Freie und Hansestadt Hamburg v Jost Pinckernelle.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:996
Date21 December 2016
Celex Number62015CC0535
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-535/15
62015CC0535

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 21 décembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑535/15

Freie und Hansestadt Hamburg

contre

Jost Pinckernelle

[Demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

«Enregistrement, évaluation, autorisation et restrictions applicables aux substances chimiques (REACH) — Champ d’application ratione materiae de l’obligation d’enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) — Autorité d’un État membre interdisant l’exportation en provenance de l’Union de sulfate de nicotine non enregistré à l’importation — Article 5 du règlement (CE) no 1907/2006 — Article 126 du règlement (CE) no 1907/2006 concernant les sanctions en cas de non-respect du règlement»

1.

La question qui est soumise à la Cour dans cette affaire porte sur le champ d’application ratione materiae des prescriptions en matière d’enregistrement imposées par l’article 5 du règlement (CE) no 1907/2006 ( 2 ) (ci-après le « règlement REACH »). Plus précisément, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) se demande si un opérateur ayant importé une substance chimique dans l’Union, en l’espèce du sulfate de nicotine, sans respecter l’obligation de l’enregistrer auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ci-après l’« ECHA »), peut se voir refuser l’autorisation, par l’autorité d’un État membre telle que la ville de Hambourg, d’exporter la substance chimique en dehors de l’Union. La ville de Hambourg lui refuse au motif que l’exportation du sulfate de nicotine en question constitue une violation autonome de l’article 5 du règlement REACH.

I – Cadre juridique

A – Le droit de l’Union

2.

Les considérants 2, 3, 7 et 122 du règlement REACH énoncent ce qui suit :

« (2)

Le fonctionnement efficace du marché intérieur des substances ne peut être assuré que s’il n’existe pas, d’un État membre à l’autre, de différences significatives entre les exigences applicables aux substances.

(3)

Un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement devrait être assuré dans le cadre du rapprochement des dispositions législatives relatives aux substances, dans le but de parvenir à un développement durable. Cette législation devrait être appliquée d’une manière non discriminatoire, que les substances fassent l’objet d’échanges dans le marché intérieur ou au niveau international dans le respect des engagements internationaux de la Communauté

[…]

(7)

Pour préserver l’intégrité du marché intérieur et assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, en particulier celle des travailleurs, ainsi que de l’environnement, il est nécessaire de veiller à ce que la fabrication de substances dans la Communauté soit conforme au droit communautaire, même si ces substances sont exportées.

[…]

(122)

Pour que la transparence, l’impartialité et la cohérence du niveau des mesures d’exécution des États membres soient assurées, il est nécessaire que les États membres mettent en place un système de sanctions approprié en vue d’imposer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives aux opérateurs qui ne respectent pas le présent règlement, car toute violation de celui-ci peut avoir des effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement. »

3.

L’article 1er du règlement REACH est intitulé « Objet et champ d’application ». Son paragraphe 1 dispose :

« Le présent règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. »

4.

L’article 3 du règlement REACH, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

7)

“déclarant” : le fabricant ou l’importateur d’une substance ou le producteur d’un article soumettant une demande d’enregistrement pour une substance ;

[…]

9)

“fabricant” : toute personne physique ou morale établie dans la Communauté qui fabrique une substance dans la Communauté ;

10)

“importation” : l’introduction physique sur le territoire douanier de la Communauté ;

11)

“importateur” : toute personne physique ou morale établie dans la Communauté qui est responsable de l’importation ;

12)

“mise sur le marché” : le fait de fournir un produit ou de le mettre à la disposition d’un tiers, à titre onéreux ou non. Toute importation est assimilée à une mise sur le marché.

[…] ».

5.

L’article 5 du règlement REACH est intitulé « Pas de données, pas de marché » et dispose :

« Sous réserve des articles 6, 7, 21 et 23, des substances telles quelles ou contenues dans des préparations ou des articles ne sont pas fabriquées dans la Communauté ou mises sur le marché si elles n’ont pas été enregistrées conformément aux dispositions pertinentes du présent titre, lorsque cela est exigé. »

6.

L’article 6, paragraphe 1, du règlement REACH, intitulé « Obligation générale d’enregistrement de substances telles quelles ou contenues dans des mélanges », prévoit que :

« Sauf disposition contraire du présent règlement, tout fabricant ou importateur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un ou plusieurs mélange(s), en quantités de 1 tonne ou plus par an, soumet une demande d’enregistrement à l’Agence. »

7.

L’article 126 du règlement REACH, intitulé « Sanctions en cas de non‑respect du règlement », est libellé comme suit :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. […] »

B – Le droit national

8.

Les dispositions pertinentes du droit national figurent dans la Gesetz zum Schutz vor gefährlichen Stoffen (loi sur la protection contre les substances dangereuses, dite loi sur les produits chimiques, [Chemikaliengesetz], ci-après la « ChemG »), dans la version de la communication du 28 août 2013 (BGBl. I, p. 3498, 3991), ainsi que dans la Hamburgisches Gesetz zum Schutz der öffentlichen Sicherheit und Ordnung (HmbGVBl., p. 77) (loi de Hambourg sur la protection de la sécurité publique et de l’ordre public, ci-après la « SOG »).

9.

Les articles 21, 23 et 27b de la ChemG disposent ce qui suit :

« Article 21 – Contrôle

(1) Les autorités compétentes du Land contrôlent la mise en œuvre de la présente loi et des règlements pris en exécution de celle-ci, sauf disposition contraire de la présente loi.

(2) Le paragraphe 1 vaut aussi pour les règlements de la Communauté européenne ou de l’Union européenne qui concernent les matières couvertes par la présente loi, pour autant que le contrôle de leur mise en œuvre incombe aux États membres.

[…]

Article 23 – Mesures de l’autorité publique

(1) L’autorité compétente du Land peut, dans un cas d’espèce, prendre les mesures nécessaires pour remédier aux violations constatées, ou prévenir des violations futures, de la présente loi, des règlements pris en application de celle-ci ou de l’un des règlements de la Communauté européenne ou de l’Union européenne mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, première phrase […].

Article 27b – Violations du règlement (CE) no 1907/2006

(1) Est punie d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum ou d’une amende toute personne qui enfreint le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), […]

1.

en fabriquant ou en mettant sur le marché, en violation de l’article 5, une substance telle quelle ou contenue dans une préparation ou un produit.

[…] »

10.

L’article 3, paragraphe 1, de la SOG, dans la version pertinente du 16 juin 2005 (HmbGVBl p. 233), est rédigé comme suit :

« Article 3 – Missions

1) Les autorités administratives prennent, dans le cadre de leurs compétences et dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les mesures nécessaires, dans le cas d’espèce, à la protection du public ou de l’individu, pour prévenir les risques imminents à la sécurité publique ou à l’ordre public ou mettre fin à des atteintes à la sécurité publique ou à l’ordre public (mesures de prévention des risques).

[…] »

II – Les faits au principal et la question préjudicielle

11.

Le requérant, M. Pinckernelle, commercialise des produits chimiques. Il demande l’annulation d’une décision prise par la ville de Hambourg le 29 juin 2009 (ci-après « la décision ») lui refusant l’autorisation d’exporter des lots contenant 19,4 tonnes de sulfate de nicotine (ci-après « les lots ») vers un pays tiers, en l’espèce la Russie, qu’il avait importé de Chine dans l’Union européenne après le 1er décembre 2008. Le sulfate de nicotine est utilisé en Russie comme désinfectant dans l’industrie et dans les installations pour les animaux ( 3 ). Toutefois, il ne peut pas être utilisé dans l’Union à cette fin et est soumis à des restrictions sévères ( 4 ).

12.

Auparavant, la police fluviale de Hambourg et le service de l’économie et du travail de la ville de Hambourg avaient saisi les lots dans le cadre d’une enquête pénale. Ceux-ci étaient stockés dans un entrepôt d’Hambourg et le sont toujours. Par arrêtés du 23 février 2009 et du 18 mai 2009...

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