Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:337
CourtCourt of Justice (European Union)
Date18 May 2006
Docket NumberC-232/05
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62005CC0232

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 18 mai 2006 (1)

Affaire C-232/05

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement – Défaut d’exécution d’une décision de la Commission – Aide accordée par les autorités françaises à Scott Paper SA/Kimberly-Clark»





I – Introduction

1. Dans son recours introduit conformément à l’article 88, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas exécuté dans le délai imparti la décision 2002/14/CE (2) relative à une aide octroyée par certaines collectivités territoriales françaises à l’entreprise Scott Paper SA/Kimberly-Clark, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 249, quatrième alinéa, CE et des articles 2 et 3 de ladite décision.

2. Les saisines répétées de la Cour pour des problèmes liés à la récupération d’aides indûment octroyées à des opérateurs économiques par les États membres de la Communauté témoignent (3) de la difficulté de cette matière qui résulte souvent des objectifs différents que poursuivent les diverses administrations au sein de la structure des États membres.

3. La Commission reproche à la République française le manquement à ses engagements communautaires résultant du maintien de règles contentieuses qui, dans certaines circonstances, engendrent la suspension automatique de la force exécutoire de titres de recettes à la suite de leur simple contestation devant la première instance judiciaire compétente.

II – Le cadre juridique

4. Étant donné que le manquement résulte de la configuration légale de la procédure contentieuse française en matière fiscale, la présentation des réglementations européennes et nationales en conflit aboutit à une meilleure compréhension des griefs de la Commission.

A – Le droit communautaire

5. Le traité CE réglemente les aides d’État dans trois articles, à savoir les articles 87 CE, 88 CE et 89 CE.

6. L’article 87 CE pose le principe de leur interdiction, lorsque certaines conditions sont remplies (paragraphe 1), exception faite de certains cas compatibles avec le marché commun (paragraphes 2 et 3). L’article 88 CE détermine spécialement le rôle de la Commission dans le cadre du contrôle des subventions (paragraphe 1) et de la répression contre les aides qu’elle considère illégales, la Commission étant même habilitée à enjoindre les États de supprimer ou de modifier celles-ci (paragraphe 2). Finalement, l’article 89 CE habilite le Conseil à adopter les règlements d’application de ces dispositions et d’exemption de certaines catégories d’aides.

7. C’est justement sur la base de ce dernier article que le règlement (CE) n° 659/1999 (4) a été adopté dans le but d’assurer le respect et l’efficacité des procédures prévues à l’article 88 CE en codifiant et en consolidant la pratique constante développée par la Commission dans un certain nombre de communications (5).

8. Le treizième considérant du règlement n° 659/1999 concerne le remboursement des aides financières contraires à l’ordre communautaire et indique que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, la concurrence doit être rétablie et l’aide, intérêts compris, doit être récupérée sans délai conformément aux procédures du droit national dont le déroulement ne doit pas faire obstacle au rétablissement de la concurrence en empêchant l’exécution immédiate de la décision de la Commission; afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures pertinentes.

9. Ces lignes directrices se sont cristallisées dans l’article 14 de ce règlement qui dispose:

«Récupération de l’aide

1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire […]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. […]

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [242 CE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

B – La législation française

10. Contrairement aux recours ordinaires en droit privé français et sauf dispositions législatives spéciales, les recours relatifs au contentieux administratif n’ont, conformément à l’article L 4 du code de justice administrative (6), pas d’effet suspensif s’il n’en est autrement ordonné par la juridiction compétente.

11. Cette règle constitue le corollaire de la présomption de légalité (bénéfice du préalable) des actes qui émanent des pouvoirs publics et de la nature du droit administratif, dont l’application est régie par l’impératif de célérité (7).

12. Cependant, il existe une exception dans le code général des collectivités territoriales, car son article L 1617-5 (8), point 1, qui se trouve dans le chapitre VII intitulé «Dispositions relatives aux comptables des collectivités territoriales», indique:

«1. En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur.

Toutefois, l’introduction devant une juridiction de l’instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. […]»

III – Les faits

A – Synthèse des antécédents jusqu’à l’adoption de la décision 2002/14

13. La société Scott SA, présente en France depuis 1969, était propriétaire d’une usine de production de papier à usage sanitaire et domestique qui employait quelque 170 personnes et qui se trouvait sur le site industriel de Sologne, situé dans la municipalité de Saint-Cyr-en-Val, dans le département du Loiret (9).

14. Son implantation à cet endroit résulte de la signature d’un accord avec la ville d’Orléans et le département du Loiret, en août 1987, en vertu duquel la société Sempel, une société d’économie mixte locale pour l’équipement du département, s’engageait à réaliser les études et les travaux nécessaires à l’aménagement des terrains destinés aux installations de Scott SA (10).

15. Lors de la conclusion de cet accord, la ville et le département se sont engagés à financer les coûts d’aménagement du site pour un montant maximal d’environ 12,3 millions d’euros. Il ressort toutefois du bilan de liquidation dressé par Sempel que le coût total approchait 21,4 millions d’euros (11).

16. Scott SA a acquis 48 hectares au prix convenu avec Sempel, soit 9,9 euros/m2 (4,7 millions d’euros au total).

17. En outre, en ce qui concerne la redevance d’assainissement prélevée en fonction de la consommation d’eau, l’article 7 de l’accord prévoyait un tarif préférentiel en faveur de Scott SA, fixé à 25 % du meilleur tarif actuel; toutefois, à partir de janvier 1989, le conseil municipal de la ville d’Orléans a modifié le montant de cette redevance et créé un coefficient de dégressivité dépendant de la consommation en m3 encore plus avantageux pour la société, car il allait à l’encontre de la philosophie sous-jacente au nouveau calcul du prix qui consistait à réduire la redevance jusqu’à 50 000 m3 et, ensuite, à augmenter celle-ci avec un objectif de pénalisation évident jusqu’à 150 000 m3. Mais, finalement, ce coefficient atteignait son niveau le plus bas pour une consommation supérieure à 150 000 m3, cette catégorie correspondant à Scott SA (12).

18. En janvier 1996, Kimberly-Clark Corporation (ci‑après «Kimberly‑Clark») a acquis les actions de Scott SA.

19. En décembre 1996, à la suite de la publication par la Cour des comptes du rapport public sur «Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises», la Commission a reçu une plainte concernant les conditions préférentielles auxquelles la vente de ces 48 hectares a eu lieu (13).

20. En mai 1998, à la suite des informations complémentaires fournies par les autorités françaises, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’encontre de ces mesures, compte tenu des doutes qui subsistaient sur les conditions dans lesquelles les autorités françaises avaient agi vis-à-vis de Scott SA et sur leur compatibilité avec le traité (14).

21. Bien que Kimberly-Clark ait annoncé la fermeture de l’usine en janvier 1998, ses actifs, à savoir le terrain et la papeterie, sont passés aux mains de Procter & Gamble en juin 1998 (15).

22. Lors de la clôture du dossier, la Commission n’a pas trouvé de raisons objectives pour que les collectivités territoriales aient escompté un rendement suffisant de leur investissement, c’est-à-dire du prix payé par Scott SA pour la transformation d’un terrain agricole en zone industrielle et pour la construction d’une fabrique avant la vente de la parcelle à Scott SA; elle n’a pas non plus identifié de raisons commerciales ou de considérations de politique fiscale en général pour justifier la fixation d’un coefficient aussi faible pour une consommation d’eau dépassant 150 000 m3, dont Scott SA a été de fait le principal bénéficiaire (16).

23. Par conséquent, la Commission a adopté la décision 2002/14, qui constate que la République française a illégalement mis à exécution, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE, des aides en faveur de Scott SA, sous la forme d’un prix préférentiel ad hoc...

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