Réunion européenne SA and Others v Spliethoff's Bevrachtingskantoor BV and the Master of the vessel Alblasgracht V002.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:45
Date05 February 1998
Celex Number61997CC0051
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-51/97
EUR-Lex - 61997C0051 - FR 61997C0051

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 5 février 1998. - Réunion européenne SA e.a. contre Spliethoff's Bevrachtingskantoor BV et Capitaine commandant le navire "Alblasgracht V002". - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. - Convention de Bruxelles - Interprétation des articles 5, points 1 et 3, et 6 - Demande d'indemnisation formée par le destinataire ou l'assureur de la marchandise sur le fondement du connaissement, contre un défendeur n'ayant pas émis le connaissement mais considéré par le demandeur comme le transporteur maritime réel. - Affaire C-51/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-06511


Conclusions de l'avocat général

I - Observations liminaires

1 Par quatre questions préjudicielles, la Cour de cassation française demande à la Cour l'interprétation de l'article 5, points 1 et 3, et de l'article 6 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (1), telle qu'elle a été modifiée en dernier lieu par la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (2).

II - Les faits

2 Les circonstances de fait de la présente affaire ne ressortent pas avec toute la clarté souhaitable de la décision de renvoi, des observations des parties ou du dossier de la procédure au principal. D'après les éléments du dossier dans son ensemble, la société de droit français Brambi Fruits, ayant son siège à Rungis (ci-après «Brambi»), a acheté, en mai 1988 (3), une grande quantité de poires à la société de droit australien F. W. Year, ayant son siège à Melbourne.

3 C'est sous couvert d'un connaissement au porteur émis le 8 mai 1992, à Sydney, par la société australienne Refrigerated Container Carriers PTY Ltd, ayant son siège à Sydney (ci-après «RCC»), que la marchandise a été embarquée, dans huit conteneurs frigorifiques contenant 5 199 cartons de poires, au port de Melbourne à bord du navire Alblasgracht V002, à destination du port de Rotterdam, qui était désigné comme lieu de déchargement et de livraison. Ce navire serait, paraît-il, géré par la société néerlandaise Spliethoff's, qui n'est pas mentionnée dans le connaissement et qui a son siège à Amsterdam. Brambi devait simplement recevoir notification du connaissement.

4 De Rotterdam, les conteneurs ont été transportés par route, sous couvert de lettres de voiture internationales, à Rungis en France, où se trouve le siège de Brambi. Les lettres de voiture pour cette partie du transport indiquent avoir été émises par la société Transeco et mentionnent «Conship» comme expéditeur.

5 Lorsque le chargement est arrivé à Rungis, Brambi a constaté la présence d'avaries et a donc formulé des réserves à la livraison. Les avaries résultaient d'une maturation précoce des fruits, due à une rupture de la chaîne du froid (4). Le préjudice a été pris en charge par la société Réunion européenne et par neuf autres sociétés d'assurance, toutes parties demanderesses et requérantes au pourvoi dans la procédure au principal.

6 Après avoir versé l'indemnité due, les assureurs, subrogés dans les droits de Brambi, ont saisi le tribunal de commerce de Créteil, dans le ressort duquel se trouve Rungis. Leur recours était dirigé, d'une part, contre RCC, qui avait émis le connaissement pour la partie maritime du transport, et, d'autre part, a) contre la société Spliethoff's et b) contre le capitaine commandant le navire Alblasgracht, en leur qualité de transporteurs maritimes réels.

7 Le tribunal a estimé, au vu de la correspondance entre Brambi et RCC, que la livraison des poires était prévue à Rungis et qu'en conséquence il était compétent pour la «transaction» entre ces deux sociétés. A cet effet, conformément à l'article 4, point 1, de la convention sans doute, il a appliqué le droit français et non pas les dispositions de ladite convention, puisque le Commonwealth d'Australie n'est pas partie à cette dernière. De surcroît, estimant qu'elle n'avait pas respecté son «contrat», le tribunal a condamné RCC au paiement d'un dédommagement de 400 000 FF environ aux assureurs, ainsi qu'aux dépens de la procédure (5).

En revanche, il s'est déclaré incompétent en ce qui concerne les deux autres défendeurs, aux motifs qu'aucun élément ne démontrait qu'il y ait eu transport combiné de Melbourne jusqu'à Rungis, que le lieu où les parties défenderesses devaient exécuter leur obligation était Rotterdam et que, en conséquence, en vertu de la convention, les juridictions compétentes étaient celles de Rotterdam, où la marchandise devait être livrée, ou celles d'Amsterdam, lieu du domicile des parties défenderesses.

8 Les assureurs l'ayant saisie d'un contredit, la cour d'appel de Paris a confirmé la décision de première instance en estimant que la responsabilité de la société Spliethoff's et du capitaine se fondait nécessairement sur un contrat et qu'en conséquence la compétence revenait, en vertu des articles 2 et 5, point 1, de la convention de Bruxelles, aux juridictions néerlandaises précitées.

9 Les assureurs ont saisi la juridiction de renvoi d'un pourvoi en cassation contre cette décision. Ils ont fait valoir que le litige avec les parties défenderesses n'était pas à caractère contractuel, comme l'avait jugé à tort la cour d'appel, mais bien un litige en matière délictuelle, soumis à l'article 5, point 3, de la convention, avec les conséquences qui en découlent en ce qui concerne la compétence. A titre subsidiaire, les assureurs ont fait valoir que, les défendeurs ayant tous trois participé à la même opération de transport maritime, le litige était indivisible. En conséquence, la juridiction d'appel aurait dû se juger compétente pour les deux autres parties défenderesses aussi, puisqu'elle avait retenu sa compétence pour la première partie défenderesse.

10 Estimant que, compte tenu notamment du caractère autonome de la notion de «matière contractuelle», la solution du litige exigeait d'interpréter la convention, la Cour de cassation française a saisi la Cour de justice des quatre questions préjudicielles suivantes.

III - Les questions préjudicielles

La Cour de cassation française demande à la Cour de justice de dire:

«1) si l'action par laquelle le destinataire de marchandises reconnues avariées à l'issue d'un transport maritime puis terrestre, ou son assureur subrogé dans ses droits pour l'avoir indemnisé, réclame réparation de son préjudice, en se fondant sur le connaissement couvrant le transport maritime, non pas à l'encontre de celui qui a émis ce document à son en-tête, mais à l'encontre de la personne que le demandeur tient pour être le transporteur maritime réel, a pour base le contrat de transport et relève, à ce titre ou à un autre, de la matière contractuelle au sens de l'article 5, point 1, de la convention;

2) si, en cas de réponse négative à la question précédente, la matière est délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, point 3, de la convention ou s'il y a lieu de revenir à la règle de compétence de principe en faveur des juridictions de l'État sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, fixée à l'article 2 de la convention;

3) si, dans l'hypothèse où la matière doit être considérée comme délictuelle ou quasi délictuelle, le lieu où le destinataire, après l'exécution du transport maritime puis du transport terrestre final, n'a fait que constater l'existence des avaries aux marchandises qui lui ont été livrées peut, et à quelles conditions, constituer le lieu de survenance du dommage que l'arrêt du 30 novembre 1976, Bier/Mines de potasse d'Alsace (21/76, Rec. p. 1735), a visé comme pouvant être celui `où le fait dommageable s'est produit' au sens de l'article 5, point 3, de la convention;

4) si un défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait dans un autre État contractant devant la juridiction saisie d'une demande dirigée à l'encontre d'un codéfendeur domicilié en dehors du territoire de tout État contractant, au motif que le litige présenterait un caractère indivisible, et pas seulement connexe.»

IV - Le cadre juridique

11 L'article 2 de la convention dispose:

«Sous réserve des dispositions de la présente convention, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État...»

12 L'article 3 dispose:

«Les personnes domiciliées sur le territoire d'un État contractant ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre État contractant qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 6 du présent titre.»

13 L'article 4 dispose:

«Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État contractant, la compétence est, dans chaque État contractant, réglée par la loi de cet État, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 16.»

14 L'article 5 de la convention dispose:

«Le défenseur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée

...

3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit».

15 L'article 6 de la convention dispose:

«Ce même défendeur peut aussi être attrait:

1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un deux;

...»

16 Enfin, l'article 22 de la convention dispose:

«Lorsque des demandes connexes sont formées devant des juridictions d'États contractants différents et sont pendantes au premier degré, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer.

Cette juridiction peut également se dessaisir, à la demande de l'une des parties, à condition que sa loi permette la jonction d'affaires connexes et que le tribunal premier saisi soit compétent pour connaître...

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