European Commission v Republic of Hungary.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:754
CourtCourt of Justice (European Union)
Date09 December 2010
Docket NumberC-253/09
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62009CC0253

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 9 décembre 2010 (1)

Affaire C‑253/09

Commission européenne

contre

République de Hongrie

«Manquement d’un État membre – Violation des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE et des articles 28 et 31 de l’accord EEE – Taxe sur les transferts de biens immobiliers à titre onéreux – Biens immobiliers à usage résidentiel – Législation fiscale d’un État membre accordant à l’acquéreur d’un bien immobilier à usage résidentiel, aux fins du calcul de l’assiette, la possibilité de déduire la valeur marchande d’un autre bien immobilier à usage résidentiel vendu dans le délai d’un an avant ou après l’acquisition, à condition que ce bien soit situé sur le territoire de cet État membre – Absence de discrimination»





I – Introduction

1. Par le présent recours en manquement, introduit le 8 juillet 2009, la Commission européenne (ci-après «la Commission») entend faire constater que, en traitant de manière moins favorable l’achat d’un bien immobilier à usage résidentiel en Hongrie à la place d’un bien similaire situé dans un autre État membre par rapport à l’achat d’un bien immobilier à usage résidentiel en Hongrie à la place d’un bien similaire situé dans ce même État membre, la République de Hongrie a méconnu les obligations découlant des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, ainsi que des articles 28 et 31 de l’accord EEE.

II – Cadre juridique

2. D’après l’article 63 de la loi CXVII de 1995, loi hongroise relative à l’impôt sur le revenu (ci-après la «loi CXVII»), «le taux de la taxe applicable au revenu issu de la cession de biens immobiliers et de droits patrimoniaux est fixé à 25 %. […] La taxe versée est réduite (ou ne doit pas être payée) à concurrence de la taxe appliquée à la partie du revenu issu de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit patrimonial (prime à l’achat d’un logement), dont le montant est consacré à un achat à usage résidentiel, par une personne privée, pour elle-même, un membre de sa famille proche ou un ancien conjoint, dans les 12 mois précédant la perception du revenu ou les 60 mois suivant cette date (base de la prime à l’achat d’un logement)». Cette prime à l’achat d’un logement n’est attribuée que si l’investissement a porté sur un bien immobilier à usage résidentiel situé en Hongrie.

3. D’après l’article 1er de la loi XCIII de 1990 sur les taxes (ci-après la «loi XCIII»):

«Le paiement d’une taxe sur le patrimoine est exigé en cas de succession, de donation et de transfert de propriété à titre onéreux.»

4. D’après l’article 2 de la loi XCIII:

«[…] Les dispositions relatives à la taxe sur les donations et les transferts de propriété à titre onéreux s’appliquent aux biens immobiliers et aux droits patrimoniaux qui y sont attachés, sauf dispositions contraires d’une convention internationale.»

5. Enfin, d’après l’article 21, paragraphe 5, de la loi XCIII:

«[…] Si l’acquéreur privé vend son autre logement un an avant ou après l’achat, l’assiette de calcul de la taxe sera constituée par la différence entre la valeur commerciale – brute – du bien acheté et celle du bien vendu.»

III – Procédure précontentieuse et recours

6. Par lettre du 23 mars 2007, la Commission a attiré l’attention des autorités hongroises sur le fait que les dispositions fiscales hongroises relatives à la cession de biens immobiliers étaient éventuellement incompatibles avec les droits garantis par les articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, et par les articles équivalents de l’accord EEE.

7. Elle a fait valoir que les dispositions de la loi CXVII et de la loi XCIII violaient les principes de la libre circulation des personnes et de la liberté d’établissement en ce qu’elles imposaient plus lourdement l’acquisition d’un bien immobilier à usage résidentiel en Hongrie en cas de vente connexe d’un bien similaire sis dans un autre État membre que si la vente connexe portait sur un bien similaire situé sur le territoire hongrois. Ces dispositions constituent donc, en raison de leur nature discriminatoire, une entrave à la libre circulation des travailleurs et des capitaux ainsi qu’à la liberté d’établissement.

8. Dans sa lettre du 8 août 2007, le gouvernement hongrois a reconnu que la disposition figurant à l’article 63 de la loi CXVII constituait une infraction au droit communautaire (désormais, au droit de l’Union) et a annoncé son intention d’arrêter de nouvelles règles garantissant que les assujettis soient traités de la même manière. En ce qui concerne toutefois l’article 21, paragraphe 5, de la loi XCIII, le gouvernement hongrois a maintenu son point de vue selon lequel ses dispositions étaient conformes aux règles du droit de l’Union sur la libre circulation.

9. Le 27 juin 2008, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle maintenait les griefs exprimés dans sa lettre de mise en demeure du 23 mars 2007 concernant les dispositions combinées des articles 2 et 21, paragraphe 5, de la loi XCIII, et rappelé qu’elle considérait que ces dispositions du droit fiscal hongrois violaient les articles 18 CE, 39 CE et 43 CE.

10. Comme les autorités hongroises ont maintenu, en substance, dans leur réponse à cet avis motivé, leur position selon laquelle les dispositions de la loi fiscale hongroise en cause étaient conformes au droit de l’Union, la Commission a décidé d’engager le présent recours.

IV – Analyse

A – Principaux arguments des parties

11. La Commission considère que, dans la mesure où elles accordent, aux fins de l’établissement de l’assiette de la taxe sur les transferts de biens immobiliers, la possibilité de déduire la valeur marchande du bien vendu de la valeur du bien acquis en cas de vente connexe d’une résidence principale sise sur le territoire hongrois, tout en refusant cette déduction si le bien vendu est sis dans un autre État membre, les dispositions en cause de la loi fiscale hongroise sont contraires aux principes de la libre circulation des personnes et de la liberté d’établissement, énoncés aux articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, ainsi qu’aux articles 28 et 31 de l’accord EEE, et constituent une entrave à l’exercice de ces libertés.

12. Elle soutient, en substance, que, en raison de l’exclusion de l’avantage fiscal en cause, les ressortissants étrangers ou hongrois vivant dans un autre État membre et qui y ont acquis un bien immobilier peuvent être dissuadés d’exercer leur droit de libre circulation et de s’établir en Hongrie.

13. La Commission considère que ces personnes, qui ont peut-être déjà payé des taxes d’un montant similaire dans l’État de leur résidence précédente lorsqu’elles ont acquis leur bien, sont dans une situation objectivement comparable à celle de personnes qui ont acquis un bien à usage résidentiel antérieur en Hongrie. En conséquence, ces personnes doivent être traitées de la même manière au regard de la taxe hongroise prélevée lors du transfert d’un bien immobilier. Or, comme la législation hongroise en cause place ceux qui acquièrent un bien immobilier à usage résidentiel en vue de remplacer un bien similaire sis dans un autre État membre dans une situation moins favorable – en ce qu’ils doivent payer les droits de mutation sur le montant total du bien acquis – que ceux qui ont acquis un tel bien dans les mêmes conditions mais possédaient déjà un bien similaire sur le territoire hongrois, elle traite de manières différentes des situations similaires et, partant, elle est susceptible de constituer une discrimination.

14. Pour la Commission, cette différence de traitement n’a pas de justification objective.

15. À cet égard, elle conteste que les règles fiscales en cause puissent être justifiées par la nécessité de maintenir la cohérence du système fiscal, car il n’y a pas, entre l’avantage fiscal en cause et la compensation de cet avantage, le lien direct qui est exigé par une jurisprudence constante en la matière. Plus spécialement, il n’y a pas de rapport direct entre l’acquisition d’un autre bien immobilier à usage résidentiel, qui entraîne l’obligation d’acquitter une taxe, et la vente du premier bien, y compris les taxes acquittées alors, circonstances que seul le législateur hongrois considère comme reliées.

16. De plus, la Commission considère que la violation des libertés fondamentales critiquée en l’espèce ne saurait être justifiée ni par le principe de territorialité invoqué par le gouvernement hongrois, ni en tant que moyen de prévenir les abus susceptibles d’être commis dans le contexte de l’administration de l’avantage fiscal en cause, ni en raison des graves difficultés et complications administratives auxquelles les autorités hongroises pourraient être confrontées dans ce contexte.

17. La Commission concède cependant que la République de Hongrie peut imposer au redevable des exigences particulières afin d’obtenir les informations nécessaires, mais ces exigences ne doivent en aucun cas être disproportionnées à l’objectif recherché.

18. Le gouvernement hongrois conteste les thèses de la Commission selon lesquelles la règle fiscale en question, qui concerne clairement une imposition directe, est contraire aux dispositions du traité et de l’accord EEE sur la libre circulation des personnes et la liberté d’établissement.

19. Il souligne notamment, à cet égard, que les personnes qui acquièrent pour la première fois un bien immobilier à usage résidentiel en Hongrie et qui possédaient précédemment un bien similaire dans un autre État membre ne sont pas dans une situation comparable à celle de personnes qui acquièrent pour la deuxième fois un tel bien en Hongrie pour en remplacer un autre, sis en Hongrie.

20. Au contraire, ce sont tous ceux qui acquièrent un bien immobilier sur le territoire hongrois pour la première fois qui doivent être considérés comme étant dans la même situation, aux fins de la loi fiscale en cause, alors que ceux qui acquièrent pour la deuxième fois un tel bien sur le territoire hongrois afin de remplacer un bien similaire qu’ils y possédaient déjà sont...

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