Emanuela Sbarigia v Azienda USL RM/A and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:134
Docket NumberC-393/08
Celex Number62008CC0393
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date11 March 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 11 mars 2010 (1)

Affaire C‑393/08

Emanuela Sbarigia

contre

Azienda USL RM/A


en présence de:

Comune di Roma,

Assiprofar (Associazione Sindacale Proprietari Farmacia),

Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma


[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (Italie)]


«Législation régionale régissant les horaires et périodes d’ouverture et de fermeture des pharmacies – Interdiction de pouvoir renoncer à la période de fermeture annuelle et de pouvoir dépasser la limite maximale d’heures d’ouverture prévue – Autorisation exceptionnelle»





I – Introduction

1. Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (Italie) (ci‑après le «Tribunale») a été saisi d’un litige opposant Mme Sbarigia, une pharmacienne, à l’administration de la commune de Rome au sujet de la législation régionale régissant les heures d’ouverture des pharmacies et notamment de l’exclusion de toute possibilité de renoncer à la période de fermeture annuelle. C’est dans ce cadre que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel de deux questions, la première portant sur l’interprétation des articles 49 CE, 81 CE, 82 CE, 83 CE, 84 CE, 85 CE et 86 CE, et la seconde sur l’interprétation des articles 152 CE et 153 CE (2).

2. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la compatibilité de la législation régionale en cause notamment avec les principes qui sous‑tendent la politique de libre concurrence. Or, le lien entre les dispositions du droit de l’Union citées dans le renvoi préjudiciel et le débat mené au niveau national, voire régional, concernant la concurrence n’est pas clairement établi. Cela suscite des interrogations quant à la recevabilité des questions posées par la juridiction de renvoi, et quant à la nécessité éventuelle de les reformuler.

II – Le cadre juridique

3. En Italie, les prestations de services pharmaceutiques sont essentiellement organisées sous la forme de concessions de service public, subordonnées à la délivrance d’une autorisation.

4. Afin de garantir la continuité du service pharmaceutique, gage de la protection de la santé publique, les horaires, les tours de garde et les congés des pharmacies sont réglementés par des lois régionales. S’agissant du Lazio, il s’agit de la loi régionale n° 26, du 30 juillet 2002 (Legge regionale Lazio n. 26/2002, ci‑après la «loi régionale n° 26/2002») (3).

5. Les articles 2 à 8 de la loi régionale n° 26/2002 fixent les horaires d’ouverture, le service volontaire de garde, la fermeture hebdomadaire et les congés annuels des pharmacies. Ces dispositions imposent notamment des horaires maximaux d’ouverture, l’obligation de fermer le dimanche et une demi‑journée par semaine ainsi que durant les jours fériés, et des congés annuels d’une durée minimale. L’application de plusieurs articles de la loi régionale n° 26/2002 est subordonnée à des conditions ayant trait aux particularités géographiques des communes concernées ou au lieu d’implantation.

6. L’article 10 de la loi régionale n° 26/2002 est libellé comme suit:

«1. Pour la commune de Rome, chaque Unité sanitaire locale (USL) adopte les mesures prévues par la présente loi et relevant de sa compétence, sur accord des autres USL concernées.

2. Pour les officines situées dans des zones municipales spécifiques, l’horaire hebdomadaire d’ouverture au public, les congés des pharmacies urbaines et la demi‑journée de repos hebdomadaire […] peuvent être modifiés par décision de l’USL territorialement compétente, en accord avec le maire de la commune concernée, l’ordre provincial des pharmaciens et les organisations professionnelles provinciales les plus représentatives des pharmacies publiques et privées.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

7. Mme Sbarigia est propriétaire d’une ancienne pharmacie, sise dans une zone spécifique, dite «del Tridente», située dans le centre historique de Rome. Ce quartier, entièrement piéton, se trouve au cœur de la zone touristique de la capitale.

8. En raison de cette implantation et de l’augmentation importante du nombre d’usagers dans le quartier pendant la période estivale de juillet et août, Mme Sbarigia a demandé le 31 mai 2006 à l’Azienda USL RM/A, territorialement compétente, l’autorisation de renoncer à la période de fermeture pour les congés d’été 2006.

9. Cette demande, présentée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 2, de la loi régionale n° 26/2002, a par la suite été élargie à la demande d’être dispensée de fermeture pour tous les congés annuels, de pouvoir étendre ses horaires d’ouverture hebdomadaire tout au long de l’année et de ne pas fermer les jours fériés. À cet égard, Mme Sbarigia fait valoir qu’une telle autorisation avait été accordée, le 8 septembre 2006, à une autre pharmacie, sise aux alentours de la gare ferroviaire Termini et disposant de la même clientèle spécifique que sa propre pharmacie.

10. Les requêtes de Mme Sbarigia ont été à plusieurs reprises rejetées par l’Azienda USL RM/A, en application de l’article 10, paragraphe 2, de la loi régionale n° 26/2002, sur avis défavorables de la commune de Rome, de l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma (ordre des pharmaciens de la province de Rome) ainsi que des associations professionnelles Assiprofar (Associazione Sindacale Proprietari Farmacia) et Confservizi.

11. Le Tribunale remarque que les horaires d’ouverture des pharmacies, les tours de garde du dimanche, les fermetures pour jours fériés et les congés annuels échappent à la libre détermination et aux exigences d’organisation de chaque pharmacien. Les possibilités de dérogation seraient limitées et toujours subordonnées à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration, les décisions de refus difficiles à contester.

12. D’après le Tribunale, considérer le service pharmaceutique comme un service public garantissant la protection de la santé des utilisateurs ne suffirait pas à justifier ces dispositions contraignantes relatives aux modalités d’ouverture des pharmacies. Une libéralisation des horaires et des périodes d’ouverture de l’ensemble des officines permettrait d’augmenter l’offre en général, les plans de répartition garantissant une répartition géographique équilibrée des pharmacies, au bénéfice des utilisateurs. Une telle réforme serait d’ailleurs prônée par un rapport rendu le 1er février 2007 par l’Autorité nationale garante de la concurrence et du marché.

13. Les dispositions en question lui semblent en outre excessives et injustifiées. L’intérêt public et les exigences liées au service pharmaceutique seraient mieux protégés par des mesures concurrentielles de libéralisation des modalités d’ouverture.

14. Ainsi, le Tribunale doute de la compatibilité des restrictions litigieuses avec certains principes de droit communautaire.

15. Dans ces circonstances, le Tribunale a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions de la loi régionale n° 26/2002 interdisant aux pharmacies de renoncer à leurs congés annuels, posant des limites à leur ouverture au public, et subordonnant l’octroi d’une dérogation à ces restrictions (article 10, paragraphe 2), pour les pharmacies de la commune de Rome, à la condition que l’administration, exerçant un pouvoir discrétionnaire (en accord avec les entités et organismes cités dans ce même article), estime qu’il est satisfait au critère de zone municipale spécifique, sont‑elles compatibles avec les principes communautaires de libre concurrence et de libre prestation des services, visés notamment aux articles 49 [CE], 81 [CE], 82 [CE], 83 [CE], 84 [CE], 85 [CE] et 86 CE?

2. Les restrictions posées à l’exercice du service public pharmaceutique dans le but de protéger la santé publique, telles que celles prévues par la loi régionale n° 26/2002 en matière de modalités d’ouverture quotidienne, hebdomadaire et annuelle des pharmacies, sont‑elles compatibles avec les articles 152 [CE] et 153 [CE]?» (4)

IV – La procédure devant la Cour

16. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 11 septembre 2008.

17. Des observations écrites ont été déposées par Mme Sbarigia, par la commune de Rome, par les gouvernements hellénique, italien, néerlandais et autrichien, ainsi que par la Commission des Communautés européennes.

18. Dans une annexe à la convocation à l’audience publique, les parties à l’audience ont été invitées, lors de leurs plaidoiries, à s’exprimer, dans le cadre de la recevabilité, sur l’élément de rattachement au droit communautaire et, quant au fond, sur l’interprétation des articles 28 CE, 29 CE, 30 CE, 31 CE et 86, paragraphe 2, CE.

19. Mme Sbarigia, l’Assiprofar, l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma, les gouvernements hellénique, italien et autrichien, ainsi que la Commission étaient représentés à l’audience, qui s’est tenue le 17 décembre 2009.

V – Analyse

A – Introduction

20. Il y a lieu de constater d’emblée que la demande de décision préjudicielle ne contient aucune précision quant au point de savoir en quoi les neuf articles du traité CE et les deux principes du droit de l’Union qui sont cités nécessiteraient une interprétation. Les parties ayant soumis des observations écrites semblent avoir, elles aussi, des doutes à cet égard.

21. À titre liminaire, je souhaite rappeler que la décision de renvoi doit indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour (5). Dans ce contexte, il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions de droit de l’Union dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il...

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