Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:210
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-114/97
Date07 May 1998
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61997CC0114
EUR-Lex - 61997C0114 - FR 61997C0114

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 7 mai 1998. - Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. - Manquement d'Etat - Libre circulation des travailleurs - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Activités de sécurité privée - Conditions de nationalité. - Affaire C-114/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-06717


Conclusions de l'avocat général

A - Introduction

1 Le présent recours en manquement, dirigé contre le royaume d'Espagne, a pour objet la loi 23/1992, du 30 juillet 1992 (1), et l'arrêté royal 2364/1994, du 9 décembre 1994, portant approbation du règlement relatif à la sécurité privée. La loi exige la «nationalité espagnole des entreprises» (2) qui assurent des services de sécurité. Les administrateurs et les directeurs doivent résider en Espagne. En outre, le personnel de sécurité doit avoir la nationalité espagnole. La Commission voit dans chacune de ces conditions une discrimination interdite dans le cadre des libertés fondamentales, à savoir la liberté d'établissement, la libre prestation des services et la libre circulation des travailleurs. Le gouvernement espagnol ne conteste pas qu'il y ait traitement discriminatoire, mais il estime cependant qu'il peut se prévaloir des motifs de justification prévus par le traité.

2 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1. constater que le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, et en particulier de ses articles 48, 52 et 59, en maintenant en vigueur les articles 7, 8 et 10 de la loi 23/1992, du 30 juillet 1992, dans la mesure où ils soumettent l'octroi de l'autorisation d'exercer les activités de sécurité privée, dans le cas des «entreprises de sécurité», à la condition qu'elles possèdent la nationalité espagnole, que leurs administrateurs et directeurs aient leur résidence en Espagne et, dans le cas du «personnel de sécurité», qu'il possède la nationalité espagnole;

2. condamner le royaume d'Espagne aux dépens.

3 Le royaume d'Espagne conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1. rejeter le recours,

2. condamner la Commission aux dépens.

B - Les faits

I - La disposition litigieuse

4 Les dispositions combinées de la loi 23/1992 (ci-après «la loi») et de l'arrêté royal 2364/1994 (ci-après «l'arrêté») définissent l'objet et les conditions de l'activité de sécurité privée. L'article 5, paragraphe 1, de la loi définit les services que doivent fournir les entreprises de sécurité et qui concernent les activités suivantes:

- surveillance et protection de biens, d'établissements et d'événements de diverses natures (3),

- protection de personnes déterminées (4),

- dépôt, surveillance, vérification d'argent, de valeurs et d'objets de valeur, ainsi que leur transport et leur distribution (5),

- installation et entretien de dispositifs de surveillance et d'alarme (6),

- exploitation de centrales pour la réception, la vérification et la transmission de signaux d'alarme et leur communication aux Forces et aux Corps de Sécurité, ainsi que prestations de services de réponse, dans la mesure où elles ne sont pas du ressort de ces Forces et Corps (7),

- programmation et assistance en ce qui concerne les activités de sécurité visées par la loi (8).

5 En vertu de l'article 7 de la loi, seules les entreprises qui ont obtenu l'autorisation du ministère de l'Intérieur, sous la forme d'une inscription dans un registre, sont autorisées à fournir des services de sécurité privée. Conformément au paragraphe 1, sous b), de cette disposition, la nationalité espagnole (9) est une condition à l'inscription d'une entreprise qui emploie du personnel de sécurité.

6 L'article 8 de la loi exige que les administrateurs et les directeurs des entreprises qui fournissent des services de sécurité privée résident en Espagne.

7 En vertu de l'article 10, paragraphe 1, de la loi, le «personnel de sécurité» doit obtenir préalablement une habilitation du ministère de l'Intérieur. L'article 10, paragraphe 3, sous a), soumet l'octroi de cette habilitation à la condition que le personnel de sécurité ait la nationalité espagnole. Par «personnel de sécurité», la loi entend les gardes de sécurité, les responsables de la sécurité, les gardes du corps, les gardes champêtres privés et les détectives privés. Les activités de garde champêtre (10) et de détective privé (11) peuvent également être exercées à titre indépendant.

8 Certaines activités d'une entreprise de sécurité - par exemple, celles décrites à l'article 5, paragraphe 1, sous e) et g) - ne nécessitent pas l'intervention d'un «personnel de sécurité». Pour les autres missions, les entreprises emploient tant du «personnel de sécurité» au sens de la loi que du personnel administratif. La condition de nationalité ne s'applique pas à ce dernier.

II - Le point de vue de la Commission

9 A titre liminaire, la Commission souligne que son recours ne vise pas à libéraliser l'activité de sécurité privée. Il s'oppose uniquement à la discrimination fondée sur la nationalité introduite par la législation, qui ne saurait se justifier par les finalités de la législation espagnole.

1. En ce qui concerne la liberté d'établissement

10 Selon la Commission, la condition de résidence imposée aux administrateurs et directeurs des entreprises de sécurité équivaut à une condition de nationalité et est donc incompatible avec l'article 52 du traité. A cet égard, la Commission invoque l'arrêt Factortame e.a. (12). Elle affirme que la «condition de nationalité imposée aux entreprises» (13) équivaut elle-même à une restriction partielle de la liberté d'établissement, étant donné qu'elle empêche une entreprise d'exercer son activité par le biais d'une succursale ou d'une agence. Même appliquée aux activités de garde champêtre et de détective privé exercées à titre indépendant, la condition de nationalité est incompatible, selon la Commission, avec l'article 52 du traité.

2. En ce qui concerne la libre prestation de services

11 Les activités exercées par les entreprises ainsi que par le personnel sont des prestations de services au sens de l'article 60 du traité, affirme la Commission. L'exigence d'un établissement en Espagne pour exercer ces activités est, en soi, selon la Commission, une négation de la libre prestation de services. La Commission soutient que la «condition de nationalité imposée aux entreprises» (14) et celle de résidence imposée au personnel de direction empêchent les entreprises non établies en Espagne de fournir toute prestation de services.

3. En ce qui concerne la libre circulation des travailleurs

12 Selon la Commission, la majorité du personnel employé par les entreprises de sécurité sont des travailleurs. La Commission soutient que la condition de nationalité fixée à l'octroi de l'«habilitation» par le ministère de l'Intérieur a pour effet que les ressortissants d'autres États membres sont totalement exclus de la branche des services de sécurité privée. Cela constitue, affirme-t-elle, un obstacle à la libre circulation des travailleurs.

4. En ce qui concerne les motifs de justification

a) Les articles 55 et 66 du traité

13 En vertu des dispositions combinées de l'article 55 et de l'article 66 du traité, les activités qui participent, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique ne relèvent pas des dispositions du chapitre correspondant du traité (établissement ou prestation de services). S'appuyant sur la jurisprudence de la Cour (15), la Commission soutient que l'on ne peut pas partir de l'idée que tous les services de sécurité participent à l'exercice de l'autorité publique. Selon elle, la protection de biens et de personnes privés répond à un besoin privé et ne doit pas être considérée comme l'exercice de pouvoirs de souveraineté. La nature des prestations offertes par les...

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