Opinion of Advocate General Bobek delivered on 23 February 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:125
Celex Number62019CC0923
CourtCourt of Justice (European Union)
Date23 February 2021

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 23 février 2021 (1)

Affaire C923/19

Van Ameyde España SA

contre

GES, Seguros y Reaseguros, SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/103/CE – Assurance en responsabilité civile des véhicules automoteurs – Notion de “circulation des véhicules” – Étendue de l’obligation de souscrire une assurance – Accident impliquant un véhicule tracteur et une semi‑remorque assurés auprès d’assureurs différents »






I. Introduction

1. Les dommages matériels causés à une semi-remorque qui, au moment d’un accident de la circulation, était utilisée en tant qu’élément d’un véhicule articulé, l’accident étant apparemment imputable au conducteur du tracteur routier, doivent-ils être couverts par l’assurance obligatoire du tracteur routier ou par celle de la semi‑remorque, lorsque le tracteur routier et la semi-remorque sont couverts par des polices d’assurance en responsabilité civile distinctes, souscrites auprès d’assureurs différents ?

2. Par cette question, la Cour est invitée à développer plus avant sa jurisprudence, désormais riche, relative à la notion de « circulation des véhicules » figurant à l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103/CE (2). Par le passé, il a déjà été demandé à la Cour de confirmer si cette notion couvrait, notamment, « la manœuvre d’un tracteur dans la cour d’une ferme afin de faire entrer dans une grange la remorque dont ce tracteur est muni » (3); « une situation dans laquelle un tracteur agricole a été impliqué dans un accident alors que sa fonction principale, au moment de la survenance de cet accident, consistait non pas à servir de moyen de transport, mais à générer, en tant que machine de travail, la force motrice nécessaire pour actionner la pompe d’un pulvérisateur d’herbicide » (4) ; « une situation dans laquelle le passager d’un véhicule stationné sur un parking, en ouvrant la portière de ce véhicule, a heurté et a endommagé le véhicule qui était stationné à côté de celui‑ci » (5) ; ou une « une situation [...] dans laquelle un véhicule stationné dans un garage privé d’un immeuble utilisé conformément à sa fonction de moyen de transport a pris feu, provoquant un incendie, lequel trouve son origine dans le circuit électrique de ce véhicule, et causé des dommages à cet immeuble, alors même que ledit véhicule n’a pas été déplacé depuis plus de 24 heures avant la survenance de l’incendie » (6).

3. Tout comme le véhicule tracteur en cause dans l’affaire au principal a dévié de sa route, je crains que certains éléments de la jurisprudence susmentionnée ne se soient quelque peu écartés du champ d’application correct de la directive 2009/103. C’est pourquoi je suggérerai dans les présentes conclusions, que, premièrement, sur le plan structurel, il n’appartient pas à la Cour d’appliquer concrètement le droit de l’Union à des cas particuliers par le biais d’une « jurisprudence factuelle » de ce type. Deuxièmement, s’agissant du cadre législatif spécifique en cause, la notion de « circulation des véhicules », ainsi que d’autres notions juridiques indéterminées figurant à l’article 3 de la directive 2009/103, portent sur l’obligation générale de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile. Elles n’ont pas pour objet ou pour finalité de déterminer si un accident particulier doit être couvert par cette assurance.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. L’article 1er de la directive 2009/13 énonce les définitions suivantes :

« [...]

1. “véhicule” : tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques, même non attelées ;

2. “personne lésée” : toute personne ayant droit à réparation du dommage causé par des véhicules ;

[...] ».

5. L’article 3 de la directive 2009/103, intitulé « Obligation d’assurance des véhicules », prévoit que :

« Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.

Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa.

[...]

Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa ».

6. L’article 12 de la directive 2009/103, intitulé « Catégories spécifiques de victimes », dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, l’assurance visée à l’article 3 couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule.

[...]

3. L’assurance visée à l’article 3 couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés qui, à la suite d’un accident impliquant un véhicule automoteur, ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national.

Le présent article ne préjuge ni la responsabilité civile ni le montant de l’indemnisation ».

B. Le droit espagnol

7. La Ley sobre responsabilidad civil y seguro en la circulación de vehículos a motor (loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance en matière de circulation des véhicules automoteurs, ci‑après la « LRCSCVM ») a été approuvée par le Real Decreto Legislativo (décret législatif royal) 8/2004, du 29 octobre(7). Son article 1er est intitulé « Sur la responsabilité civile » et dispose :

« Le conducteur de véhicules automoteurs est responsable, en raison du risque créé par la conduite de tels véhicules, des dommages causés aux personnes ou aux biens à cause de la circulation.

[...]

Le propriétaire non conducteur est responsable des dommages corporels et matériels causés par le conducteur lorsqu’il/elle est rattaché(e) à ce dernier par l’un des liens visés à l’article 1903 du Código civil (code civil) et l’article 120, paragraphe 5, du Código penal (code pénal). Cette responsabilité prend fin lorsque ledit propriétaire prouve qu’il/elle a utilisé toute la diligence d’un bon père de famille pour prévenir le dommage ».

8. L’article 2 de la LRCSCVM, intitulé « De l’assurance obligatoire », dispose au paragraphe 1 :

« Tout propriétaire de véhicules automoteurs ayant leur stationnement habituel en Espagne est tenu de souscrire et de maintenir en vigueur, pour chaque véhicule dont il est propriétaire, un contrat d’assurance couvrant, jusqu’à concurrence des limites de l’assurance obligatoire, la responsabilité civile visée à l’article 1er ».

9. L’article 5, paragraphe 2, de la LRCSCVM, intitulé « Champ d’application matériel et exclusions », dispose :

« La couverture de l’assurance obligatoire ne concerne pas non plus les dommages matériels causés au véhicule assuré, aux biens transportés dans ce véhicule et aux biens appartenant au preneur d’assurance, à l’assuré, au propriétaire ou au conducteur, ainsi qu’au conjoint ou aux membres de la famille de ceux‑ci jusqu’au troisième degré (liens du sang ou par alliance) ».

10. L’article 1er, paragraphe 1, du Reglamento del seguro obligatorio de responsabilidad civil en la circulación de vehículos a motor (règlement relatif à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules automoteurs, ci‑après le « règlement relatif à l’assurance obligatoire »), approuvé par le Real Decreto (décret royal) 1507/2008, du 12 septembre 2008 (8), dispose :

« [a]ux fins de la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules automoteurs et de l’obligation d’assurance, sont considérés comme des véhicules automoteurs tous les véhicules adaptés à la circulation par voie terrestre et propulsés par un moteur, y compris les cyclomoteurs, les véhicules spéciaux, les remorques et semi-remorques [...] ».

11. De même, le Reglamento General de Vehículos (règlement général sur les véhicules), approuvé par le Real Decreto (décret royal) 2822/1998, du 23 décembre 1998 (9), contient en son annexe II une liste des classes et des catégories de véhicules et inclut, en son article 5, le véhicule tracteur et la semi-remorque dans la catégorie des véhicules indépendants, bien que l’un et l’autre puissent être combinés pour former un véhicule articulé.

12. Selon la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), les véhicules constituant un véhicule articulé sont solidairement responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés par ce véhicule articulé. L’article 19, paragraphe 2, du règlement relatif à l’assurance obligatoire précise ensuite la répartition interne des responsabilités :

« Lorsque les deux véhicules participants sont un véhicule tracteur et la remorque ou la semi-remorque qui y est attachée, ou deux remorques ou semi-remorques, et que la responsabilité de chacun des véhicules n’a pas pu être établie, chaque assureur contribue au respect de ces obligations conformément à ce qui a été conclu dans le cadre des accords entre compagnies d’assurance, ou bien, à défaut, proportionnellement au montant de la prime de risque annuelle correspondant à chacun des véhicules désignés dans la police d’assurance souscrite ».

III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

13. Le 3 avril 2014, un accident de la circulation s’est produit lorsqu’un véhicule articulé formé par un tracteur routier (ou véhicule tracteur) (10) et une semi‑remorque a fait une sortie de route puis s’est renversé. L’accident a été provoqué par la négligence du conducteur du véhicule tracteur.

14. Au moment de l’accident, la semi-remorque avait été louée à la société Primafrío SL. Elle était couverte, pour les dommages matériels causés audit véhicule, par une police d’assurance souscrite auprès de la...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 15 April 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 April 2021
    ...paragraph 65). 132 Opinion in Wiener SI (C‑338/95, EU:C:1997:352, point 50). 133 My opinion in Van Ameyde España SA (C‑923/19, EU:C:2021:125). 134 To come back again to the metaphor made by Advocate General Wahl, above in point 103 of this Opinion. 135 As had been suggested in the past unde......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 15 April 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 April 2021
    ...der Rechtssache Wiener SI (C‑338/95, EU:C:1997:352, Nr. 50). 133 Meine Schlussanträge in der Rechtssache Van Ameyde España SA (C‑923/19, EU:C:2021:125). 134 Um noch einmal auf das von Generalanwalt Wahl verwendete Bild zurückzukommen, siehe oben, Nr. 103 der vorliegenden Schlussanträge. 135......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT