European Commission v Republic of Hungary.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:795
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-253/09
Date01 December 2011
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62009CJ0253

Affaire C-253/09

Commission européenne

contre

République de Hongrie

«Manquement d’État — Libre circulation des personnes — Liberté d’établissement — Achat d’un bien immeuble destiné à être une nouvelle résidence principale — Détermination de l’assiette de la taxe prélevée sur l’acquisition de biens immeubles — Déduction sur la valeur de la résidence acquise de la valeur de la résidence vendue — Exclusion de cette déduction si le bien vendu n’est pas situé sur le territoire national»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Restrictions — Législation fiscale — Taxe sur les mutations de biens immobiliers

(Art. 18 CE, 39 CE et 43 CE; accord EEE, art. 28 et 31)

Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, ainsi que des articles 28 et 31 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), un État membre dont la réglementation prévoit, pour le calcul de la taxe applicable lors de l'acquisition d'un bien immobilier destiné à être une résidence principale, que, si l'acquéreur privé vend son autre logement un an avant ou après l'achat, l'assiette de calcul de la taxe sera constituée par la différence entre la valeur commerciale brute du bien acheté et celle du bien vendu, à la condition que ce dernier soit également situé sur le territoire national.

Certes, en tant qu’elle défavorise, sur le plan de la taxe sur l’acquisition des biens immobiliers, les personnes désireuses de s’installer dans cet État membre en y achetant un bien immobilier par rapport aux personnes déménageant à l’intérieur de cet État membre, en ne permettant pas à ces premières de bénéficier de l’avantage fiscal en cause lors de l’achat d’un bien immobilier, cette réglementation constitue une restriction aux libertés de circulation des personnes consacrées aux articles 39 CE et 43 CE. S'agissant de l'article 18 CE, l’exclusion du bénéfice de la réduction de l’assiette fiscale des personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union pour des motivations non liées à l’exercice d’une activité économique peut également, dans certains cas, être de nature à dissuader ces personnes de l’exercice des libertés fondamentales garanties par ledit article.

Cette différence de traitement concerne, en outre, des situations objectivement comparables dès lors que, au regard de la taxe litigieuse, la seule différence entre la situation des non-résidents, y inclus les ressortissants nationaux ayant fait usage de leur droit de libre circulation dans l’Union, et celle des résidents, ressortissants nationaux ou d’un autre État membre, acquérant une nouvelle résidence principale dans l'État concerné, tient au lieu de leur résidence principale antérieure. En effet, dans ces deux situations, ces personnes auront acheté un bien immobilier dans cet État membre pour s’y établir et, à l’occasion de l’achat de leur résidence principale antérieure, les uns auront payé un impôt de même nature que la taxe litigieuse dans l’État dans lequel cette résidence était située, alors que les autres auront versé ladite taxe dans cet État membre.

Toutefois, cette restriction peut être justifiée par des raisons tenant à la sauvegarde de la cohérence du régime fiscal. En effet, lorsque le bien vendu est situé dans un autre État membre, l'État concerné ne dispose d’aucun droit d’imposition sur la transaction qu’avait effectuée, dans cet autre État membre, la personne décidant d’acquérir dans l'État concerné un bien immobilier destiné à être sa résidence principale. Dans ces conditions, en prévoyant que ne peuvent bénéficier de l'avantage fiscal en cause, lors de l’acquisition d’un tel bien, que les personnes qui ont déjà versé la taxe litigieuse à l’occasion de l’achat d’un bien similaire, la configuration dudit avantage fiscal reflète une logique symétrique. En effet, si les contribuables qui n’ont pas acquitté ladite taxe auparavant, au titre du régime fiscal litigieux, venaient à bénéficier de l’avantage fiscal concerné, ils tireraient indûment avantage d’une imposition à laquelle leur précédente acquisition, en dehors du territoire concerné, n’aurait pas été soumise. Il existe donc un lien direct entre l’avantage fiscal octroyé et le prélèvement initial. En effet, d’une part, ledit avantage et la charge fiscale concernent la même personne et, d’autre part, ils s’inscrivent dans le cadre de la même imposition.

En outre, cette restriction est appropriée pour atteindre l'objectif poursuivi en tant qu’elle opère de manière symétrique, seule la différence entre la valeur du bien immobilier vendu qui est situé dans l'État membre concerné et celle du bien immobilier acquis pouvant être prise en compte dans le cadre du régime fiscal en cause. De plus, ladite restriction est proportionnée à l’objectif visé dès lors que, d’une part, l’objectif de la réglementation en cause est notamment d’éviter, lors de l’achat d’une deuxième résidence principale dans cet État, la double imposition du capital investi pour l’achat de la résidence précédente entre-temps revendue et que, d’autre part, un État membre ne dispose d’aucun pouvoir d’imposition sur les transactions immobilières effectuées dans d’autres États membres. Dans ces circonstances, la prise en compte de telles transactions aux fins de réduire l’assiette de la taxe en cause reviendrait à traiter ces dernières transactions comme ayant déjà été soumises à la taxation litigieuse, alors même que tel n’aurait pas été le cas. Cette situation serait, à l’évidence, contraire à l’objectif mentionné d’éviter la double imposition au regard du système fiscal national.

Dès lors que les règles interdisant les restrictions à la liberté de circulation et à la liberté d’établissement énoncées aux articles 28 et 31 de l’accord EEE revêtent la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, des articles 39 CE et 43 CE, ces articles ne s'opposent pas, non plus, à la réglementation en cause.

(cf. points 58, 64, 68, 74-76, 80-82, 85, 87, 91)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er décembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Achat d’un bien immeuble destiné à être une nouvelle résidence principale – Détermination de l’assiette de la taxe prélevée sur l’acquisition de biens immeubles – Déduction sur la valeur de la résidence acquise de la valeur de la résidence vendue – Exclusion de cette déduction si le bien vendu n’est pas situé sur le territoire national»

Dans l’affaire C‑253/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 8 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Hongrie, représentée par Mme R. Somssich et M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan, M. Ilešič, E. Levits et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant un traitement différent à l’acquisition en Hongrie d’un bien immobilier destiné à être une résidence principale à la suite de la vente d’un autre bien de ce type, selon que le bien vendu était situé en Hongrie ou sur le territoire d’un autre État membre, la République de Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE ainsi que des articles 28 et 31 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

Le cadre juridique national

2 L’article 63 de la loi n° CXVII de 1995 relative à l’impôt sur le revenu (ci-après la «loi relative à l’impôt sur le revenu»), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, prévoyait:

«[…] le taux de la taxe applicable au revenu issu de la cession de biens immobiliers et de droits de propriété est fixé à 25 %.

[…] La taxe versée est réduite (ou ne doit pas être payée) à concurrence de la taxe appliquée à la partie du revenu issu de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit de propriété (prime à l’achat d’un logement), dont le montant est consacré à un achat à usage résidentiel, par une personne privée, pour elle-même, un membre de sa famille proche ou un ancien conjoint, dans les 12 mois précédant la perception du revenu ou les 60 mois suivant cette date (base de la prime à l’achat d’un logement).»

3 Cette prime à l’achat d’un logement n’était attribuée que si l’investissement avait porté sur un bien résidentiel situé en Hongrie.

4 L’article 1er de la loi n° XCIII de 1990 sur les taxes (ci-après la «loi sur les taxes»), dans sa version applicable en l’espèce, se lit ainsi:

«Le paiement d’une taxe sur le patrimoine est exigé en cas de succession, de donation et de transfert de propriété à titre onéreux […].»

5 L’article 2, paragraphe 2, de la loi sur les taxes est libellé ainsi:

«Les dispositions relatives à la taxe sur les donations et les transferts de propriété à titre onéreux s’appliquent aux biens immobiliers et aux droits patrimoniaux qui y sont attachés, sauf dispositions contraires d’une convention internationale.»

6 L’article 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes prévoit:

«[…] Si l’acquéreur privé vend son autre logement un an avant ou après l’achat, l’assiette de calcul de la taxe sera constituée par la différence entre la valeur commerciale – brute – du bien acheté et celle du bien vendu. […]»

La procédure précontentieuse

...

To continue reading

Request your trial
6 practice notes
  • Stanleyparma Sas di Cantarelli Pietro & C. and Stanleybet Malta Ltd v Agenzia delle Dogane e dei Monopoli UM Emilia Romagna – SOT Parma.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 Febrero 2020
    ...by those States of their competences in respect of taxation (see, by analogy, the judgment of 1 December 2011, Commission v Hungary, C‑253/09, EU:C:2011:795, paragraph 24 It follows that Stanleybet Malta does not suffer, in comparison with a national operator carrying out its activities und......
  • Opinion of Advocate General Hogan in Société Générale, C-565/18
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 Noviembre 2019
    ...paragraph 28). 20 See, for example, judgment of 1 December 2011, Commission v HungaryCommission v HungaryCommission v Hungary (C‑253/09, EU:C:2011:795, paragraph 21 See, to that effect, judgment of 9 February 2017, X (C‑283/15, EU:C:2017:102, paragraph 37). 22 See, to that effect, judgment ......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 19 November 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 Noviembre 2020
    ...Anton van Zantbeek (C‑725/18, EU:C:2020:54), apartado 26. 34 Véase, por ejemplo, la sentencia de 1 de diciembre de 2011, Comisión/Hungría (C‑253/09, EU:C:2011:795), apartado 61. En algunas sentencias se declara que las situaciones deben ser «objetivamente comparables», lo que podría inducir......
  • Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG v Finanzamt Feldkirch.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 Noviembre 2018
    ...according to settled case-law, must exercise that competence consistently with EU law (judgment of 1 December 2011, Commission v Hungary, C‑253/09, EU:C:2011:795, paragraph 42). 28 Article 56 TFEU precludes the application of any national rules which have the effect of making the provision ......
  • Request a trial to view additional results
6 cases
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 19 November 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 Noviembre 2020
    ...vom 30. Januar 2020, Anton van Zantbeek (C‑725/18, EU:C:2020:54, Rn. 26). 34 Vgl. z. B. Urteil vom 1. Dezember 2011, Kommission/Ungarn (C‑253/09, EU:C:2011:795, Rn. 61). In einigen Urteilen wird darauf hingewiesen, dass die Situationen „objektiv vergleichbar“ sein müssen, was den falschen E......
  • Opinion of Advocate General Hogan in Société Générale, C-565/18
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 Noviembre 2019
    ...Agro Deutschland (C‑388/14, EU:C:2015:829), apartado 28. 20 Véase, por ejemplo, la sentencia de 1 de diciembre de 2011, Comisión/Hungría (C‑253/09, EU:C:2011:795), apartado 21 Véase, en ese sentido, la sentencia de 9 de febrero de 2017, X (C‑283/15, EU:C:2017:102), apartado 37. 22 Véase, en......
  • Stanleyparma Sas di Cantarelli Pietro & C. and Stanleybet Malta Ltd v Agenzia delle Dogane e dei Monopoli UM Emilia Romagna – SOT Parma.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 Febrero 2020
    ...by those States of their competences in respect of taxation (see, by analogy, the judgment of 1 December 2011, Commission v Hungary, C‑253/09, EU:C:2011:795, paragraph 24 It follows that Stanleybet Malta does not suffer, in comparison with a national operator carrying out its activities und......
  • Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG v Finanzamt Feldkirch.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 Noviembre 2018
    ...according to settled case-law, must exercise that competence consistently with EU law (judgment of 1 December 2011, Commission v Hungary, C‑253/09, EU:C:2011:795, paragraph 42). 28 Article 56 TFEU precludes the application of any national rules which have the effect of making the provision ......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT