Opinion of Advocate General Bobek in Primart v EUIPO, C-702/18 P

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1030
Date28 November 2019
Celex Number62018CC0702
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 28 novembre 2019 (1)

Affaire C702/18 P

Przedsiębiorstwo Produkcyjno-Handlowe „Primart” Marek Łukasiewicz

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Demande de marque de l’Union européenne figurative PRIMART Marek Łukasiewicz – Marques nationales antérieures PRIMA – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 76, paragraphe 1 – Portée du contrôle exercé par le Tribunal »






I. Introduction

1. Le présent pourvoi concerne la portée du contrôle que doit exercer le Tribunal sur les décisions des chambres de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (ci‑après l’« EUIPO ») adoptées dans des procédures ayant trait aux motifs relatifs de refus d’enregistrement de marques de l’Union européenne. Se pose en particulier la question de savoir dans quelle mesure le Tribunal peut examiner une argumentation que les parties n’ont pas avancée devant l’EUIPO.

2. Afin de traiter cette question, il conviendra de préciser le sens de l’article 76, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (2) et de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal.

II. Le cadre juridique

3. L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (3) dispose :

« Motifs relatifs de refus

1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[…]

(b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

4. L’article 76 du règlement nº 207/2009 (4), dans sa version applicable au présent litige, dispose :

« Examen d’office des faits

1. Au cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2. L’Office peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »

5. L’article 188 du règlement de procédure du Tribunal dispose, quant à lui :

« Objet du litige devant le Tribunal

Les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. »

III. Faits et procédure

A. La procédure devant l’EUIPO

6. Les faits, tels qu’exposés dans l’arrêt attaqué (5), peuvent être résumés comme suit.

7. Le 27 janvier 2015, Przedsiębiorstwo Produkcyjno-Handlowe „Primart” Marek Łukasiewicz (ci‑après « Primart ») a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement nº 207/2009. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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8. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Sucres, édulcorants naturels, enrobages et fourrages sucrés, produits apicoles ; café, thés, cacao et leurs succédanés ; glace, crèmes glacées, yaourts glacés et sorbets ; sels, assaisonnements, arômes et condiments ; produits de boulangerie, confiserie, chocolat et desserts ; grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; crackers ».

9. Le 29 avril 2015, Bolton Cile España, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point précédent. L’opposition était notamment fondée sur la marque espagnole PRIMA, enregistrée le 22 septembre 1973 sous le numéro 2 578 815 et renouvelée le 9 avril 2013, désignant les produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Sauces et condiments ; café ; thé ; cacao ; sucre ; riz ; tapioca ; sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales ; pain ; biscuits ; gâteaux ; pâtisserie et confiserie ; glaces comestibles ; miel ; sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; poivre ; vinaigre ; glace à rafraîchir ». Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui énoncé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

10. Le 2 septembre 2016, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Toutefois, à la suite d’un recours formé par Bolton Cile España, par décision du 22 juin 2017 (6), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition, a accueilli l’opposition, a rejeté la demande de marque et a condamné Primart à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours.

11. La chambre de recours a considéré, s’agissant de la marque espagnole antérieure, que le territoire pertinent aux fins de l’analyse du risque de confusion était l’Espagne et que le public pertinent était constitué du grand public de cet État membre. Après avoir comparé les signes, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Dans ces circonstances, elle a observé que le mot « prima » signifie « cousine » ou « prime » pour le consommateur espagnol pertinent. En revanche, la marque demandée était dépourvue de toute signification. La chambre de recours a également indiqué que le caractère distinctif intrinsèque de la marque nationale antérieure était moyen. Selon elle, le consommateur espagnol ne comprendra pas le mot « prima » comme un mot marquant l’excellence de quelque chose, comme c’est le cas dans d’autres langues de l’Union européenne (telles que l’allemand ou le néerlandais).

B. L’arrêt attaqué et la procédure devant la Cour

12. Le 24 août 2017, Primart a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse devant le Tribunal. Dans son recours, elle a invoqué la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

13. Le 12 septembre 2018, le Tribunal a rejeté le recours et confirmé les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne l’existence d’un risque de confusion entre les deux signes. Dans ces conditions, le Tribunal a déclaré que les arguments de Primart concernant le caractère distinctif prétendument faible de la marque antérieure étaient irrecevables, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, en ce qu’ils n’avaient pas été avancés devant la chambre de recours.

14. Dans son pourvoi devant la Cour, déposé le 9 novembre 2018, Primart conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué, l’annulation de la décision litigieuse de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, la condamnation de l’EUIPO et de Bolton Cile España aux dépens exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours et de la procédure devant le Tribunal et la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés aux fins de la procédure devant la Cour.

15. L’EUIPO et Bolton Cile España, quant à eux, demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Primart aux dépens.

IV. Appréciation

16. Primart invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009. Elle conteste les points 87 à 90 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a considéré que son argumentation concernant le caractère distinctif faible de la marque antérieure était irrecevable.

17. Dans la première partie des présentes conclusions, j’examinerai l’argument de Bolton Cile España selon lequel le pourvoi est irrecevable (A). J’examinerai ensuite le bien-fondé du pourvoi (B), en résumant les principaux arguments des parties (1) et en expliquant pourquoi je considère que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 (2). La seconde partie des présentes observations traitera des conséquences de cette appréciation. J’estime qu’il convient d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour un nouvel examen (C).

A. Sur la recevabilité

18. Bolton Cile España considère que le pourvoi est irrecevable pour deux raisons. Premièrement, elle soutient que le pourvoi ne contient pas l’exposé sommaire des moyens invoqués, en violation de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour. Deuxièmement, les principaux arguments de Primart, qui concernent la signification du mot « prima » et le caractère distinctif d’une marque qui contient ce mot, soulèvent des questions de fait et non pas de droit.

19. Les arguments de Bolton Cile España ne me convainquent pas.

20. En ce qui concerne la première raison, je relève que la requête contient, à la page 3, un résumé du moyen invoqué par Primart. Ce résumé explique, succinctement, mais clairement, les raisons justifiant les griefs de Primart et indique les points de l’arrêt attaqué qui seraient prétendument entachés d’une erreur.

21. S’agissant de la seconde raison, l’argumentation avancée par Primart porte sur le fait que le Tribunal n’a pas examiné si le mot « prima » a d’autres significations (outre celles qui ont été établies) ainsi qu’une connotation laudative et, si oui, si cela a une incidence sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure. Primart soutient que cette omission a entraîné une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009...

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