Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 11 April 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:321
Celex Number62017CC0482
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 April 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 11 avril 2019 (1)

Affaire C482/17

République tchèque

contre

Parlement européen

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes – Violation des principes d’attribution, de proportionnalité, de sécurité juridique et de non‑discrimination – Accord interinstitutionnel “Mieux légiférer” – Analyses d’impact »






1. À la suite d’une série d’événements tragiques, dont les attentats de Paris et de Copenhague (2), la Commission européenne a adopté une proposition (3) visant à modifier le droit de l’Union sur le contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (4). Par recours du 9 août 2017 (5), introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la République tchèque demande l’annulation de la directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, modifiant la directive 91/477/CEE, qui contient le droit de l’Union pertinent en la matière (6).

2. La République tchèque soulève quatre moyens à l’appui de son recours. Elle fait valoir qu’en adoptant la directive 2017/853, le Parlement et le Conseil (« le législateur de l’Union ») ont violé les principes suivants du droit de l’Union : le principe d’attribution des compétences, dans la mesure où cette directive a été basée sur l’article 114 TFUE, alors qu’il s’agit d’une mesure ayant en réalité pour objectifs de prévenir la criminalité, en particulier le terrorisme (premier moyen) ; le principe de proportionnalité (deuxième moyen) ; les principes de sécurité juridique et de confiance légitime (troisième moyen) ; et la non‑discrimination (quatrième moyen).

Le cadre juridique

Le traité sur lUnion européenne

3. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités. Elle respecte également « les fonctions essentielles de l’État », notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, cette dernière reste de la seule responsabilité de chaque État membre.

4. L’article 5, paragraphe 2, TUE dispose qu’en vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent.

5. Conformément au principe de proportionnalité consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, l’action de l’Union n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.

Le traité sur le fonctionnement de lUnion européenne

6. L’article 18 TFUE interdit toute discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités.

7. Il est notoire que, par application de l’article 26 TFUE, l’Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur (qui comporte un espace sans frontières intérieures), conformément aux dispositions pertinentes des traités.

8. L’article 84 TFUE dispose que, si le législateur de l’Union peut établir des mesures pour encourager et appuyer l’action des États membres dans le domaine de la prévention du crime, l’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres dans ce domaine est expressément exclue du champ d’action de l’Union.

9. L’article 114, paragraphe 1, TFUE établit les dispositions pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 26 TFUE. Le législateur de l’Union est ainsi habilité à arrêter les mesures relatives au rapprochement des dispositions qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. L’article 114, paragraphe 3, TFUE dispose que la Commission, dans ses propositions en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, ainsi que le Parlement et le Conseil, dans le cadre de leurs compétences respectives, prendront comme base un niveau élevé de protection, en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution fondée sur des faits scientifiques.

La charte des droits fondamentaux de lUnion européenne

10. L’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (7) dispose que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Ce droit n’est pas absolu, en ce que les personnes peuvent être privées de leur propriété pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévues par la loi. L’usage des biens peut aussi être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

La directive 91/477

11. Les déclarations suivantes figurent dans les considérants de la directive 91/477 (8). Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, notamment, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du traité. La suppression totale des contrôles et formalités aux frontières des États membres présuppose que certaines conditions de fond soient remplies, entre autres un rapprochement des législations sur les armes (9). L’harmonisation de la réglementation prévoyant les catégories d’armes à feu dont l’acquisition et la détention par des particuliers seront interdites, soit soumises à autorisation ou à déclaration, fera naître une plus grande confiance mutuelle entre les États membres dans le domaine de la sauvegarde de la sécurité des personnes (10).

12. Le chapitre I concerne le champ d’application de la directive 91/477. L’article 1er, paragraphe 1, sous 1), définit une arme à feu comme « toute arme à canon portative qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action de la combustion d’une charge propulsive, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être transformée à cette fin, excepté les armes exclues […] pour l’une des raisons énumérées à l’annexe I ». Les armes à feu sont classées en quatre catégories dans la partie II de l’annexe I : les armes à feu interdites (catégorie A), les armes à feu soumises à autorisation (catégorie B), les armes à feu soumises à déclaration (catégorie C) et les autres armes à feu (catégorie D).

13. Conformément à l’article 3, les États membres peuvent adopter des dispositions plus strictes que celles prévues par la directive 91/477.

14. Le chapitre 2 fixe des dispositions portant sur l’harmonisation des législations relatives aux armes à feu, y compris des règles sur l’acquisition, la détention, la circulation et le transfert de différentes catégories d’armes à feu à usage civil dans l’Union européenne (11), tout en prévoyant des règles plus souples pour les armes utilisées pour la chasse et le tir sportif (12). La directive 91/477 ne s’applique pas à l’acquisition et à la détention d’armes et de munitions par les forces armées, la police ou les services publics ou les collectionneurs et organismes à vocation culturelle et historique en matière d’armes, ni aux transferts commerciaux d’armes et de munitions de guerre (13).

15. Le chapitre 3 établit des dispositions régissant les formalités relatives à la circulation des armes sur le territoire de l’Union. En vertu de l’article 11, les armes à feu peuvent être transférées d’un État membre à un autre sous réserve des conditions qui y sont prévues. Ces conditions comprennent la fourniture d’informations, telles que les noms et adresses du vendeur et de l’acheteur des armes à feu, et la délivrance d’un permis contenant les informations nécessaires par l’État membre qui autorise le transfert. En vertu de l’article 12, lorsque la procédure prévue à l’article 11 n’est pas suivie, la détention d’une arme à feu pendant un voyage à travers deux ou plusieurs États membres est interdite à moins que l’intéressé n’ait obtenu l’autorisation desdits États membres. L’autorisation doit être inscrite sur la carte européenne d’arme à feu que le voyageur doit présenter à toute réquisition.

16. Conformément à l’article 17 (qui fait partie du chapitre 4), la Commission devait soumettre des rapports et/ou des études au Parlement et au Conseil : i) au plus tard le 28 juillet 2015 sur les résultats de l’application de la directive 91/477 ; ii) au plus tard le 28 juillet 2012 sur les avantages et les désavantages éventuels d’une limitation des catégories aux armes à feu interdites ou autorisées (catégories A et B, respectivement) en vue d’un meilleur fonctionnement du marché intérieur ; et iii) au plus tard le 28 juillet 2010 sur la question de la mise sur le marché des répliques d’armes à feu, afin de déterminer si l’inclusion de ces produits dans le champ d’application de la directive 91/477 était possible et souhaitable.

La directive 2017/853

17. Les déclarations suivantes figurent dans les considérants de la directive 2017/853 :

– La directive 91/477 a instauré une mesure d’accompagnement du marché intérieur. Elle a établi un équilibre entre, d’une part, l’engagement d’assurer une certaine liberté de circulation pour certaines armes à feu et leurs parties essentielles au sein de l’Union et, d’autre part, la nécessité d’encadrer cette liberté par certaines garanties d’ordre sécuritaire, adaptées à ces produits (14).

– Il est nécessaire d’améliorer davantage certains aspects de la directive 91/477/CEE de façon proportionnée pour lutter contre l’utilisation abusive des armes à feu à des fins criminelles et en tenant compte des récents actes terroristes (15).

– Afin de renforcer la traçabilité de toutes les armes à feu et des parties essentielles et de faciliter leur libre circulation, toutes les armes à feu et leurs parties essentielles devraient être marquées d’un marquage clair, permanent et unique et enregistrées dans des fichiers de données des États membres (16).

– Compte tenu du caractère dangereux et de la durabilité...

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