Opinion of Advocate General Kokott delivered on 3 September 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:644
Date03 September 2020
Celex Number62019CC0445
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

Mme JULIANE KOKOTT

présentées le 3 septembre 2020 (1)

Affaire C445/19

Viasat Broadcasting UK Ltd

contre

TV2/Danmark A/S,

Royaume de Danemark

(demande de décision préjudicielle formée par l’Østre Landsret [Cour d’appel de la région Est, Danemark])

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Sociétés publiques de radiodiffusion – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Services d’intérêt économique général – Aide compatible avec le marché intérieur – Conséquences juridiques – Article 1086, paragraphe 3, TFUE – Absence de notification – Obligation de payer des intérêts au titre de la période d’illégalité – Avantage concurrentiel résultant de la mise à exécution illicite d’une aide – Montants à prendre en compte lors du calcul des intérêts »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle concerne de nouveau la question du financement du service public de radiodiffusion au Danemark au moyen de subventions publiques, laquelle a déjà fait l’objet de plusieurs arrêts des juridictions de l’Union. Il y a été définitivement constaté que les mesures de financement public en faveur de TV 2 Danmark A/S (ci‑après « TV 2 ») constituaient des aides compatibles avec le marché intérieur (2).

2. Ces mesures n’avaient toutefois pas été notifiées à la Commission avant leur mise en œuvre. Le litige au principal porte aujourd’hui sur la question de savoir si, du fait de cette absence de notification, le bénéficiaire de cette aide formellement illégale est tenu d’acquitter des intérêts au Danemark pour la période courant jusqu’à l’autorisation de celle‑ci par la Commission. Cette dernière a développé la notion d’intérêts au titre de la période d’illégalité (3).

3. L’obligation d’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité est en principe également constituée lorsque l’aide ne doit pas être remboursée du fait de sa compatibilité avec le marché intérieur (4). TV 2 et le Royaume de Danemark, soutenus par le Royaume des Pays‑Bas et la République d’Autriche, font toutefois valoir en l’espèce que l’aide en cause constitue une compensation de service public, élément qui, selon eux, doit également avoir une incidence sur l’obligation d’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité.

II. Le cadre juridique

4. Le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité FUE (5) (ci‑après le « règlement 2015/1589 ») comporte, dans son article 16 (6), des règles sur la récupération des aides. Le paragraphe 2 de cet article est libellé comme suit :

« L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. »

III. Les faits et la procédure au principal

5. Le financement de la société publique de radiodiffusion danoise TV 2 au moyen de ressources d’État dans les années 1995 à 2002 a fait l’objet de plusieurs procédures administratives et judiciaires.

6. Au cours de la période en cause, TV 2 a perçu des recettes tirées de la redevance audiovisuelle et de la vente d’écrans publicitaires à la télévision. Ces recettes ont été un temps générées par la société publique indépendante TV 2 Reklame A/S, les bénéfices étant en partie transférés à TV 2 par l’intermédiaire d’un fonds et en partie versés directement à celle‑ci.

7. Le radiodiffuseur TV 2 se compose de neuf sociétés indépendantes : huit diffuseurs régionaux et une entreprise opérant à l’échelle nationale. Pendant la période en cause, TV 2 était légalement tenue de produire des programmes de télévision nationaux et régionaux et de les diffuser sur les chaînes nationales et régionales.

8. Les diffuseurs régionaux n’ont eux‑mêmes généré aucune recette, mais ont été financés par TV 2. Cette dernière y était aussi légalement tenue.

9. Le Royaume de Danemark n’a pas notifié à la Commission le financement au moyen de redevances de radiodiffusion et de recettes publicitaires. À la suite de l’annulation par le Tribunal d’une première décision qu’avait adoptée la Commission en 2004 (7), celle‑ci a décidé, en 2011, après réexamen (8) (ci‑après la « décision TV 2 II »), que les mesures de financement de TV 2 dans les années 1995 à 2002 constituaient des aides qui avaient été mises à exécution illégalement, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, mais qui étaient intégralement compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Cette décision a été définitivement confirmée par la Cour (9).

10. S’appuyant sur l’absence de notification de l’aide en cause, la requérante au principal, Viasat Broadcasting UK Ltd. (ci‑après « Viasat ») demande qu’il soit constaté que TV 2 est tenue d’acquitter des intérêts d’un montant de 1 746 300 000 couronnes danoises (DKK) (environ 234 623 606 euros) au titre de la période d’illégalité comprise entre le versement de l’aide et la décision finale de la Commission sur la compatibilité de celle‑ci avec le marché intérieur en 2011.

11. La base de calcul de ces intérêts est constituée par la somme des mesures de financement qualifiées d’aides, c’est‑à‑dire en y incluant les montants que TV 2 a reçus au titre des recettes publicitaires et ceux qu’elle a transférés à ses stations régionales.

12. TV 2 conteste cette demande. Elle estime que les intérêts au titre de la période d’illégalité ne sont pas dus dans un cas tel que celui de la présente affaire, où une aide non notifiée qui a été accordée en vue de compenser des services d’intérêt économique général est compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et ne doit donc pas être remboursée. À l’appui de sa thèse, elle soutient en substance que, dans de tels cas, l’article 106, paragraphe 2, TFUE fait obstacle à l’application de l’obligation de notification et de statu quo prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et que, en tout état de cause, l’obligation de payer des intérêts au titre de la période d’illégalité est liée à l’existence d’un avantage réel indu. Or, fait-elle valoir, il n’existe pas de tel avantage en l’espèce.

IV. Le renvoi préjudiciel et les procédures devant la Cour

13. Par ordonnance du 29 mai 2019, parvenue à la Cour le 6 juin 2019, l’Østre Landsret (Cour d’appel de la région Est, Danemark) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes au titre de l’article 267 TFUE :

1. L’obligation pour un juge national de condamner le bénéficiaire d’une aide à s’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité (voir arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79) s’applique‑t‑elle également dans un cas tel que celui de la présente espèce, où l’aide d'État illégale constituait une compensation de service public qui a ensuite été reconnue être compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et dont l’autorisation a été fondée sur une appréciation de la situation financière d’ensemble de toute l’entreprise de service public, en ce compris sa capitalisation ?

2. L’obligation pour un juge national de condamner le bénéficiaire d’une aide à s’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité (voir arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79) s’applique‑t‑elle également aux montants qui, dans les circonstances du litige au principal, ont été transférés par le bénéficiaire de l’aide à des entreprises qui lui sont liées, en application d’une obligation de droit public, et qui, par une décision de la Commission européenne devenue définitive, ont été considérés comme favorisant ce bénéficiaire au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ?

3. L’obligation pour un juge national de condamner le bénéficiaire d’une aide à s’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité (voir arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79) s’applique‑t‑elle également aux aides d’État qui, dans les circonstances du litige au principal, ont été versées à leur bénéficiaire par une entreprise contrôlée par l’État lorsqu’une partie de ces moyens provient de la commercialisation de services du bénéficiaire ?

14. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, Viasat, TV 2, le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays‑Bas, la République d’Autriche et la Commission européenne ont présenté des observations écrites et répondu par écrit à des questions complémentaires posées par la Cour.

V. Appréciation juridique

15. La juridiction nationale pose trois questions par lesquelles elle souhaite savoir si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, l’absence de notification de l’aide oblige TV 2 à payer, sur les montants qu’elle a perçus, des intérêts au titre de la période d’illégalité comprise entre la mise en œuvre de l’aide et la décision finale prise par la Commission en 2011.

16. À cet égard, il convient, dans le cadre de la première question, de préciser si l’obligation d’acquitter des intérêts au titre de la période d’illégalité, dont le point de départ est l’absence de notification des aides en violation du traité (voir sous A.), s’applique également aux aides qui, bien qu’accordées en l’absence de notification préalable, l’ont été conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir sous B.). Les deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, portent sur les montants dont il y a éventuellement lieu de tenir compte pour le calcul des intérêts au titre de la période d’illégalité (voir sous C.).

A. Remarque liminaire

17. Une aide est formellement illégale si elle a été mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (10). L’article 108, paragraphe 3, TFUE fait partie du...

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