Centrosteel Srl v Adipol GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:137
Date16 March 2000
Celex Number61998CC0456
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-456/98
EUR-Lex - 61998C0456 - FR 61998C0456

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 mars 2000. - Centrosteel Srl contre Adipol GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Pretore di Brescia - Italie. - Directive 86/653/CEE - Agents commerciaux indépendants - Réglementation nationale prévoyant la nullité des contrats d'agents commerciaux conclus par des personnes non inscrites au registre des agents. - Affaire C-456/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06007


Conclusions de l'avocat général

1 Dans la présente affaire, qui s'inscrit dans le prolongement de l'arrêt Bellone (1), le Pretore di Brescia (Italie) pose à la Cour des questions portant sur l'interprétation et les effets, dans le contexte d'un contrat d'agence, des dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services. Toutefois, pour les raisons exposées ci-dessous, nous estimons que le litige dont est saisi le Pretore peut être tranché sur le fondement de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (2).

Antécédents du litige

2 L'arrêt Bellone concernait la compatibilité avec cette directive de la loi italienne n_ 204 du 3 mai 1985 (3) et de l'article 1418 du code civil italien tels qu'ils étaient interprétés par les tribunaux italiens à l'époque des faits litigieux.

3 L'article 2 de la loi n_ 204 prévoit la création, dans toutes les chambres de commerce d'Italie, d'un registre des agents et représentants de commerce sur lequel «doit s'inscrire quiconque exerce ou entend exercer l'activité d'agent ou de représentant de commerce». L'article 9 de cette loi interdit «à toute personne non inscrite sur le registre prévu [à l'article 2] d'exercer l'activité d'agent ou de représentant de commerce». Aux termes de l'article 1418 du code civil italien, «le contrat est nul s'il est contraire à des normes impératives» (4). La Cour de cassation italienne a jugé en 1999 que l'article 9 de la loi n_ 204 est une disposition impérative. Il s'ensuit qu'un contrat d'agence conclu par une personne non inscrite sur le registre est nul, et qu'une telle personne ne peut agir en justice pour recouvrer les commissions afférentes aux activités qu'elle a exercées.

4 Le but de la directive 86/653 est de coordonner les droits des États membres en ce qui concerne la relation juridique existant entre les parties à un contrat d'agence et de protéger les intérêts des agents commerciaux (5). À cette fin, la directive établit des règles régissant les droits et obligations respectifs des agents commerciaux et des commettants (articles 3 à 5), la rémunération des agents commerciaux (articles 6 à 12), la conclusion et la fin du contrat d'agence (articles 13 à 20). La directive ne traite pas de l'inscription de l'agent commercial sur un registre, alors qu'un certain nombre d'États membres imposent cette obligation. Dans ce contexte, la Cour a jugé dans l'arrêt Bellone que la directive ne s'oppose pas à ce qu'un État membre tienne un registre des agents commerciaux (6). Elle a estimé cependant que la directive réglemente de manière limitative les conditions de validité du contrat d'agence. En conséquence, elle a jugé que la directive «s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne la validité d'un contrat d'agence à l'inscription de l'agent de commerce sur un registre prévu à cet effet» (7). Eu égard au contexte factuel de l'arrêt Bellone, cette énonciation doit être comprise en ce sens que le fait pour les tribunaux italiens de considérer l'article 9 de la loi n_ 204 comme une norme impérative aux fins de l'article 1418 du code civil était contraire à la directive 86/653.

5 Au vu de l'arrêt Bellone de la Cour, la Cour de cassation italienne a récemment modifié sa position quant aux effets de l'article 9 de la loi n_ 204 et de l'article 1418 du code civil. Dans son arrêt n_ 4817 du 18 mai 1999, elle a jugé que l'inobservation de l'obligation, prescrite par la loi n_ 204, de s'inscrire sur un registre n'entraîne pas la nullité du contrat d'agence. Toutefois, cet arrêt a été rendu postérieurement à l'ordonnance de renvoi dans la présente affaire et n'a pas été invoqué dans les observations présentées à la Cour.

Faits et arguments

6 Les faits, tels qu'ils sont exposés dans l'ordonnance de renvoi, sont les suivants. La demanderesse, Centrosteel Srl, est une société italienne dont le siège social est situé à Brescia. Elle n'est pas enregistrée en tant qu'agent commercial en application des dispositions de la loi n_ 204. La défenderesse, Adipol GmbH, est une société autrichienne dont le siège est à Vienne. À la fin de l'année 1989 ou au début de l'année 1990, Centrosteel a conclu avec Adipol un contrat verbal en vertu duquel elle s'engageait à trouver des acquéreurs et des vendeurs de produits métalliques et de ferraille. Adipol a mis fin à ce contrat en 1991. Centrosteel prétend avoir agi en qualité d'agent commercial d'Adipol durant la période comprise entre 1989 et 1991 et avoir droit à une commission de 170 600 ATS pour les services rendus. Dans la procédure au principal, elle conclut à la condamnation d'Adipol au paiement de cette somme.

7 Adipol conclut au rejet de cette demande. Centrosteel n'étant pas enregistrée conformément à la loi n_ 204, le contrat d'agence est, selon une jurisprudence italienne remontant à 1989, nul et non avenu. Centrosteel réplique que la loi n_ 204 est incompatible avec la directive 86/653 et qu'il y a donc lieu d'ordonner l'exécution du contrat d'agence. Adipol rétorque que Centrosteel ne peut invoquer la directive: en effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, les directives ne sauraient avoir d'effet direct dans les litiges entre particuliers.

Les questions

8 En présence de ces arguments des parties, le Pretore di Brescia estime que la décision de la Cour dans l'arrêt Bellone ne lui permet pas de résoudre le litige dans la procédure au principal: la directive 86/653 n'ayant pas d'effet direct dans les litiges entre particuliers, il est nécessaire de recourir aux dispositions du traité. C'est pourquoi il a sursis à statuer et posé à la Cour les questions suivantes:

1. Comment faut-il interpréter les articles 52, 53, 54, 55, 56, 57 et 58 du traité CE [devenus articles 43 à 48 CE]; en particulier, les articles 2 et 9 de la loi italienne n_ 204 de 1985, en vertu desquels l'inscription sur un registre est obligatoire pour toute personne exerçant une activité d'agent commercial sous peine de nullité du contrat d'agence conclu par la personne non inscrite sur ce registre, constituent-ils une restriction à la liberté d'établissement?

2. Les règles relatives à la liberté d'établissement énoncées aux articles 52 à 58 du traité [devenus articles 43 à 48 CE] s'opposent-elles à une réglementation nationale qui subordonne la validité d'un contrat d'agence à l'inscription de l'agent de commerce sur un registre prévu à cet effet?

3. Les règles relatives à la libre prestation de services énoncées aux articles 59 à 66 du traité [devenus articles 49 à 55 CE] s'opposent-elles à une réglementation nationale qui subordonne la validité d'un contrat d'agence à l'inscription de l'agent de commerce sur un registre prévu à cet effet?

Recevabilité

9 Toutes les parties ayant présenté des observations à la Cour - Adipol, le gouvernement italien et la Commission - ont soulevé des objections quant à la recevabilité du renvoi préjudiciel. Ces objections se...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 9 June 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 June 2022
    ...Unamar (C‑184/12, EU:C:2013:663, paragraph 20); see also, in that regard, Opinion of Advocate General Jacobs in Centrosteel (C‑456/98, EU:C:2000:137, points 21 to 12 See, in that regard, order of 6 March 2003, Abbey Life Assurance (C‑449/01, not published, EU:C:2003:133, paragraphs 13 to 20......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 24 September 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 24 September 2019
    ...Corsica Ferries France (C‑266/96, EU:C:1998:19, point 19, note 30) ; et de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Centrosteel (C‑456/98, EU:C:2000:137, point 52 C‑361/97, EU:C:1998:250, en particulier points 1 à 9, 12 à 20. Cette ordonnance a été rendue par une chambre à trois juges. 53 Voi......
2 cases
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 9 June 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 June 2022
    ...Unamar (C‑184/12, EU:C:2013:663, paragraph 20); see also, in that regard, Opinion of Advocate General Jacobs in Centrosteel (C‑456/98, EU:C:2000:137, points 21 to 12 See, in that regard, order of 6 March 2003, Abbey Life Assurance (C‑449/01, not published, EU:C:2003:133, paragraphs 13 to 20......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 24 September 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 24 September 2019
    ...Corsica Ferries France (C‑266/96, EU:C:1998:19, point 19, note 30) ; et de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Centrosteel (C‑456/98, EU:C:2000:137, point 52 C‑361/97, EU:C:1998:250, en particulier points 1 à 9, 12 à 20. Cette ordonnance a été rendue par une chambre à trois juges. 53 Voi......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT