European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:639
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 October 2009
Docket NumberC-423/07
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62007CC0423

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 20 octobre 2009 (1)

Affaire C‑423/07

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d’Espagne

«Directive 93/37/CEE – Concessions de travaux publics – Violation des règles de publicité ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination»





1. Le thème du rôle et de la signification des concessions en droit communautaire est notoirement délicat, et leur réglementation jusqu’ici est assez pauvre. Les concessions de travaux publics, au centre de la présente affaire, ont cependant fait l’objet d’interventions explicites du législateur communautaire (2) qui, dans la récente directive 2004/18/CE (3), leur a consacré un titre (4).

2. La situation à propos de laquelle la Cour doit se prononcer en l’espèce ne devra toutefois pas être examinée sur la base du cadre légal créé par la directive 2004/18. En effet, du point de vue de l’application dans le temps, les faits en cause relèvent de la directive 93/37/CEE (5). Dans ce texte, les concessions de travaux publics étaient réglementées de façon beaucoup plus limitée et essentielle.

3. Dans le présent recours en manquement, en particulier, la Commission des Communautés européennes reproche au Royaume d’Espagne d’avoir enfreint la réglementation communautaire en matière de concession de travaux publics lors de l’attribution de la concession pour la construction et l’entretien, en particulier, de deux nouveaux raccordements de l’autoroute A-6 reliant Madrid à La Corogne.

I – Le cadre légal

4. Les dispositions communautaires pertinentes en l’espèce sont, comme je l’ai déjà rappelé, celles de la directive 93/37 (ci-après la «directive»). En particulier, le cinquième considérant de celle-ci observe que: «[…] compte tenu de l’importance croissante des concessions dans les travaux publics et de leur nature spécifique, il est opportun d’inclure dans la présente directive des règles de publicité en la matière». L’intention du législateur a donc été de fixer, en matière de concessions de travaux publics, certains points fondamentaux, laissant pour le reste aux pouvoirs publics une marge d’appréciation plus large que celle dont ils jouissent en matière de marchés.

5. L’article 1er de la directive prévoit:

«Aux fins de la présente directive:

a) les ‘marchés publics de travaux’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement l’exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l’annexe II ou d’un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur;

[…]

d) la ‘concession de travaux publics’ est un contrat présentant les mêmes caractères que ceux visés au point a), à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix;

[…]»

6. L’article 3 de la directive s’énonce comme suit:

«Dans le cas où les pouvoirs adjudicateurs concluent un contrat de concession de travaux publics, les règles de publicité définies à l’article 11 paragraphes 3, 6, 7 et 9 à 13 et à l’article 15 sont applicables à ce contrat lorsque sa valeur égale ou dépasse 5 000 000 [EUR]

[…]»

7. Les parties de l’article 11 de la directive que l’article 3 de celle‑ci déclare applicables aux concessions de travaux sont les suivantes:

«[…]

3.Les pouvoirs adjudicateurs désireux d’avoir recours à la concession de travaux publics font connaître leur intention au moyen d’un avis.

[…]

6.Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes IV, V et VI et donnent les renseignements qui y sont demandés.

Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger des conditions autres que celles prévues aux articles 26 et 27 lorsqu’ils demandent des renseignements concernant les conditions de caractère économique et technique qu’ils exigent des entrepreneurs pour leur sélection (annexe IV partie B point 11, annexe IV partie C point 10 et annexe IV partie D point 9).

7.Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont envoyés par les pouvoirs adjudicateurs dans les meilleurs délais et par les voies les plus appropriées à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l’article 14, les avis sont envoyés par télex, télégramme ou télécopieur.

[…]

9.Les avis prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED, dans les langues originales. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.

10.L’Office des publications officielles des Communautés européennes publie les avis douze jours au plus tard après leur envoi. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l’article 14, ce délai est réduit à cinq jours.

11.La publication des avis dans les journaux officiels ou dans la presse du pays du pouvoir adjudicateur ne doit pas avoir lieu avant la date d’envoi à l’Office des publications officielles des Communautés européennes et doit faire mention de cette date. Elle ne doit pas contenir de renseignements autres que ceux publiés au Journal officiel des Communautés européennes.

12.Les pouvoirs adjudicateurs doivent être en mesure de faire la preuve de la date d’envoi.

13.Les frais de publication des avis de marchés au Journal officiel des Communautés européennes sont à la charge des Communautés. L’avis ne peut dépasser une page dudit journal, soit environ 650 mots. Chaque numéro dudit journal dans lequel figurent un ou plusieurs avis reproduit le ou les modèles auxquels se réfèrent le ou les avis publiés.»

II – Le droit national applicable et les faits à l’origine du litige

A – Le droit national

8. La loi 8, du 10 mai 1972, relative à la construction, à l’entretien et à l’exploitation des autoroutes au moyen de marchés de concession (ci-après la «Ley de Autopistas»), telle qu’elle est en vigueur depuis 1996, prévoit en particulier, en son article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, ce qui suit:

«[…] relèvent de l’objet social de la société concessionnaire, outre les activités indiquées au précédent alinéa, la construction de travaux d’infrastructures routières, autres que ceux inclus dans le marché mais ayant une incidence sur celui-ci et qui sont réalisés dans la zone d’influence de l’autoroute ou qui sont nécessaires à l’organisation du trafic, dont le projet et l’exécution, ou la seule exécution, s’imposent au concessionnaire comme contrepartie […]»

9. L’arrêté royal 597, du 16 avril 1999, a fixé à 20 km l’étendue de la zone d’influence des autoroutes.

B – Les faits

10. Les faits à l’origine du litige se rapportent au tronçon de l’autoroute A-6 entre les localités de Villalba au sud et d’Adanero au nord. Il s’agit d’un tronçon d’autoroute à péage, extrêmement important, caractérisé par un trafic toujours très intense. Le tronçon de l’autoroute A‑6 se situant immédiatement au sud de celui‑ci, entre Madrid et Villalba, est gratuit et géré par l’État.

11. Depuis 1968, le tronçon de l’autoroute Villalba-Adanero est géré sous forme de concession par Ibérica de Autopistas SA (ci‑après «Iberpistas»). Cette concession était, à l’époque des faits en cause, destinée à prendre fin en 2018.

12. Le fait à l’origine du litige en cause est la décision prise par le gouvernement espagnol de construire deux nouveaux tronçons de l’autoroute afin de connecter l’autoroute A-6 aux villes de Ávila et de Ségovie, qui se trouvent respectivement à l’ouest et à l’est du tronçon Villalba-Adanero.

13. Le décret ministériel du 4 juin 1999, paru au Boletín Oficial del Estado (Journal officiel espagnol, ci-après le «BOE») le 8 juin, a publié un cahier des charges (ci-après le «premier cahier des charges») pour une concession comprenant:

– la construction des deux raccordements entre les villes de Ávila et de Ségovie et l’autoroute A-6, ainsi que l’entretien de ces tronçons pendant une période de 25 à 40 ans;

– l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 à partir de 2018, c’est-à-dire à la date à laquelle la concession en cours de Iberpistas viendra à échéance, et pour une période à déterminer sur la base du nombre moyen de véhicules en transit sur ledit tronçon;

– la construction de la voie de contournement de Guadarrama, sur le tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 (environ à mi-chemin entre les deux villes), et

– l’élargissement (construction d’une quatrième voie de circulation par sens) du tronçon de l’autoroute entre Madrid et Villalba: il s’agit, comme je l’ai déjà indiqué, du tronçon gratuit, géré par l’État.

14. L’avis de marché correspondant a été publié le 16 juin 1999 au Journal officiel de l’Union européenne.

15. Un nouveau cahier des charges a cependant été approuvé ensuite (ci-après le «second cahier des charges»), le 7 juillet 1999, et publié au BOE deux jours plus tard. Ce cahier des charges a remplacé le précédent.

16. En particulier, le décret ministériel d’approbation du second cahier des charges précisait que, «pour des raisons d’ordre technique, il y a lieu de modifier ledit cahier, afin de redéfinir l’objet de l’appel d’offres et d’apporter quelques modifications concernant la fixation de la durée de la concession».

17. Concrètement, le second cahier des charges avait pour objet:

– la construction des tronçons de l’autoroute de raccordement de Ávila et de Ségovie à l’autoroute A-6, comme prévu par le premier cahier des charges, à cette différence près que la durée de la concession était désormais fixée entre 22 et 37 ans, ainsi que

– l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de...

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