i-21 Germany GmbH (C-392/04) and Arcor AG & Co. KG (C-422/04) v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:181
Docket NumberC-422/04,C-392/04
Celex Number62004CC0392
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 March 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 16 mars 2006 (1)

Affaires jointes C-392/04 et C-422/04

i-21 Germany GmbH

et

ISIS Multimedia Net GmbH & Co. KG

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]

«Services de télécommunications – Autorisations générales et licences individuelles – Directive 97/13/CE – Taxes et redevances applicables aux licences individuelles – Interprétation de l’article 11, paragraphe 1 – Il s’oppose à une taxe calculée sur la prévision des frais administratifs généraux de l’autorité réglementaire nationale sur une période de 30 ans – Primauté du droit communautaire contre sécurité juridique – Décisions administratives définitives contraires au droit communautaire – Réexamen»





I – Introduction

1. Le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) demande l’interprétation des articles 10 CE et 11, paragraphe 1, de la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (2).

2. Cette juridiction a besoin de l’interprétation préjudicielle afin de statuer sur deux litiges portant sur la question de savoir s’il y a lieu de réexaminer deux avis de taxation imposant le paiement d’une redevance pour l’octroi de licences dans ledit secteur des télécommunications, qui sont devenus définitifs au motif qu’ils n’ont pas été attaqués dans le délai imparti.

3. Les deux décisions de renvoi comportent chacune deux questions identiques. La première question permet d’approfondir la jurisprudence relative à la directive 97/13, en particulier celle des arrêts Connect Austria (3), Albacom et Infostrada (4), et ISIS Multimedia et Firma O2 (5), affaires dans lesquelles, s’agissant des deux dernières, j’ai rédigé les conclusions (6). La seconde question revêt une importance particulière, dans la mesure où elle offre à la Cour l’occasion de trouver un point d’équilibre entre la primauté du droit communautaire et la sécurité juridique (7), et de redresser ainsi la barre pour s’éloigner du sillage de l’arrêt Kühne & Heitz (8), dont la jurisprudence conduit à une impasse.

4. La Cour se voit offrir une nouvelle occasion de changer de cap puisqu’elle doit se prononcer prochainement sur l’extension de cette jurisprudence aux décisions juridictionnelles coulées en force de chose jugée (9).

II – Le cadre normatif

A – Le droit communautaire

1. Le «principe de loyauté»

5. Conformément à l’article 10 CE, «[l]es États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté», en facilitant «à celle-ci l’accomplissement de sa mission». De même, «[i]ls s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts» communautaires.

2. La directive 97/13

6. Cette disposition s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la Communauté en vue de libéraliser le marché des communications électroniques, auxquels je me suis récemment référé dans les conclusions présentées dans l’affaire Nuova società di telecomunicazioni, lues le 27 octobre 2005 (10).

7. La libre prestation des services de télécommunications et l’ouverture de l’exploitation de leurs réseaux président à la réglementation, qui vise à ce que ces services soient distribués et utilisés sans entraves, ou en vertu d’«autorisations générales» (11), et que les «licences individuelles» (12) ne soient attribuées qu’exceptionnellement ou en vue de compléter les permissions générales (septième et treizième considérants; articles 3, paragraphe 3, et 7). Ces deux concepts relèvent du genre «autorisation» (13).

8. Cette solution harmonisée se fonde sur les principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination, dans le but de créer un ensemble compatible avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services (premier, deuxième, quatrième et onzième considérants; article 3, paragraphe 2).

9. Dans cette perspective, la directive ne limite pas la quantité de licences individuelles que les États membres sont habilités à délivrer, sauf si cela s’avère essentiel pour garantir l’utilisation efficace des radiofréquences ou l’existence de numéros en nombre suffisant. Par conséquent, d’emblée, toute organisation remplissant les conditions édictées publiquement par le droit national de chaque État membre a le droit d’obtenir une autorisation de ce genre (articles 10, paragraphe 1, et 9, paragraphe 3).

10. Les articles 6 et 11 de la directive, qui sont de nature fiscale, s’inscrivent dans l’idée de favoriser la concurrence sur le marché des télécommunications et de ne pas imposer aux opérateurs plus de restrictions ou de charges que nécessaire (14), en respectant ainsi les principes susvisés de proportionnalité, de non‑discrimination et de transparence (douzième considérant).

11. La première de ces deux dispositions est intitulée «Taxes et redevances applicables aux procédures d’autorisations générales», la seconde ayant pour titre «Taxes et redevances applicables aux licences individuelles».

12. Conformément à l’article 6, «[s]ans préjudice des contributions financières à la fourniture du service universel conformément à l’annexe, les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à la mise en œuvre du régime d’autorisations générales applicable. Ces taxes sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.»

13. De son côté, l’article 11 stipule que:

«1. Les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis et sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.

2. Nonobstant le paragraphe 1, dans le cas de ressources rares, les États membres peuvent autoriser leurs autorités réglementaires nationales à imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource. Ces redevances sont non discriminatoires et tiennent compte notamment de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.»

14. En vertu de l’article 25, les États membres devaient adapter leur législation à la directive au plus tard le 31 décembre 1997.

B – L’ordre juridique allemand

1. Les taxes applicables au secteur des télécommunications

15. La loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz, ci-après le «TKG»), du 25 juillet 1996 (15), transpose en Allemagne la directive 97/13. Conformément à son article 16, paragraphe 1, les licences individuelles sont accordées moyennant le paiement d’une taxe, dont l’établissement était renvoyé à un règlement postérieur.

16. Sur la base de cette législation, le Bundesministerium für Post und Telekommunikation (ministère fédéral des Postes et Télécommunications) a adopté, le 28 juillet 1997, le règlement relatif aux taxes sur les licences de télécommunication (Telekommunikations-Lizenzgebührenverordnung, ci-après la «TKLGebV 1997») (16), qui est entré en vigueur, avec effet rétroactif, le 1er août 1996.

17. Conformément à cette disposition, le prélèvement incluait, outre les frais administratifs liés à l’octroi de la licence, ceux afférents à la gestion des droits et au contrôle des obligations découlant de celle-ci (article 1er, paragraphe 1).

18. Les licences de classe 3 (17) étaient payées selon le territoire couvert et, partant, le nombre d’utilisateurs potentiels des services fournis, le montant de la taxe allant de 2 000 DEM (1 022,58 euros) à 10 600 000 DEM (5 419 693,94 euros) (18).

19. Le Bundesverwaltungsgericht explique dans les décisions de renvoi que les montants susvisés se sont fondés sur un calcul prévisionnel des frais généraux de gestion de l’autorité réglementaire nationale des postes et des télécommunications (ci-après l’«autorité réglementaire») durant trois décennies (19).

20. Dans son arrêt du 19 septembre 2001, le Bundesverwaltungsgericht a jugé que les prélèvements afférents à l’octroi de licences de classe 3, calculés conformément à la TKLGebV 1997, n’étaient pas couverts par l’article 16, paragraphe 1, du TKG, car ils comportaient des tâches étrangères à l’autorisation et portaient en outre atteinte au principe d’égalité énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (20).

21. À la suite de cet arrêt, la TKLGebV 1997 est resté inappliqué et a été remplacé par le règlement relatif aux taxes sur les licences de télécommunication du 9 septembre 2002 (Telekommunikations-Lizenzgebührenverordnung, ci-après la «TKLGebV 2002») (21), qui prévoit, pour lesdites licences de classe 3, une taxe de 4 260 euros, pouvant être réduite à un minimum de 1 000 euros (article 2, paragraphe 3).

22. Le gouvernement allemand informe (22) que les avis de taxation qui, à la date du prononcé de l’arrêt, pouvaient encore faire l’objet d’un recours, ont été annulés d’office et que certaines entreprises ont convenu avec l’autorité réglementaire de renoncer à toute action, les droits qu’elles avaient acquittés leur étant remboursés (23).

23. Ainsi, la TKLGebV 2002 a des effets rétroactifs à l’égard des taxes qui n’étaient pas devenues définitives. Son article 4 exprime cette idée, en...

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