Criminal proceedings against Ernst Engelmann.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:79
Docket NumberC-64/08
Celex Number62008CC0064
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 February 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁn Mazák

présentées le 23 février 2010 (1)

Affaire C‑64/08

Staatsanwaltschaft Linz

contre

Ernst Engelmann

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Linz (Autriche)]

«Liberté d’établissement – Jeux de hasard – Système de concession pour l’exploitation des jeux de hasard dans les casinos – Possibilité d’obtenir une concession ouverte aux seules sociétés anonymes établies sur le territoire national – Cohérence de la politique nationale en matière de jeu – Publicité»





I – Introduction

1. Les questions préjudicielles posées par le Landesgericht Linz (Autriche) attirent, une fois de plus, l’attention de la Cour sur la relation entre les libertés communautaires et la politique législative en matière de jeux de hasard des États membres.

2. Dans le cadre d’une jurisprudence déjà bien fournie, la Cour se verra, cette fois-ci, appelée à se prononcer sur la conformité avec les articles 43 CE et 49 CE d’une réglementation nationale qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeu exclusivement aux sociétés anonymes qui possèdent leur siège sur le territoire de l’État membre en question, qui limite la durée des concessions à quinze ans et qui permet aux organisateurs titulaires d’une concession de faire de la publicité encourageant la participation aux jeux en question.

II – Le cadre juridique

A – La loi autrichienne sur les jeux de hasard

3. Les jeux de hasard sont réglementés en Autriche par la loi fédérale sur les jeux de hasard (Glücksspielgesetz), dans sa version de 1989 (2).

1. Les objectifs poursuivis par la loi sur les jeux de hasard

4. La loi sur les jeux de hasard ne consacre aucune disposition à énoncer les objectifs que la République d’Autriche poursuit au travers de sa réglementation des jeux de hasard. Ses travaux préparatoires nous éclairent néanmoins quelque peu et nous apprennent que ces objectifs seraient de nature réglementaire et de nature fiscale.

5. En ce qui concerne l’objectif réglementaire, lesdits travaux indiquent que, «idéalement, une interdiction totale des jeux de hasard serait la réglementation la plus judicieuse. Compte tenu du fait bien connu que la passion du jeu semble cependant inhérente à l’homme, […] il est beaucoup plus judicieux de canaliser cette passion du jeu, dans l’intérêt de l’individu et de la société. On atteint ainsi deux objectifs: on prévient une fuite des jeux de hasard dans l’illégalité telle qu’on peut l’observer dans les États interdisant entièrement les jeux de hasard et l’État conserve dans le même temps la possibilité de surveiller les jeux de hasard exploités sur une base légale. Cette surveillance doit avoir pour objectif principal la protection du joueur individuel».

6. Quant à l’objectif fiscal, les travaux préparatoires identifient un «intérêt de l’État fédéral à pouvoir tirer les recettes les plus importantes possibles du monopole sur les jeux de hasard. […] Le gouvernement fédéral doit donc, lors de la réglementation des jeux de hasard – tout en respectant et en protégeant l’objectif réglementaire –, viser à ce que les jeux de hasard soient mis en œuvre de telle manière que le monopole lui rapporte les recettes les plus importantes possibles».

2. Le monopole d’État en matière de jeux de hasard

7. L’article 1er de la loi sur les jeux de hasard définit les jeux de hasard comme ceux «pour lesquels les gains et les pertes dépendent exclusivement ou de manière prépondérante du hasard».

8. L’article 3 de la loi sur les jeux de hasard établit un «monopole d’État» en matière de jeux de hasard, disposant que le droit d’organiser et d’exploiter les jeux de hasard est en principe réservé à l’État, sauf disposition contraire prévue par ladite loi.

3. Les jeux libéralisés

9. Les paris sportifs, les «petites» machines à sous et les loteries de moindre envergure ne sont pas soumis à ce monopole.

10. Les paris sportifs, d’une part, ne sont pas considérés en Autriche comme des jeux de hasard, étant donné qu’ils ne sont pas purement fondés sur le seul hasard, mais font également entrer en ligne de compte une certaine habilité et les connaissances du joueur. Ils relèvent de la compétence des Länder et ont été libéralisés. Quiconque remplit les conditions légales a le droit d’obtenir une licence pour l’organisation de paris sportifs selon les modalités classiques ou sur internet.

11. L’article 4 de la loi sur les jeux de hasard, d’autre part, exclut du monopole étatique les machines à sous dont la mise maximale ne dépasse pas 0,50 euro par partie et dont le gain éventuel ne peut pas être supérieur à 20 euros («petites» machines), ainsi que les loteries portant sur des sommes minimes, les tombolas et la mise en loterie de marchandises. La réglementation des petites machines à sous a été dévolue à la compétence des Länder. Les petites loteries doivent être, quant à elles, autorisées par le ministère fédéral des Finances.

4. Le système de concessions

12. Le ministre fédéral des Finances peut octroyer le droit d’organiser et d’exploiter des jeux de hasard monopolisés en délivrant des concessions pour l’organisation de loteries et de tirages électroniques (article 14 de la loi sur les jeux de hasard) et pour l’exploitation d’établissements de jeu (article 21 de la loi sur les jeux de hasard).

13. L’article 14 de la loi sur les jeux de hasard définit les conditions d’octroi d’une concession pour les loteries et les tirages électroniques. Une seule concession peut être, en tout et pour tout, attribuée (3). Le preneur doit être une société de capitaux ayant son siège en Autriche. En présence de plusieurs candidats, la concession est attribuée à celui qui offre à l’État fédéral les meilleures perspectives de recettes fiscales.

14. En vertu de l’article 20 de la loi sur les jeux de hasard (4), un montant équivalent à 3 % des recettes des loteries autrichiennes et d’au moins 40 millions d’euros est mis, chaque année, à la disposition d’un fonds de promotion des activités sportives.

15. L’article 21 fixe les conditions pour l’exploitation d’un casino. Le nombre de concessions de casinos est limité à douze au total (5). Une seule concession peut être attribuée par territoire communal. La loi précise que les concessionnaires doivent être des sociétés anonymes disposant d’un conseil de surveillance et ayant leur siège en Autriche, avoir un capital d’au moins 22 millions d’euros et, en fonction des circonstances, offrir les meilleures perspectives de recettes fiscales pour les pouvoirs publics locaux dans le respect des règles posées par l’article 14 de la loi sur les jeux de hasard concernant la protection des joueurs.

16. L’article 22 de la loi sur les jeux de hasard fixe la durée maximale des concessions des jeux de hasard à quinze ans.

17. L’article 24 de la loi sur les jeux de hasard interdit au concessionnaire d’établir des filiales en dehors du territoire autrichien. Selon l’article 24 bis de la même loi, toute extension de l’objet d’une concession déjà accordée doit être autorisée lorsqu’elle n’est pas susceptible d’avoir un impact négatif sur les recettes fiscales provenant des redevances versées par les établissements de jeu.

18. En vertu des articles 19 et 31 de la loi sur les jeux de hasard, le ministère des Finances dispose d’un droit de surveillance général sur le concessionnaire. Il peut, à cet effet, consulter les comptes du concessionnaire et ses agents habilités pour l’exercice du droit de surveillance peuvent avoir accès aux locaux commerciaux du concessionnaire. Le ministère est, en outre, représenté au sein de la société concessionnaire par un «commissaire d’État». Les comptes annuels, vérifiés, doivent enfin être présentés au ministre fédéral dans un délai de six mois suivant la clôture de l’exercice.

19. L’article 25, paragraphe 3, de la loi sur les jeux de hasard, dans sa version de 1989, obligeait le concessionnaire à interdire ou à restreindre l’accès au casino aux joueurs, ressortissants autrichiens, qui n’étaient pas en état de participer à des jeux de hasard ou qui s’étaient vu interdire la participation à de tels jeux. C’est sur le fondement de cette règle que le concessionnaire, la société Casinos Austria AG, a été condamné, à la suite de quelques procédures judiciaires intentées par des joueurs, au remboursement de pertes de jeu importantes. Depuis la réforme de la loi sur les jeux de hasard d’août 2005, l’obligation de remboursement du concessionnaire est plafonnée au minimum d’existence concret du joueur, et la responsabilité du concessionnaire est limitée aux cas dans lesquels il y a eu préméditation ou négligence grave, de sorte qu’elle ne couvre plus les hypothèses dans lesquelles le joueur, interrogé préalablement sur sa capacité à participer à des jeux de hasard, n’a fourni que des indications incomplètes. Un délai de forclusion de six mois est en outre désormais prévu par la loi.

20. Depuis une modification de la loi sur les jeux de hasard en 2008, l’article 56, paragraphe 1, dispose que les concessionnaires sont tenus d’observer, dans leurs annonces publicitaires, une attitude responsable, ces annonces faisant d’ailleurs l’objet d’une surveillance de la part de l’autorité de tutelle.

B – Le code pénal autrichien

21. L’article 168 du code pénal autrichien (Strafgesetzbuch) punit «quiconque organise un jeu formellement prohibé ou dont l’issue favorable ou défavorable dépend exclusivement ou principalement du hasard ou quiconque favorise une réunion en vue de l’organisation d’un tel jeu afin de tirer un avantage pécuniaire de cette organisation ou de cette réunion ou de procurer un tel avantage à un tiers».

III – Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

22. M. Ernst Engelmann, ressortissant allemand, a exploité des établissements de jeu à Linz, en Autriche, entre le début de l’année 2004 et le 19 juillet 2006, et à Schärding, également en Autriche, entre le mois d’avril 2004 et le 14...

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