Taxes nationales incompatibles avec le droit de l'Union — Restitution — Refus — Condition — Taxe directement répercutée sur l'acheteur
3. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Imposition des dividendes
(Art. 63 TFUE)
1. Les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d’une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n’ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.
(cf. point 69, disp. 1)
2. Le droit de l'Union s'oppose à ce que lorsqu'un régime fiscal national ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des dividendes ne se traduit pas en lui-même par la répercussion sur un tiers de la taxe indûment acquittée par le redevable de celle-ci, un État membre refuse le remboursement des sommes payées par une société mère, au motif soit que ce remboursement entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause, soit que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale, mais s’impute sur la masse des sommes susceptibles d’être redistribuées à ses actionnaires.
La seule exception au droit au remboursement des taxes perçues en violation du droit de l’Union concerne l’hypothèse dans laquelle une taxe indue a été directement répercutée par l’assujetti sur l’acheteur.
(cf. points 74, 76, disp. 2)
3. Les principes d’équivalence et d’effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies dans un État membre et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, donnant lieu à redistribution par ladite société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, à l’égard des filiales installées dans ledit État membre, ces mêmes éléments, connus de l’administration, ne sont pas exigés. La production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu’il ne s’avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d’apporter la preuve du paiement de l’impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation desdits États membres se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites.
(cf. point 102, disp. 3)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
15 septembre 2011 (*)
«Libre circulation des capitaux – Traitement fiscal des dividendes –Réglementation nationale conférant un avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales résidentes d’une société mère – Refus de l’avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales non-résidentes – Redistribution des dividendes par la société mère à ses actionnaires – Imputation de l’avoir fiscal sur le précompte dû par la société mère lors de la redistribution – Refus de restituer le précompte acquitté par la société mère – Enrichissement sans cause – Preuves exigées quant à l’imposition des filiales non-résidentes»
Dans l’affaire C-310/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 3 juillet 2009, parvenue à la Cour le 4 août 2009, dans la procédure
Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique
contre
Accor SA,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits (rapporteur), M. Safjan et Mme M. Berger, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 octobre 2010,
considérant les observations présentées:
– pour Accor SA, par Mes J.-P. Hordies, B. Boutemy et C. Smits, avocats,
– pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, MM. G. de Bergues et J.-S. Pilczer ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Hathaway, en qualité d’agent, assisté de M. K. Bacon, barrister,
– pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 décembre 2010,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE et 56 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique à Accor SA (ci-après «Accor») au sujet de la demande présentée par cette dernière en vue de la restitution du précompte mobilier versé au titre des années 1999 à 2001.
Le cadre juridique
3 Dans sa version issue de la loi n° 88-1149, du 23 décembre 1988, de Finances pour 1989 (JORF du 28 décembre 1988, p. 16320), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2000, l’article 145 du code général des impôts (ci-après le «CGI») précisait:
«1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après:
[…]
b. Lorsque le prix de revient de la participation détenue dans la société émettrice est inférieur à 150 millions de francs, les titres de participation doivent représenter au moins 10 % du capital de la société émettrice; ce prix de revient et ce pourcentage s’apprécient à la date de mise en paiement des produits de la participation. […]
[…]»
4 La loi n° 2000-1352, du 30 décembre 2000, de Finances pour 2001 (JORF du 31 décembre 2000, p. 21119), a modifié le seuil défini à l’article 145, paragraphe l, sous b), du CGI, lequel, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005, précisait que les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice.
5 L’article 146, paragraphe 2, du CGI prévoyait, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause au principal:
«Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l’application du précompte prévu à l’article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d’impôts qui sont attachés aux produits des participations [...], encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus.»
6 Aux termes de l’article 158 bis, I, du CGI, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause au principal:
«Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d’un revenu constitué:
a) par les sommes qu’elles reçoivent de la société;
b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor.
Ce crédit d’impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société.
Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l’impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire.
Il est reçu en paiement de cet impôt.
Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l’impôt dont elles sont redevables.»
7 Aux termes de l’article 216, I, du même code:
«Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères […], touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci […]»
8 Dans sa version applicable aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 1999, l’article 223 sexies, paragraphe l, premier alinéa, du CGI disposait:
«[…] lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal […], cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au crédit d’impôt calculé dans les conditions prévues au 1 de l’article 158 bis. Le précompte est...
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