Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 19 October 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:781
Docket NumberC-562/15
Celex Number62015CC0562
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 October 2016
62015CC0562

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 19 octobre 2016 ( 1 )

Affaire C‑562/15

Carrefour Hypermarchés SAS

contre

ITM Alimentaire International SASU

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Paris (France)]

«Renvoi préjudiciel — Publicité trompeuse — Publicité comparative — Directive 2006/114/CE — Article 4, sous a) et c) — Publicité comparant les prix de produits vendus dans des magasins de tailles et de formats différents — Licéité — Pratiques commerciales déloyales — Directive 2005/29/CE — Article 7 — Omission trompeuse — Information substantielle»

I – Introduction

1.

La Cour s’est déjà penchée, à de multiples reprises, sur la publicité comparative, en précisant les conditions de licéité d’une telle publicité ( 2 ), énumérées à l’article 4 de la directive 2006/114/CE ( 3 ). La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence. La cour d’appel de Paris (France) soulève des aspects inédits à l’égard de l’interprétation des points a) et c) dudit article, qui exigent que la publicité comparative ne soit pas trompeuse et qu’elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens et des services comparés.

2.

Le litige au principal, ayant donné lieu à cette demande, oppose deux sociétés concurrentes dans la grande distribution, à savoir ITM Alimentaire International SASU (ci‑après « ITM »), société en charge de la stratégie et de la politique commerciale des magasins de l’enseigne Intermarché, et Carrefour Hypermarchés SAS (ci‑après « Carrefour »), société faisant partie du groupe Carrefour. L’objet du litige est une campagne publicitaire, lancée par Carrefour en 2012, qui comparait les prix des produits de grandes marques pratiqués dans les magasins de l’enseigne Carrefour et dans des magasins concurrents, dont ceux des magasins de l’enseigne Intermarché. ITM allègue, notamment, que Carrefour n’a pas respecté les dispositions nationales concernant la neutralité et l’objectivité de toute campagne comparative, en procédant à une comparaison des prix pratiqués dans les hypermarchés de l’enseigne Carrefour à ceux pratiqués dans les supermarchés de l’enseigne Intermarché, sans informer le public des critères de sélection des magasins et de la différence des formats des points de vente comparés.

3.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en vertu de l’article 4, sous a) et c), de la directive 2006/114, une comparaison du prix de produits vendus par des enseignes de distribution n’est licite que si les produits sont vendus dans des magasins de formats ou de tailles identiques. En outre, cette juridiction demande à la Cour si le fait que les magasins dont les prix sont comparés soient de tailles et de formats différents constitue une information substantielle au sens de l’article 7 de la directive 2005/29/CE ( 4 ) et, dans l’affirmative, quel devrait être le degré de diffusion de cette information auprès du consommateur. À cet égard, la présente affaire soulève la question de l’interaction entre la directive 2006/114 et la directive 2005/29.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 2006/114

4.

L’article 2, sous b), de la directive 2006/114 dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par

[...]

b)

“publicité trompeuse”, toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent ».

5.

L’article 4, sous a) et c), de la directive 2006/114 dispose :

« Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont remplies:

a)

elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2, point b), de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29[...]

[...]

c)

elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix ».

2. La directive 2005/29

6.

L’article 6 de la directive 2005/29, intitulé « Actions trompeuses », dispose, à son paragraphe 1, sous d) :

« Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement :

[...]

d)

le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix ».

7.

L’article 7 de la directive 2005/29, intitulé « Omissions trompeuses », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle‑ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

B – Le droit français

8.

L’article L. 121‑8 du code de la consommation dispose :

« Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par le concurrent n’est licite que si :

Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ».

9.

Il ressort de la décision de renvoi que les articles L. 121‑8 et suivants du code de la consommation constituent la transposition de la directive 2006/114 en droit français.

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.

Au cours du mois de décembre 2012, Carrefour a lancé une campagne publicitaire télévisée de grande ampleur, intitulée « Garantie prix le plus bas », comparant les prix de 500 produits de grandes marques pratiqués dans ses magasins et dans des magasins concurrents et offrant au consommateur de lui rembourser deux fois la différence de prix s’il trouvait moins cher ailleurs. Cette campagne, ayant fait l’objet de huit spots publicitaires, faisait apparaître des écarts de prix favorables aux magasins Carrefour par rapport aux magasins concurrents, dont des magasins Intermarché.

11.

À partir du deuxième spot télévisé, les magasins Intermarché sélectionnés pour la comparaison étaient tous des supermarchés, alors que les magasins Carrefour étaient tous des hypermarchés. Dans les spots télévisés, apparaissaient en dessous du nom Intermarché, en lettres plus petites, la mention « super ».

12.

Le 2 octobre 2013, après avoir mis Carrefour en demeure de cesser la diffusion de cette publicité, ITM a assigné Carrefour devant le tribunal de commerce de Paris (France) aux fins d’obtenir, entre autres, la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 3 millions d’euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ITM, et l’interdiction de la diffusion à la télévision et sur Internet de la publicité concernée ainsi que de toute pratique de publicité comparative reposant sur des modalités de comparaison similaires.

13.

Par jugement du 31 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a condamné Carrefour à payer à ITM la somme de 800000 euros en réparation du préjudice subi, a fait droit aux demandes d’interdiction de diffusion de la publicité et a ordonné la publication du jugement.

14.

En effet, cette juridiction a considéré, entre autres, que Carrefour a adopté un mode de sélection des points de vente qui était trompeur, faussant la représentativité des relevés de prix et ne respectant pas les exigences d’objectivité résultant de l’article L. 121‑8 du code de la consommation, et que ces manquements à l’objectivité d’une campagne de publicité comparative constituaient des actes de concurrence déloyale ( 5 ).

15.

À cet égard, ladite juridiction a...

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