Opinion of Advocate General Hogan delivered on 1 October 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:765
Date01 October 2020
Celex Number62019CC0940
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 1er octobre 2020 (1)

Affaire C940/19

Les chirurgiens-dentistes de France,

Confédération des syndicats médicaux français,

Fédération des syndicats pharmaceutiques de France,

Syndicat des biologistes,

Syndicat des médecins libéraux,

Union dentaire,

Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes,

Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes,

Conseil national de l’ordre des infirmiers

contre

ministre des Solidarités et de la Santé,

ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation,

Premier ministre

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Reconnaissance des qualifications professionnelles – Directive 2005/36/CE – Article 4 septies, paragraphe 6 – Réglementation nationale établissant un accès partiel à certaines professions de santé »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 4 septies, paragraphe 6, de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (2), telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (3). La disposition précitée permet, et ce pour la première fois, un accès partiel à une activité professionnelle dans le cadre d’un système de reconnaissance mutuelle de qualifications.

2. Si la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est généralement considérée comme l’un des grands accomplissements du marché intérieur, il faut aussi admettre que cela ne s’est pas réalisé sans difficultés. L’une de ces difficultés s’est avérée être que, dans chaque État membre, il pouvait exister au sein des diverses professions toute une gamme de sous-catégories et de spécialités. Dans de nombreux cas, ces praticiens spécifiques peuvent ne pas avoir les qualifications requises leur permettant de bénéficier d’une reconnaissance pour l’ensemble du champ d’activité d’une profession dans un autre État membre.

3. C’est en vue de régler cette question bien précise que, comme nous allons le voir, le législateur de l’Union a introduit la notion d’« accès partiel » de sorte que ces sous-catégories et spécialités soient prises en compte. L’odontologie constituant la toile de fond sur laquelle s’inscrit la présente affaire, les assistants dentaires nous en fournissent une parfaite illustration. Un hygiéniste bucco-dentaire qualifié peut souhaiter exercer son activité dans un autre État membre mais être amené à constater qu’il n’est pas autorisé à le faire sans avoir également la qualité de chirurgien-dentiste. L’instauration de l’accès partiel dans la directive la plus récente en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles vise à résoudre ce problème.

4. Le présent renvoi préjudiciel a été formé dans le cadre d’une procédure engagée par la Confédération nationale des syndicats dentaires, devenue « Les chirurgiens-dentistes de France », ainsi que par d’autres organisations représentant des professionnels exerçant dans le domaine de la santé. Les défendeurs dans cette procédure sont le ministre des Solidarités et de la Santé, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ainsi que le Premier ministre. Les requérants soutiennent, en substance, que le gouvernement français a agi illégalement dans la façon dont plusieurs actes réglementaires ont visé à transposer les exigences de la directive 2013/55 en droit interne français.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2013/55

5. Le considérant 7 de la directive 2013/55 précise ce qui suit :

« La directive 2005/36/CE ne s’applique qu’aux professionnels qui veulent exercer la même profession dans un autre État membre. Il existe des cas où, dans l’État membre d’accueil, les activités concernées relèvent d’une profession dont le champ d’activité est plus grand que dans l’État membre d’origine. Si les différences entre les domaines d’activité sont si grandes qu’il est nécessaire d’exiger du professionnel qu’il suive un programme complet d’enseignement et de formation pour pallier ses lacunes et si ce professionnel le demande, l’État membre d’accueil devrait, dans ces conditions particulières, lui accorder un accès partiel. Toutefois, en cas de raisons impérieuses d’intérêt général, définies comme telles par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa jurisprudence relative aux articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, susceptible de continuer à évoluer, un État membre devrait être en mesure de refuser l’accès partiel. Cela peut être le cas, en particulier, pour les professions de santé, si elles ont des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients. L’octroi d’un accès partiel devrait être sans préjudice du droit des partenaires sociaux à s’organiser. »

2. La directive 2005/36

6. L’article 1er de la directive 2005/36, intitulé « Objet », énonce ce qui suit :

« La présente directive établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées (ci‑après dénommé “État membre d’accueil”) reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres (ci‑après dénommé(s) “État membre d’origine”) et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.

La présente directive établit également des règles concernant l’accès partiel à une profession réglementée et la reconnaissance des stages professionnels effectués dans un autre État membre. »

7. L’article 4 de la directive 2005/36, intitulé « Effets de la reconnaissance », prévoit :

« 1. La reconnaissance des qualifications professionnelles par l’État membre d’accueil permet aux bénéficiaires d’accéder dans cet État membre à la même profession que celle pour laquelle ils sont qualifiés dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux.

2. Aux fins de la présente directive, la profession que veut exercer le demandeur dans l’État membre d’accueil est la même que celle pour laquelle il est qualifié dans son État membre d’origine si les activités couvertes sont comparables.

3. Par dérogation au paragraphe 1, un accès partiel à une profession est accordé dans l’État membre d’accueil dans les conditions établies à l’article 4 septies. »

8. L’article 4 septies de la directive 2005/36, introduit par la directive 2013/55 et intitulé « Accès partiel », dispose :

« 1. L’autorité compétente de l’État membre d’accueil accorde un accès partiel au cas par cas à une activité professionnelle sur son territoire, uniquement lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies :

a) le professionnel est pleinement qualifié pour exercer dans l’État membre d’origine l’activité professionnelle pour laquelle un accès partiel est sollicité dans l’État membre d’accueil ;

b) les différences entre l’activité professionnelle légalement exercée dans l’État membre d’origine et la profession réglementée dans l’État membre d’accueil sont si importantes que l’application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d’enseignement et de formation requis dans l’État membre d’accueil pour avoir pleinement accès à la profession réglementée dans l’État membre d’accueil ;

c) l’activité professionnelle peut objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession réglementée dans l’État membre d’accueil.

Aux fins du point c), l’autorité compétente de l’État membre d’accueil tient compte du fait que l’activité professionnelle peut ou ne peut pas être exercée de manière autonome dans l’État membre d’origine.

2. L’accès partiel peut être refusé si ce refus...

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