Ilie Nicolae Nicula v Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu and Administraţia Fondului pentru Mediu.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:332
Docket NumberC-331/13
Celex Number62013CC0331
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 May 2014
62013CC0331

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 15 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑331/13

Ilie Nicolae Nicula

contre

Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu,

Administraţia Fondului pentru Mediu

[demande de décision préjudicielle formée par Tribunalul Sibiu (Roumanie)]

«Remboursement d’une taxe incompatible avec le droit de Union — Limitation du montant de la restitution due au changement de la réglementation nationale»

I – Introduction

1.

La présente affaire s’inscrit dans une longue liste d’affaires roumaines concernant la compatibilité avec l’article 110 TFUE de la taxe sur la pollution causée par les véhicules à moteur ( 2 ). En particulier, elle pose la question de savoir si les autorités fiscales roumaines ont le droit de garder au titre d’une nouvelle taxe de même nature et objet, nommée «timbre environnemental», la somme qui avait été perçue au titre de la taxe sur la pollution incompatible avec le droit de l’Union.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

2.

L’article 110 TFUE prévoit:

«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.»

3.

Dans l’affaire Tatu (EU:C:2011:219), la Cour a interprété cet article dans le sens qu’«il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national» ( 3 ).

B – Le droit roumain

4.

L’article 4 de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 9/2013 sur le timbre environnemental pour les véhicules à moteur (ci-après l’«OUG no 9/2013») dispose:

«Le paiement du timbre est dû une seule fois, comme suit:

a)

lors de l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’acquisition du droit de propriété sur un véhicule à moteur par le premier propriétaire en Roumanie et de l’attribution d’un certificat d’immatriculation, ainsi que d’un numéro d’immatriculation;

b)

lors de la réintroduction d’un véhicule à moteur dans le parc automobile national, dans le cas où, lors de son retrait du parc automobile national, la valeur résiduelle du timbre a été restituée au propriétaire […];

c)

lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, pour lequel on n’a pas payé la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, et la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur, conformément aux dispositions en vigueur au moment de son immatriculation;

d)

lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion pour lequel une juridiction a ordonné la restitution [de la taxe] ou dont elle a ordonné l’immatriculation sans paiement de la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, de la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, ou de la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur.»

5.

Dans son paragraphe 1, l’article 12 de cette ordonnance d’urgence prévoit que:

«Dans le cas où la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, ou la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur, qui a été acquittée, est plus élevée que le timbre résultant de l’application des présentes dispositions concernant le timbre environnemental, calculé en [lei roumains (RON)] au taux de change applicable lors de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, le montant représentant la différence peut être restitué, au seul redevable de l’obligation de payer, selon la procédure prévue dans les modalités d’application de la présente ordonnance d’urgence. La différence à restituer est calculée selon la formule de calcul prévue par la présente ordonnance d’urgence, en utilisant les éléments pris en compte au moment de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion.»

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

6.

L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (ci-après l’«OUG no 50/2008»), laquelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, a instauré une taxe sur la pollution pour les véhicules des catégories M1 à M3 et N1 à N3. L’obligation de payer cette taxe naissait notamment lors de la première immatriculation d’un véhicule automobile en Roumanie, grevant ainsi les véhicules d’occasion importés.

7.

La Cour a déclaré qu’une taxe telle que cette taxe sur la pollution était contraire à l’article 110 TFUE au motif qu’elle «[avait] pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en Roumanie de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres» ( 4 ). Pour la même raison, la Cour a jugé qu’il en était de même pour une taxe telle que la taxe sur la pollution instaurée par la loi no 9/2012 ( 5 ), qui, le 13 janvier 2012, avait abrogé l’OUG no 50/2008, avant d’être elle-même abrogée le 15 mars 2013 par l’OUG no 9/2013.

8.

Au cours de l’année 2009, M. Nicula a acheté un véhicule à moteur de marque BMW 320i immatriculé pour la première fois dans un autre État de l’Union européenne, à savoir l’Allemagne. En vue de l’immatriculation de ce véhicule en Roumanie, il a payé un montant de 5 153 RON (environ 1 200 euros) à titre de taxe sur la pollution, prévue par l’OUG no 50/2008.

9.

M. Nicula a déposé une demande de restitution de ce montant auprès des autorités fiscales roumaines et, à la suite de son rejet par ces dernières, un recours devant les juridictions roumaines.

10.

Par jugement administratif no 1497/CA/2012, le Tribunalul Sibiu (Roumanie) a fait droit au recours introduit par M. Nicula contre l’Agenția Fondului pentru Mediu (le service bénéficiaire de la taxe), a condamné cette défenderesse à restituer la taxe, après avoir constaté, sur la base de l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219), l’incompatibilité de la taxe sur la pollution avec l’article 110 TFUE et a rejeté le recours introduit contre l’Administraţia Finanţelor Publice Sibiu (la collectrice de la taxe).

11.

Le 25 janvier 2013, à la suite du pourvoi formé contre ce jugement, la Curtea de Apel de Alba-Iulia a cassé ledit jugement et renvoyé l’affaire devant le juge de première instance, en indiquant, aux fins de la nouvelle procédure de jugement, que, dans les litiges de ce type, la qualité de défendeur de l’action en restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union appartenait non seulement au bénéficiaire de cette taxe, mais aussi à son collecteur.

12.

Après la réinscription de l’affaire au rôle du Tribunalul Sibiu, l’OUG no 9/2013 sur le timbre environnemental est entrée en vigueur le 15 mars 2013.

13.

Dans la situation concrète du requérant, le montant du timbre environnemental pour son véhicule s’établit à 8 126,44 RON, en application de l’OUG no 9/2013, alors que la taxe sur la pollution payée antérieurement s’élevait à 5 153 RON.

14.

Or, par l’effet de l’article 12, paragraphe 1, de l’OUG no 9/2013, M. Nicula n’aurait plus le droit de récupérer la taxe sur la pollution et les intérêts y afférents, le montant qu’il avait payé étant retenu par les autorités fiscales et environnementales à titre de timbre environnemental, puisque la valeur du timbre environnemental était plus élevée que la taxe sur la pollution qu’il avait payée.

15.

Dans ces circonstances, le Tribunalul Sibiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’article 6 du traité sur l’Union européenne, des articles 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 110 TFUE, ainsi que les principes de sécurité juridique et de non reformatio in peius résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la Cour [arrêts Belgocodex, C‑381/97, EU:C:1998:589 et Belbouab, 10/78, EU:C:1978:181], peuvent-ils être interprétés comme s’opposant à des dispositions telles que celles de l’[OUG] no 9/2013?»

IV – La procédure devant la Cour

16.

La demande de décision préjudicielle a été déposée à la Cour le 18 juin 2013. M. Nicula, le gouvernement roumain et la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

17.

Par sa lettre du 20 décembre 2013, le gouvernement roumain a sollicité l’attribution de l’affaire à la grande chambre. Conformément à l’article 16, troisième alinéa, de son statut, la Cour a accédé à cette demande. Lors de l’audience, le gouvernement roumain a justifié cette demande par la nécessité d’assurer la cohérence de la jurisprudence de la Cour relative à la taxation des véhicules d’occasion importés.

18.

Au titre de l’article 101 de son règlement de procédure, la Cour a, le 14 février 2014, invité la juridiction de renvoi à fournir, pour le 5 mars 2014 au plus tard, des éclaircissements sur...

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