Fundación Española para la Innovación de la Artesanía (FEIA) v Cul de Sac Espacio Creativo SL and Acierta Product & Position SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:200
Date26 March 2009
Celex Number62008CC0032
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-32/08

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 26 mars 2009 (1)

Affaire C‑32/08

Fundación Española para la Innovación de la Artesanía (FEIA)

contre

Cul de Sac Espacio Creativo SL

et contre

Acierta Product & Position SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil n° 1 de Alicante (Espagne)]

«Dessins et modèles communautaires – Titulaires des droits – Dessins et modèles créés sur commande»






1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Juzgado de lo Mercantil n° 1 de Alicante (Espagne) pose à la Cour des questions relatives à l’interprétation des articles 14 et 88 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (2) (ci-après le «règlement»).

2. Ces questions surviennent dans le cadre d’une action en contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés, commandés et réalisés dans le cadre d’un projet destiné à promouvoir l’intégration du design industriel dans le secteur artisanal. C’est la première fois que la Cour est appelée à interpréter les dispositions du règlement dans le cadre d’une procédure préjudicielle (3).

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. L’intérêt de la Communauté pour les questions liées à la protection des dessins et des modèles industriels remonte à 1959, lorsque la Commission proposa aux gouvernements des six États membres de l’époque de créer des groupes de travail chargés d’élaborer une protection communautaire des droits de propriété industrielle dans le but de remédier aux problèmes que la limitation territoriale de la protection offerte au niveau national posait pour le fonctionnement correct du marché commun. Trois groupes de travail furent ainsi créés, en matière de brevets, de marques et de dessins et modèles. Le groupe de travail sur les dessins et les modèles, présidé par l’Italien Roscioni, rendit son rapport en 1962, recommandant l’adoption d’une législation uniforme au niveau communautaire, mais soulignant les difficultés que posait le lancement d’un processus d’harmonisation législative en raison des divergences importantes caractérisant les législations nationales en la matière.

4. Après une longue période d’arrêt, le débat fut relancé par la Commission avec le Livre vert sur la protection juridique des dessins et modèles industriels (ci-après le «Livre vert»), publié en juin 1991 et qui, selon cette institution, devait servir de base à la consultation des milieux intéressés. Dans ce document, la Commission examinait les divers aspects de la protection juridique des dessins et des modèles industriels et les solutions adoptées par les législations nationales, définissant les grandes lignes de ce qu’aurait dû être, selon elle, l’approche communautaire en la matière. Sur la base des réflexions menées dans le Livre vert, la Commission proposait, d’une part, la création d’un dessin ou d’un modèle communautaire valable sur la totalité du territoire communautaire et soumis à un régime uniforme et, d’autre part, une harmonisation des législations nationales limitée aux aspects les plus importants de la matière. Dans le prolongement de cette proposition figuraient en annexe au Livre vert un projet de proposition de règlement sur les dessins ou modèles communautaires et un projet de proposition de directive sur le rapprochement des législations communautaires des États membres sur la protection juridique des dessins et des modèles.

5. Sur la base de ces projets, la Commission a soumis, en 1993, au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen une proposition de règlement sur les dessins ou modèles communautaires (4) et une proposition de directive sur la protection juridique des dessins et modèles (5). La directive a été adoptée le 13 octobre 1998 (6), tandis que la procédure législative d’adoption du règlement fut plus longue et tortueuse, exigeant la présentation de deux autres propositions, en 1999 et en 2000.

6. Ainsi qu’il ressort des considérants du règlement, l’institution d’un dessin ou d’un modèle communautaire soumis à un régime uniforme dans tout le territoire du la Communauté vise à supprimer l’obstacle à la libre circulation des marchandises que représente la limitation territoriale de la protection des dessins et des modèles instituée au niveau national et à éviter que, étant donné les divergences notables qui existent encore entre les législations des États membres, des dessins et des modèles identiques ne soient, dans les divers systèmes juridiques, protégés selon des modalités différentes et dans l’intérêt de titulaires différents (7).

7. Afin que la protection conférée au dessin ou au modèle communautaire réponde aux exigences de tous les secteurs économiques de la Communauté, le règlement prévoit deux formes de protection: la première, moins étendue et pour une période brève, est accordée aux dessins et aux modèles non enregistrés, tandis que la seconde est concédée pour une période plus longue aux dessins et aux modèles enregistrés et confère au bénéficiaire de la protection des droits exclusifs (8).

8. Le titre II du règlement se subdivise en cinq sections. La troisième section, intitulée «Droit au dessin ou modèle communautaire» comprend l’article 14 dont l’intitulé est le même, qui dispose que:

«1. Le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit.

2. Si plusieurs personnes ont réalisé conjointement un dessin ou modèle, le droit au dessin ou modèle communautaire leur appartient conjointement.

3. Cependant, lorsqu’un dessin ou modèle est réalisé par un salarié dans l’exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l’employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable.»

9. Le titre IX du règlement contient les dispositions en matière de «compétence et procédure pour les actions en justice relatives aux dessins et modèles communautaires». L’article 81, qui figure sous la deuxième section de ce titre, attribue aux tribunaux des dessins ou des modèles communautaires désignés par les États membres en application de l’article 80 compétence exclusive pour connaître des actions en contrefaçon et des actions en nullité d’un dessin ou d’un modèle communautaire. En ce qui concerne le droit applicable à ces tribunaux, l’article 88, paragraphes 1 et 2, précise que:

«1. Les tribunaux des dessins ou modèles communautaires appliquent les dispositions du présent règlement.

2. Pour toutes les questions qui n’entrent pas dans le champ d’application du présent règlement, le tribunal des dessins ou modèles communautaires applique son droit national, y compris son droit international privé» (9).

B – Le droit national

10. L’ordre juridique espagnol prévoit une protection pour les seuls dessins et modèles enregistrés. L’article 14, paragraphes 1 et 4, de la loi n° 20/2003, du 7 juillet 2003, sur la protection juridique des dessins et modèles industriels, inséré sous le titre III relatif à la «propriété du dessin ou modèle» et intitulé «Droit à l’enregistrement», prévoit que:

«1. Le droit d’enregistrer le dessin ou modèle appartient au créateur ou à son ayant droit.

[…]

4. Dans le cadre des procédures devant l’Office espagnol des brevets et des marques, il est présumé que le demandeur a le droit d’enregistrer le dessin ou modèle.»

11. Selon l’article 15 de la même loi:

«Lorsque le dessin ou modèle a été réalisé par un salarié dans l’exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son patron ou de son employeur, ou en exécution d’une commande dans le cadre d’une relation de services, le droit d’enregistrer le dessin ou modèle appartient à l’employeur ou au cocontractant qui a commandé la réalisation du dessin ou modèle, sauf convention contraire.»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

12. La Fundación Española para la Innovación de la Artesanía (ci-après la «FEIA»), partie requérante au principal, a parrainé le projet «D’Artes, Diseño y Artesanía de incorporación del Diseño al Sector Artesiano», dont l’objectif était la création et la commercialisation d’une gamme de produits réalisés par certains ateliers artisanaux sur la base de dessins ou de modèles créés par des professionnels du design industriel.

13. Dans le cadre de ce projet, la société AC&G SA. a été chargée par la FEIA de sélectionner les designers et de conclure avec eux des accords en vue de l’élaboration d’un dessin ou d’un modèle et de la fourniture d’une assistance technique à l’artisan dans la phase de réalisation du produit. En vertu de ce mandat, AC&G SA. a conclu un contrat avec la société Cul de Sac espacio creativo SL (ci-après «Cul de Sac») en exécution duquel cette dernière a réalisé une série d’horloges murales à coucou pour l’artisane Veronica Palomares. Ces horloges ont été présentées dans le cadre de la première édition du projet «D’Artes» sous le nom de collection «Santamaría».

14. En 2006, Cul de Sac et la société Acierta Product & Position SA (ci-après «Acierta») ont commercialisé une gamme d’horloges murales à coucou dénommée collection «Timeless». Estimant que cette commercialisation constituait une violation des droits sur les modèles d’horloges de la collection «Santamaría» dont elle se considérait titulaire, la FEIA a attrait en justice les deux sociétés devant le Juzgado de lo Mercantil n°1 de Alicante. Devant cette juridiction, la société requérante revendiquait à différents titres (10) la propriété des droits sur les modèles en question, invoquant tant les dispositions du règlement que la législation espagnole. Les sociétés défenderesses invoquaient le défaut de qualité à agir de la FEIA, estimant que cette dernière n’était pas titulaire des droits sur les modèles en cause.

15. Considérant que la solution du litige dépendait de l’interprétation de certaines dispositions du règlement, la juridiction de...

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