Opinion of Advocate General Bobek delivered on 16 September 2020.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62019CC0218 |
ECLI | ECLI:EU:C:2020:716 |
Date | 16 September 2020 |
Court | Court of Justice (European Union) |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 16 septembre 2020 (1)
Affaire C‑218/19
Adina Onofrei
contre
Conseil de l’ordre des avocats au barreau de Paris,
Bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris,
Procureur général près la cour d’appel de Paris
[Renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cour de Cassation, France)]
« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Accès à la profession d’avocat – Dispense de la formation et du certificat professionnel – Pratique nationale limitant l’octroi de la dispense aux fonctionnaires ayant exercé le droit national sur le territoire national et dans la fonction publique nationale »
I. Introduction
1. Madame Adina Onofrei (ci‑après la « requérante ») a la double nationalité portugaise et roumaine. Elle est titulaire de deux diplômes de maîtrise et d’un doctorat en droit délivrés par les universités de Paris I et de Paris II. Elle a travaillé pendant plus de huit ans à la Commission européenne en qualité d’administrateur. Elle a sollicité son admission à l’Ordre des avocats au barreau de Paris (ci‑après le « barreau de Paris ») en invoquant l’une des dispenses de la détention d’un certificat professionnel (et partant de la formation professionnelle obligatoire) prévues par la législation française, dispense qui vise les « fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ».
2. La demande de la requérante a été rejetée par le barreau de Paris, aux motifs que celle‑ci n’était ni un agent de la fonction publique française, ni détachée par la fonction publique française auprès d’une organisation française et qu’elle n’avait pas davantage pratiqué sur le territoire français. L’arrêté du barreau de Paris a été confirmé en degré d’appel au motif que la requérante ne justifiait d’aucune pratique antérieure du droit français. Saisie sur pourvoi sur des points de droit, la Cour de cassation de France s’interroge à présent sur la compatibilité avec les articles 45 et 49 TFUE de ces règles nationales, ou plus exactement de l’interprétation et de l’application de celles‑ci en pratique.
II. Le cadre juridique
3. L’article 11 de la loi nº 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (ci‑après la « loi 71‑1130 ») énonce que :
« Nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit les conditions suivantes :
1. être français, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
2. être titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents ;
3. être titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au paragraphe 2 ou, dans le cadre de la réciprocité, de l’examen prévu au dernier alinéa du présent article ;
4. n’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ;
[…]
6. n’avoir pas été frappé de faillite personnelle ou d’autre sanction […]. »
4. L’article 98 du décret nº 91‑1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (ci‑après le « décret nº 91‑1197 ») énonce que : « Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat :
1. Les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d’invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ;
2. Les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s’ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d’enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche ;
3. Les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises ;
4. Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;
5. Les juristes attachés pendant huit ans au moins à l’activité juridique d’une organisation syndicale.
6. Les juristes salariés d’un avocat, d’une association ou d’une société d’avocats, d’un office d’avoué ou d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l’obtention du titre ou diplôme mentionné au paragraphe 2 de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ;
7. Les collaborateurs de député ou assistants de sénateur justifiant avoir exercé une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant au moins huit ans dans ces fonctions ;
Les personnes mentionnées aux paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7 peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans. »
5. L’article 98‑1(1) du même décret dispose que :
« Les personnes bénéficiant d’une des dispenses prévues à l’article 98 doivent avoir subi avec succès devant le jury prévu à l’article 69 un examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle […]. »
III. Les faits, la procédure nationale et les questions préjudicielles déférées
6. La requérante, qui a la double nationalité portugaise et roumaine, est titulaire de deux diplômes de maîtrise et d’un doctorat en droit délivrés par les universités de Paris I et de Paris II. Pendant plus de huit ans, elle a travaillé en qualité d’administrateur à la Commission, direction générale (DG) « Marché intérieur » et à la direction générale (DG) « Concurrence ». Elle y a essentiellement traité des affaires d’aide d’État et d’ententes.
7. La requérante a sollicité son admission au barreau de Paris. Comme elle remplissait de toute évidence toutes les autres conditions de l’article 11 de la loi nº 71‑1130, y compris celle de d’être titulaire de tous les diplômes en droit exigés en France, elle a invoqué l’article 98, paragraphe 4 du décret nº 91 1197 afin de demander à être dispensée de l’obligation d’être titulaire du « certificat d’aptitude à la profession d’avocat » (ci‑après le « certificat d’aptitude »).
8. Selon le même raisonnement, elle a également cherché à être dispensée de l’obligation de suivre la formation préparatoire qui aboutit à la délivrance du certificat d’aptitude lorsqu’elle est suivie avec succès. Le Conseil du barreau de Paris et le bâtonnier du barreau de Paris ont expliqué que cette formation dure 18 mois, qu’elle implique un stage dans un bureau d’avocat et qu’elle s’achève par la réussite d’un examen final.
9. La requérante estime que l’emploi qu’elle a exercé à la Commission européenne réunit les conditions de la dispense énoncées par l’article 98, paragraphe 4, du décret nº 91‑1197.
10. Cependant, le Conseil du barreau de Paris a rejeté la demande de la requérante, aux motifs qu’elle n’était ni agent de la fonction publique française, ni détachée en tant que telle auprès d’une organisation internationale. En outre, le Conseil du barreau de Paris a également relevé que son expérience professionnelle n’avait pas été acquise sur le territoire français.
11. Cet arrêté a été contesté par la requérante devant la Cour d’appel de Paris qui, par arrêt du 11 mai 2017, l’a confirmé. La Cour d’appel a jugé que l’expérience professionnelle de la requérante devait être examinée in concreto afin de déterminer si celle‑ci correspond à la formation, à la compétence et à la responsabilité attachée à la fonction publique de catégorie A. Elle a également jugé qu’il était nécessaire de veiller à ce que l’avocat ait une connaissance satisfaisante du droit national pour garantir l’exercice complet, pertinent et efficace des droits des justiciables.
12. La Cour d’appel a ensuite énuméré les différentes fonctions exercées au sein des services de la Commission européenne par la requérante. Elle a en outre indiqué les missions spécifiques qui lui ont été confiées dans le cadre de ces différentes fonctions. Sur cette base, la Cour a conclu que ces missions ne faisaient pas apparaître que la requérante avait mis en application le droit français, de sorte qu’elle ne justifiait d’aucune pratique du droit national. Par conséquent, la pratique du droit acquise par la requérante ne correspondait pas aux critères de l’article 98, paragraphe 4, du décret nº 91‑1197.
13. La requérante a formé un pourvoi sur un point de droit devant la Cour de Cassation. Selon elle, l’arrêt de la Cour d’appel a interprété la dispense pertinente de manière trop restrictive. L’interprétation qui exige une pratique du droit français, ainsi que l’acquisition d’une expérience professionnelle en France ne prend pas en considération le fait que le droit de l’Union fait partie intégrante du droit national. L’absence de prise en considération de cette circonstance mène à une discrimination indirecte qui avantage les fonctionnaires de la fonction publique française au...
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