Ing. Aigner, Wasser-Wärme-Umwelt, GmbH v Fernwärme Wien GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:706
Date22 November 2007
Celex Number62006CC0393
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-393/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 22 novembre 2007 (1)

Affaire C‑393/06

Ing. Aigner, Wasser-Wärme-Umwelt GmbH

contre

Fernwärme Wien GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Vergabekontrollsenat des Landes Wien (Autriche)]

«Marchés publics – Procédure de passation – Secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux – Directive 2004/17/CE – Domaine d’application – Entités adjudicatrices – Entreprises publiques – Marché proposé par une entreprise publique dans d’autres secteurs – Inapplicabilité de la directive 2004/17 – Entreprise publique pouvant être qualifiée d’‘organisme de droit public’ – Applicabilité de la directive 2004/18/CE relative aux procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Notions d’‘organisme de droit public’ et de ‘besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial’ – Marché à prendre en considération pour déterminer l’existence d’un besoin industriel ou commercial – Organisme de droit public qui opère à la fois sur des marchés ouverts et sur des marchés fermés – Passation de marchés dans un domaine concurrentiel – Applicabilité de la directive 2004/18 même lorsqu’il existe une séparation économique et comptable entre les deux domaines d’activité»





I – Introduction

1. Le Vergabekontrollsenat des Landes Wien (chambre administrative indépendante de contrôle des adjudications du Land de Vienne, Autriche) pose trois questions relatives à l’interprétation des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination, respectivement, des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (2).

2. Cette consultation offre à la Cour l’opportunité de délimiter les champs d’application de ces directives et de préciser, une fois de plus, la notion d’«organisme de droit public» en tant que «pouvoir adjudicateur».

3. L’objectif est de savoir si une entreprise publique, telle que définie à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/17, reste soumise aux dispositions de cette directive lorsqu’elle exerce des activités non mentionnées par les articles 3 à 7 de la directive (première question). En cas de réponse négative, la décision de renvoi pose la question de savoir si, toutefois, cette entreprise doit être qualifiée d’«organisme de droit public», compte tenu du fait qu’elle se consacre, en l’absence de concurrence réelle, à la satisfaction de besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial (la fourniture de chauffage urbain dans la ville de Vienne), et est ainsi soumise à la directive 2004/18, même lorsqu’elle opère sur un marché différent ouvert à la concurrence (deuxième question). Enfin, il s’agit de savoir si la société pourrait s’affranchir de ce rattachement à la directive 2004/18 si elle prouve que ses différentes activités sont gérées, du point de vue économique, comme des compartiments étanches (troisième question).

4. Au fond de ces questions transparaît la «théorie de la contamination» (élaborée dans l’arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (3)) qui soumet toutes les activités d’un «pouvoir adjudicateur» aux directives sur les marchés publics, à moins que (exception introduite par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions du 21 avril 2005 dans l’affaire Impresa Portuale di Cagliari (4), qui a été classée sans jugement) l’absence de subventions croisées entre les marchés conclus dans le marché ouvert et ceux conclus hors concurrence ne soit démontrée.

5. Mais le Vergabekontrollsenat des Landes Wien ne possède pas, en droit autrichien, le statut de juridiction. De plus, ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative fédérale), sis à Vienne. Compte tenu de ma position relative à la notion de juridiction au sens de l’article 234 CE, que j’expose dans mes conclusions du 28 juin 2001 dans l’affaire De Coster (5), je me vois obligé, pour rester cohérent, de conseiller à la Cour de rejeter d’emblée le présent renvoi préjudiciel.

II – Le cadre juridique

A – La législation autrichienne

6. La loi du Land de Vienne relative aux recours en matière de marchés publics (Wiener Vergaberechtschutzgesetz (6)) attribue au Vergabekontrollsenat des Landes Wien la compétence pour le contrôle de la sélection des contractants réalisée par cette entité territoriale ou par d’autres entités adjudicatrices dans les domaines de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (article 1er).

7. Aux termes de l’article 2 de la loi, cette chambre administrative indépendante exerce ses compétences en premier et dernier ressort, sans que ses décisions puissent être révisées par voie gouvernementale (paragraphe 2), le recours juridictionnel devant le Verwaltungsgerichtshof étant possible (paragraphe 4).

8. Le Vergabekontrollsenat est composé de sept membres nommés par le gouvernement du Land pour un mandat renouvelable de six ans (article 3, paragraphe 1). Ils doivent posséder des connaissances économiques ou techniques approfondies en matière de marchés publics (article 3, paragraphe 2) et ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, sans être liés par aucune instruction (article 3, paragraphe 3) ni percevoir une rémunération (article 3, paragraphe 4).

B – Le droit communautaire

1. La directive 2004/18

9. Cette directive procède à la refonte du droit dérivé existant dans un seul texte (7), en harmonisant au niveau communautaire les procédures nationales de passation de marchés afin de les mettre en conformité avec les principes du traité CE qui régissent la passation de marchés publics (premier et deuxième considérants). La directive s’applique à ce que son article 1er, paragraphe 2, définit comme des marchés «publics», dans la mesure où ces marchés ne sont pas exclus par les articles 12 à 18, ont une valeur égale ou supérieure aux seuils fixés à l’article 7 et sont conclus par des «pouvoirs adjudicateurs».

10. Conformément à l’article 1er, paragraphe 9, l’État, les autres administrations territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par ces administrations ou organismes sont considérés comme «pouvoirs adjudicateurs». Par «organisme de droit public», on entend tout organisme 1) créé pour satisfaire des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, 2) doté de la personnalité juridique, et 3 a) financé majoritairement par les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, ou 3 b) dont la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, ou 3 c) dont l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

2. La directive 2004/17

11. La directive 2004/17 (8) poursuit, dans des domaines déterminés qui se distinguent par leur caractère fermé dû à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs (premier à troisième considérant), un objectif analogue à celui de la directive 2004/18 dans le domaine des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (objectif que la directive 2004/17 décrit en son article 1er, paragraphe 2).

12. Selon son article 2, paragraphe 2, la directive s’applique aux «entités adjudicatrices» qui exercent une des activités visées aux articles 3 (gaz, chaleur et électricité), 4 (eau), 5 (transport), 6 (services postaux) et 7 (exploration et extraction du pétrole, du gaz, du charbon et d’autres combustibles solides; ports et aéroports), à moins que ces activités ne soient réalisées en concurrence ouverte, sur des marchés dont l’accès n’est pas limité (article 30, paragraphe 1).

13. Outre les «pouvoirs adjudicateurs» [définis à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la même manière que dans la directive 2004/18], la directive qualifie d’«entités adjudicatrices» les «entreprises publiques», c’est-à-dire toute entreprise sur laquelle les «pouvoirs adjudicateurs» peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. Les pouvoirs adjudicateurs ont une telle influence (1) s’ils détiennent la majorité du capital souscrit ou (2) des voix attachées aux parts émises par l’entreprise ou (3) s’ils désignent plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de l’entreprise [article 2, paragraphe 1, sous b)].

14. La directive considère également comme des «entités adjudicatrices» les organisations qui, lorsqu’elles ne sont pas des «pouvoirs adjudicateurs» ou des «entreprises publiques», exercent une des activités visées aux articles 3 à 7 en vertu de droits spéciaux ou exclusifs [article 2, paragraphe 2, sous b)].

15. L’article 20, paragraphe 1, exclut du domaine d’application de la directive les marchés que les «entités adjudicatrices» passent à des fins autres que celles des articles 3 à 7.

III – Les faits dans le litige au principal et les questions préjudicielles

16. Fernwärme Wien GmbH (ci-après: «Fernwärme Wien») est une société qui a été créée le 22 janvier 1969 et dûment immatriculée au registre des sociétés de Vienne, ce qui lui a permis d’acquérir la personnalité juridique. Son objet social est la fourniture, dans le secteur de la ville de Vienne, de chauffage urbain pour des habitations, des organismes publics, des bureaux, des entreprises et d’autres locaux, sans préjudice de l’activité de planification générale d’installations de réfrigération pour des projets immobiliers d’une certaine importance qu’elle exerce également en concurrence avec d’autres opérateurs.

17. Aujourd’hui, après...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT