Jean-Louis Thévenon and Stadt Speyer - Sozialamt v Landesversicherungsanstalt Rheinland-Pfalz.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:219
Docket NumberC-475/93
Celex Number61993CC0475
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 July 1995
61993C0475

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GEORGIOS COSMAS

présentées le 5 juillet 1995 ( *1 )

1.

Dans l'affaire examinée, la Cour est invitée, par ordonnance du Sozialgericht Speyer (Allemagne), à statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après le «règlement») ( 1 ), et, en particulier, des dispositions combinées de l'article 6 de ce règlement et des articles 48, paragraphe 2, et 51 du traité CE.

I — Le litige

2.

Le présent litige porte sur la question de savoir si les dispositions de la convention sur la sécurité sociale du 10 juillet 1950 passée entre la République fédérale d'Allemagne et la République française ( 2 ) et entrée en vigueur le 1er janvier 1951 ( 3 ) (ci-après la «convention franco-allemande») peuvent être appliquées lors du calcul de la pension d'invalidité à laquelle a droit le premier des demandeurs au principal, M. J.-L. Thévenon.

3.

M. Thévenon, né le 23 mai 1950, possède la nationalité française et a été employé en France du 1er juillet 1964 au 31 décembre 1977, période pendant laquelle il a été assujetti à l'assurance obligatoire. Le demandeur a travaillé ensuite en Allemagne où il a été assujetti également à l'assurance obligatoire.

Le 1er juin 1992, M. Thévenon a introduit, auprès de la caisse d'assurance défenderesse, le Landesversicherungsanstalt Rheinland-Pfalz, Speyer (office d'assurance de Rhénanie-Palatinat), une demande d'octroi de pension d'invalidité. Par décision du 20 juillet 1992, la caisse d'assurance a déclaré cette demande recevable et a octroyé au demandeur une pension temporaire d'invalidité à partir du 20 juillet 1992 jusqu'au 31 décembre 1992. Cette décision a fixé provisoirement le montant de la pension parce que la caisse susmentionnée ne connaissait pas encore la période totale d'assurance accomplie en France par le demandeur.

4.

Le 4 janvier 1993, le Stadt Speyer — Sozialamt (ci-après le «Sozialamt») a introduit, en sa qualité d'institution d'aide sociale localement compétente, une demande de révision de la décision précitée, conformément à l'article 91 a de la Bundessozialhilfegesetz (loi fédérale sur l'aide sociale). Dans sa demande, le Sozialamt concluait à ce que les périodes d'assurance accomplies par M. Thévenon en France soient prises en considération en application de la convention franco-allemande. La caisse d'assurance défenderesse a rejeté cette demande au motif qu'il y avait lieu de calculer la pension conformément au règlement, qui s'est substitué à la convention franco-allemande de sécurité sociale, laquelle ne s'applique plus en l'espèce. Le 18 mars 1993, la caisse d'assurance défenderesse a finalement liquidé, en application du règlement, une pension d'invalidité mensuelle de 723,28 DM avec effet au 1er mai 1993, au vu des périodes d'assurance françaises.

5.

M. Thévenon a introduit contre cette décision une réclamation portant sur le mode de calcul de la pension. Cette réclamation a été rejetée par décision du 13 mai 1993. Les décisions de rejet précitées ont fait l'objet de recours formés dans les délais par M. Thévenon et par le Sozialamt devant le Sozialgericht Speyer qui en a ordonné la jonction.

6.

Pendant la procédure devant la juridiction de renvoi, les demandeurs ont soutenu que les périodes d'assurance accomplies par M. Thévenon en France devaient être prises en considération pour le calcul de la pension d'invalidité, en application de la convention franco-allemande, précitée. Selon l'article 1er de cette convention, les travailleurs allemands ou français salariés ou assimilés sont soumis respectivement aux législations de sécurité sociale applicables en France ou en Allemagne et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays. L'article 9, paragraphe 3, prévoit que les prestations en espèces de l'assurance invalidité sont liquidées conformément aux dispositions de la législation qui était applicable à l'intéressé au moment de la première constatation médicale de la maladie ou à la date de l'accident et supportées par l'organisme compétent aux termes de cette législation. Cet organisme d'assurance doit prendre en considération, pour le calcul du montant de la pension, les périodes d'assurance accomplies dans l'autre État contractant.

Le même article prévoit, en son paragraphe 1, que, pour les travailleurs salariés ou assimilés français ou allemands qui ont été affiliés successivement ou alternativement dans l'un et l'autre pays contractants à un ou plusieurs régimes d'assurance invalidité, les périodes d'assurance accomplies sont totalisées.

7.

Ainsi qu'il résulte de ces dispositions, la convention franco-allemande n'applique pas au secteur des pensions d'invalidité le principe du prorata que prévoit le règlement. D'après cette convention, la pension d'invalidité n'est pas supportée conjointement par les organismes d'assurance de chacun des deux États, mais seulement par l'organisme de l'État dans lequel l'assuré était affilié au moment de la survenance du risque assuré. A cette fin, les périodes d'assurance accomplies dans l'autre État contractant sont prises en considération pour le calcul du montant de la pension.

Selon son article 36, la convention franco-allemande est conclue pour une durée d'une année à partir de la date de son entrée en vigueur et elle est renouvelée tacitement d'année en année, sauf dénonciation qui devra être notifiée trois mois avant l'expiration du terme. Ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, mais également des observations déposées devant la Cour par le gouvernement allemand, ce dernier n'a pas dénoncé la convention franco-allemande à ce jour et, en conséquence, celle-ci reste en vigueur conformément à son article 36.

8.

Les demandeurs allèguent que le mode de calcul prévu par la convention franco-allemande doit être appliqué en l'espèce, cette solution étant plus favorable que celle résultant de l'application de l'article 46, paragraphe 2, du règlement. Selon le point de vue des demandeurs, les travailleurs qui exercent leur droit de libre circulation ne sauraient être privés des avantages que leur assurent les dispositions de conventions de sécurité sociale intégrées au droit national lorsque celles-ci sont plus favorables que la réglementation communautaire. A l'appui de leur argumentation, les demandeurs invoquent l'arrêt Rönfeldt ( 4 ) de la Cour.

9.

Pour sa part, la caisse d'assurance allemande défenderesse soutient que, en vertu de son article 6, le règlement s'est substitué aux conventions de sécurité sociale liant exclusivement deux ou plusieurs États membres. Selon la défenderesse, ces conventions peuvent être renégociées à tout moment entre les États contractants et l'article 6, précité, doit être considéré comme le résultat de pareille renégociation. La défenderesse allègue également que l'arrêt Rönfeldt s'inscrivait dans un contexte totalement différent et que, par conséquent, la solution retenue ne saurait trouver application en l'espèce. La défenderesse relève plus particulièrement que, dans l'affaire Rönfeldt, l'ayant droit n'était même pas en mesure d'invoquer des droits découlant de périodes d'assurance accomplies à l'étranger, en raison de l'existence de limites d'âge différentes entre les deux États contractants. La situation est toutefois différente, selon la défenderesse, dans le cas de M. Thévenon. Ce dernier peut, dans la mesure où il remplit les conditions administratives et médicales, obtenir dès à présent des prestations de la part de l'institution d'assurance française. En outre, selon le point de vue de la défenderesse, la convention franco-allemande litigieuse ne constitue pas une «législation» au sens de l'article 1er, sous j), du règlement et on ne saurait dès lors soutenir que l'assuré est privé de ses droits sociaux découlant du droit national du fait de l'exercice du droit de libre circulation. Selon la caisse d'assurance défenderesse, pour apprécier si l'assuré perd ou non des droits sociaux, il faut comparer cet assuré à une personne ayant accompli sa «carrière d'assurance» complète dans un seul État membre. Mais, en pareil cas, l'assuré ne pourrait pas, conclut la défenderesse, prétendre à des avantages découlant d'une convention bilatérale, puisqu'il n'est employé que dans un seul État.

La défenderesse invoque enfin l'article 30, paragraphe 3, de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, qui dispose que, lorsque toutes les parties au traité antérieur sont également parties au traité postérieur, sans que le traité antérieur ait pris fin, ce dernier ne s'applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur.

10.

La juridiction de renvoi admet, tout d'abord, que le règlement est applicable au demandeur, tant en ce qui concerne son champ d'application personnel qu'en ce qui concerne son champ d'application matériel. Elle relève, par ailleurs, dans son ordonnance de renvoi, que le recours devra être accueilli si l'applicabilité de l'article 46, paragraphe 2, du règlement est exclue et si la pension d'invalidité accordée par la défenderesse est calculée selon les dispositions de la convention franco-allemande litigieuse. Elle constate ensuite, dans l'ordonnance de renvoi, que M. Thévenon ne perçoit pas actuellement de pension de la part de la caisse d'assurance française et que, en cas d'application de la convention franco-allemande, la défenderesse serait tenue de verser au demandeur une pension bien plus élevée que celle qu'elle lui verse jusqu'à présent et qui s'élèverait...

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