Criminal proceedings against Ernst Engelmann.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:506
Date09 September 2010
Celex Number62008CJ0064
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-64/08

Affaire C-64/08

Procédure pénale

contre

Ernst Engelmann

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Landesgericht Linz (Autriche))

«Libre prestation des services — Liberté d’établissement — Réglementation nationale établissant un système de concessions pour l’exploitation des jeux de hasard dans les casinos — Obtention des concessions réservée aux seules sociétés anonymes établies sur le territoire national — Attribution de la totalité des concessions en dehors de toute mise en concurrence»

Sommaire de l'arrêt

1. Liberté d'établissement — Restrictions

(Art. 43 CE et 46 CE)

2. Libre prestation des services — Liberté d'établissement — Réglementation nationale relative aux concessions d'exploitation d'établissements de jeux

(Art. 43 CE et 49 CE)

1. L’article 43 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeux exclusivement aux opérateurs ayant leur siège sur le territoire de cet État membre. En effet, l’obligation faite aux titulaires de concessions d’exploitation d’établissements de jeux d’avoir leur siège sur le territoire national constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de cette disposition en ce qu’elle opère une discrimination envers les sociétés dont le siège se trouve dans un autre État membre et empêche ces sociétés d’exploiter, par l’intermédiaire d’une agence, d’une succursale ou d’une filiale, des établissements de jeux sur le territoire de l'État membre concerné.

À cet égard, sans qu'il soit nécessaire de déterminer si l'objectif consistant à permettre un contrôle efficace des opérateurs actifs dans le secteur des jeux de hasard, dans le but de prévenir l’exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses, est susceptible de relever de la notion d'ordre public, de manière à rendre la restriction en cause compatible avec le droit de l’Union, il suffit de constater que l’exclusion catégorique des opérateurs ayant leur siège dans un autre État membre apparaît disproportionnée, car allant au-delà de ce qui est nécessaire pour combattre la criminalité. En effet, divers moyens existent pour contrôler les activités et les comptes de ces opérateurs, comme la possibilité d'exiger la tenue de comptes séparés pour chaque établissement de jeux d’un même opérateur, vérifiés par un comptable extérieur, celle d’obtenir la communication systématique des décisions des organes des titulaires de concessions ainsi que celle de recueillir des informations au sujet de leurs dirigeants ou de leurs principaux actionnaires. En outre, des contrôles peuvent être effectués sur toute entreprise établie dans un État membre et des sanctions peuvent lui être infligées, quel que soit le lieu de résidence de ses dirigeants.

(cf. points 32, 34-38, 40, disp. 1)

2. L’obligation de transparence découlant des articles 43 CE et 49 CE ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité s’oppose à l’octroi, en dehors de toute mise en concurrence, de la totalité des concessions d’exploitation d’établissements de jeux sur le territoire d’un État membre.

En effet, d'une part, bien que, en l’état actuel du droit de l’Union, les concessions de services ne soient régies par aucune des directives par lesquelles le législateur de l’Union a réglementé le domaine des marchés publics, les autorités publiques qui octroient de telles concessions sont néanmoins tenues de respecter les règles fondamentales des traités, notamment les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que l’obligation de transparence qui en découle. Sans nécessairement impliquer une obligation de procéder à un appel d’offres, ladite obligation de transparence, qui s’applique lorsque la concession de services concernée est susceptible d’intéresser une entreprise située dans un État membre autre que celui dans lequel cette concession est attribuée, impose à l’autorité concédante de garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture de la concession de services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’attribution.

D'autre part, le fait que la délivrance d’autorisations d’exploiter des établissements de jeux n’équivaudrait pas à des contrats de concession de services ne saurait, à lui seul, justifier que les exigences qui découlent de l’article 49 CE, notamment le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence, soient méconnues. L’obligation de transparence apparaît dès lors comme une condition préalable obligatoire du droit d’un État membre d’attribuer des autorisations d’exploitation des établissements de jeux, quel que soit le mode de sélection des opérateurs puisque les effets de l’attribution de telles autorisations à l’égard des entreprises établies dans d’autres États membres et qui seraient potentiellement intéressées par l’exercice de cette activité sont les mêmes que ceux d’un contrat de concession de services.

(cf. points 49-50, 52-53, 58, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

9 septembre 2010 (*)

«Libre prestation des services – Liberté d’établissement – Réglementation nationale établissant un système de concessions pour l’exploitation des jeux de hasard dans les casinos – Obtention des concessions réservée aux seules sociétés anonymes établies sur le territoire national – Attribution de la totalité des concessions en dehors de toute mise en concurrence»

Dans l’affaire C‑64/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landesgericht Linz (Autriche), par décision du 23 janvier 2008, parvenue à la Cour le 19 février 2008, dans la procédure pénale contre

Ernst Engelmann,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader, MM. K. Schiemann (rapporteur), P. Kūris et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2010,

considérant les observations présentées:

– pour M. Engelmann, par Mes P. Ruth et T. Talos, Rechtsanwälte, ainsi que par M. A. Stadler,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent, assistée de Mes P. Vlaemminck et A. Hubert, advocaten,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes A. Samoni‑Rantou, M. Tassopoulou, O. Patsopoulou et E.‑M. Mamouna, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par Me F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. Mateus Calado ainsi que par Mme A. Barros, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme P. Dejmek, puis par MM. E. Traversa et H. Krämer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 février 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE et 49 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre M. Engelmann pour non‑respect de la législation autrichienne relative à l’exploitation des établissements de jeux.

Le cadre juridique

3 En Autriche, les jeux de hasard sont réglementés par la loi fédérale sur les jeux de hasard (Glücksspielgesetz), dans sa version publiée au Bundesgesetzblatt für die Republik Österreich 620/1989 (ci-après le «GSpG»).

4 Selon les travaux préparatoires du GSpG, cette loi, d’une part, vise à réglementer les jeux de hasard et, d’autre part, poursuit un objectif de nature fiscale.

5 En ce qui concerne l’objectif consistant à réglementer les jeux de hasard, la partie générale des notes explicatives du GSpG expose que, idéalement, une interdiction totale des jeux de hasard serait la réglementation la plus judicieuse mais que, compte tenu du fait bien connu que la passion du jeu semble cependant inhérente à l’homme, il est beaucoup plus judicieux de canaliser cette passion, dans l’intérêt de l’individu et de la société. Elle précise que deux objectifs sont ainsi atteints, à savoir prévenir une dérive des jeux de hasard vers l’illégalité, telle qu’elle peut être observée dans les États interdisant totalement les jeux de hasard et, dans le même temps, permettre à l’État de conserver la possibilité de surveiller les jeux de hasard exploités sur une base légale, cette surveillance devant avoir pour objectif principal la protection du joueur.

6 Du point de vue fiscal, il est relevé, dans lesdites notes explicatives, un intérêt de l’État fédéral à pouvoir tirer les recettes les plus importantes possibles du monopole sur les jeux de hasard, le gouvernement fédéral devant par conséquent, lors de l’adoption de la réglementation relative aux jeux de hasard, tout en respectant et en protégeant l’objectif consistant à réglementer ces jeux, veiller à ce que ceux-ci soient mis en œuvre d’une telle manière que ce monopole lui procure les recettes les plus importantes possibles.

7 L’article 3 du GSpG établit un «monopole d’État» en matière de jeux de hasard en prévoyant que le droit d’organiser et d’exploiter ces jeux est en principe réservé à l’État, sauf disposition contraire de cette loi.

8 En vertu de l’article 21, paragraphe 1, du GSpG, le ministre fédéral des Finances est autorisé à octroyer le droit d’organiser et d’exploiter des jeux de hasard en délivrant des concessions d’exploitation d’établissements de jeux. Le nombre des concessions pouvant être octroyées a été limité à douze au total et une seule concession peut être attribuée par territoire communal.

9 Les conditions d’octroi des concessions d’exploitation sont fixées à l’article 21, paragraphe 2, du GSpG. Il y est notamment précisé que le concessionnaire doit être une société anonyme ayant son siège en...

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