Meki Elgafaji and Noor Elgafaji v Staatssecretaris van Justitie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:479
Date09 September 2008
Celex Number62007CC0465
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-465/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. POIARES MADURO

présentées le 9 septembre 2008 (1)

Affaire C‑465/07

M. Elgafaji,

N. Elgafaji

contre

Staatssecretaris van Justitie

[demande de décision préjudicielle formée par le Nederlandse Raad van State (Pays‑Bas)]

«Statut de réfugié – Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié – Niveau de protection égal à celui de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales»





1. Le litige ayant donné naissance au présent renvoi préjudiciel offre à la Cour l’occasion de préciser les conditions de la protection subsidiaire accordée sur la base du statut de réfugié aux ressortissants des pays tiers en vertu de l’article 15 de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (2) (ci-après la «directive»). La requête de la juridiction de renvoi est formulée de telle manière qu’elle invite le juge communautaire à procéder à une étude comparatiste sur l’étendue de la protection communautaire au regard de celle prévue à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»). Une telle question conduit à revenir sur les rapports entretenus entre les deux ordres juridiques, rapports qui ne sauraient être négligés dans l’objectif de la création d’un espace européen de protection des droits fondamentaux tels que le droit d’asile. Plus important encore est la question fondamentale qui transparaît dans cette affaire et qui vise à déterminer quel degré d’individualisation du risque réel, auquel est exposé une personne, est nécessaire pour qu’elle puisse bénéficier de la protection subsidiaire conférée par la directive.

I – Les faits au principal, le cadre juridique et les questions préjudicielles

2. Le litige dans le cadre duquel les questions préjudicielles ont été posées à la Cour, a pris naissance à la suite d’un refus opposé par le Staatssecretaris van Justitie, à M. et Mme Elgafaji, ressortissants irakiens, à la suite de leur demande d’octroi d’un permis de séjour temporaire aux Pays-bas.

3. Le Staatssecretaris van Justitie, le défendeur au principal, a motivé sa décision de rejet, en date du 20 décembre 2006, en estimant que les demandeurs au principal n’avaient pas démontré à suffisance le risque réel d’atteintes graves et individuelles qu’ils encouraient dans leur pays d’origine. Il s’appuie notamment sur l’article 29, paragraphe 1, sous b) et d) de la loi néerlandaise de 2000 sur le statut des étrangers (Vreemdelingenwet 2000, ci-après la «Vw 2000») et de l’interprétation qui en a été donnée.

4. D’après l’article 29, paragraphe 1, sous b) et d) de la Vw 2000:

«Un permis de séjour à durée déterminée, tel que visé à l’article 28, peut être accordé à l’étranger:

[…]

b) ayant établi qu’il a des raisons valables de supposer qu’il court, en cas d’expulsion, un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants;

[…]

d) dont le retour dans le pays d’origine serait, à l’estime du [Staatssecretaris van Justitie], particulièrement dur dans la situation générale qui y prévaut.»

5. La circulaire de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingencirculaire 2000, ci-après la «circulaire 2000») dans la version qui était en vigueur le 20 décembre 2006, dispose au point C 1/4.3.1:

«L’article 29, paragraphe 1, sous b), de la [Vw 2000] permet d’accorder un permis de séjour si l’étranger a établi à suffisance qu’il a de justes motifs de penser qu’il court un risque réel, en cas d’expulsion, d’être soumis à la torture, à des peines ou traitements inhumains ou dégradants». Cette disposition, précise la circulaire 2000, est tirée de l’article 3 de la CEDH selon lequel «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants». Ainsi, l’éloignement d’une personne vers un pays où elle court un risque réel d’être soumise à un tel traitement constitue une infraction à cet article. Si ce risque réel a été ou est établi, un permis de séjour temporaire (asile) est en principe délivré par les autorités néerlandaises compétentes.

6. Les requérants estiment avoir apporté la preuve du risque réel qu’ils encourent en cas d’expulsion en Irak. Ils invoquent au soutien de leur argumentation les circonstances de fait qui leur sont particulières. Ainsi, ils relatent que M. Elgafaji d’origine chiite a travaillé, pendant environ deux années, comme agent de sécurité à Bagdad dans l’organisation britannique Janusian security qui sécurise les transports de personnel entre la «zone verte» et l’aéroport. Or l’oncle de M. Elgafaji, qui travaillait dans la même organisation, a été pris pour cible par des milices, l’acte de décès mentionnant que sa mort était intervenue à la suite d’une attaque terroriste. Quelques jours après, une lettre de menace était accrochée à la porte de M. et Mme Elgafaji, son épouse d’origine sunnite, dans laquelle il était stipulé «mort aux collaborateurs». Sur la base de ces évènements les époux Elgafaji ont présenté leur demande d’asile aux Pays-Bas où vivent déjà le père, la mère et les sœurs de M. Elgafaji.

7. Le Staatssecretaris van Justitie considéra néanmoins que les documents produits par les requérants au principal et plus encore l’absence de documents officiels ne suffisaient pas à démontrer la menace encourue en cas d’expulsion vers leur pays d’origine de sorte que leur situation ne rentrait pas dans le champ d’application de l’article 29, paragraphe 1, sous b) et d) de la Vw 2000 .

8. Les demandeurs ont contesté cette décision en invoquant le bénéfice de l’article 15, sous c) lu en combinaison avec l’article 2, sous e) de la directive.

9. En effet, l’article 2, sous e) de la directive définit les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15 […]».

10. Et, en vertu de l’article 15, «[l]es atteintes graves sont:

a) la peine de mort ou l’exécution, ou

b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou

c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.»

11. Les requérants observent que seule l’hypothèse visée à l’article 15, sous b) est couverte par l’article 29, paragraphe 1, sous b) de la Vw 2000 qui reprend presque littéralement ses termes. Estimant que la menace visée audit article 15, sous c) se distingue des précédentes et qu’ils rentrent dans cette hypothèse, ils auraient dû ou du moins pu obtenir sur cette base une issue favorable à leur demande d’asile.

12. Le Staatssecretaris van Justitie rejette ce moyen. Selon le Staatssecretaris van Justitie, la charge de la preuve reste identique qu’il s’agisse de la protection accordée en vertu de l’article 15, sous b) de la directive ou de celle visée par l’article 15, sous c). Ces deux articles, souligne le défendeur, à l’instar de l’article 29, paragraphe 1, sous b) de la Vw 2000, impliquent des demandeurs d’asile qu’ils démontrent à suffisance un risque d’atteintes graves et individuelles s’ils devaient retourner dans leur pays d’origine. Aussi, faute d’avoir apporté une telle preuve dans le cadre de l’article 29, paragraphe 1, sous b) de la Vw 2000, ne sauraient-ils se prévaloir utilement de l’article 15, sous c) de la directive qui exige une preuve similaire.

13. À la suite de cette décision, les requérants ont alors formé un recours devant le Rechtbank (Pays‑Bas). Cette juridiction développe une interprétation autre des dispositions pertinentes de la directive. En particulier, le juge interne estime que le haut degré d’individualisation de la menace requis par l’article 15, sous b) de la directive et par la disposition nationale litigieuse serait exigé à un moindre degré dans l’hypothèse visée par l’article, 15, sous c) de la directive qui prend en compte la circonstance d’un conflit armé dans le pays d’origine. La preuve relative à l’existence d’une menace individuelle et grave pesant sur le requérant pourrait ainsi être rapportée plus aisément dans le cadre de l’application de l’article 15, sous c) de la directive, en comparaison avec l’article 15, sous b). En conséquence, le Rechtbank a annulé les arrêtés du 20 décembre 2006 refusant...

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