Commission of the European Communities and French Republic v Télévision française 1 SA (TF1).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:144
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 March 2001
Docket NumberC-308/99,C-302/99
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number61999CC0302
EUR-Lex - 61999C0302 - FR 61999C0302

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 8 mars 2001. - Commission des Communautés européennes et République française contre Télévision française 1 SA (TF1). - Pourvoi - Moyen inopérant - Critique de motifs sans influence sur le dispositif attaqué - Charge des dépens. - Affaires jointes C-302/99 P et C-308/99 P.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-05603


Conclusions de l'avocat général

1 La République française (affaire C-308/99 P) et la Commission (affaire C-302/99 P), toutes deux soutenues par le royaume d'Espagne, demandent à la Cour l'annulation partielle de l'arrêt du Tribunal dans l'affaire TF1/Commission (1), motif pris de ce qu'il a déclaré recevable le recours en carence de TF1 en ce qu'il était dirigé contre l'abstention d'agir de la Commission au titre de l'article 90 du traité CE (devenu article 86 CE).

2 La République française conteste, en outre, sa condamnation, par le Tribunal, à supporter les dépens exposés par la partie requérante en première instance en raison de son intervention.

Les faits et l'arrêt attaqué

3 Il ressort de l'arrêt attaqué que, le 10 mars 1993, la requérante en première instance, Télévision française 1 SA (TF1) (ci-après «TF1»), chaîne privée de télévision, a saisi la Commission d'une plainte dirigée contre les modes de financement et d'exploitation des chaînes publiques de France-Télévision. Il est constant que cette plainte dénonçait expressément des violations des articles 85 du traité CE (devenu article 81 CE), 90, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 1, CE) et 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) nommément cités.

4 N'ayant pas reçu de réponse satisfaisante, elle a, par lettre du 3 octobre 1995, demandé formellement à la Commission et, pour autant que de besoin, l'a mise en demeure de prendre attitude et d'agir au regard des moyens développés dans la plainte du 10 mars 1993.

5 Par lettre du 11 décembre 1995, la Commission a signalé à TF1 que l'enquête relative à la plainte était toujours en cours.

6 Le 2 février 1996, TF1 a introduit un recours devant le Tribunal, ayant pour objet, à titre principal, une demande fondée sur l'article 175 du traité CE (devenu article 232 CE) visant à faire constater que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ce traité en s'abstenant de prendre position sur la plainte formulée par la requérante et, à titre subsidiaire, une demande fondée sur l'article 173 du traité (devenu, après modification, article 230 CE), visant à l'annulation de la prétendue décision de rejet de la plainte contenue dans la lettre de la Commission du 11 décembre 1995. La République française est intervenue au soutien des conclusions de la Commission.

7 En cours de procédure, la Commission a versé au dossier la copie d'une lettre du 15 mai 1997, adressée à la requérante au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2 (2), du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (3), par laquelle elle informait cette dernière qu'elle estimait, compte tenu des informations en sa possession, ne pas pouvoir accorder une suite favorable à sa plainte en ce qu'elle dénonçait les violations des articles 85 et 86 du traité. Elle invitait la requérante à présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter du 15 mai 1997. La Commission ajoutait que, après examen des griefs tirés d'une violation de l'article 90 du traité, elle n'avait pas été à même d'établir le caractère d'infraction des faits dénoncés.

8 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a notamment:

- constaté que le recours en carence est recevable, pour autant qu'il est dirigé contre l'abstention d'agir de la Commission au titre de l'article 90 du traité (point 57);

- constaté que, en adressant à la plaignante la lettre du 15 mai 1997, la Commission a pris position au sens de l'article 175, deuxième alinéa, du traité, et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions en carence pour autant qu'elles tendaient à voir constater que la Commission s'est illégalement abstenue d'agir au titre de l'article 90 du traité (point 103 des motifs; point 2 du dispositif);

- déclaré que, en application de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République française supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la partie requérante en raison de son intervention (point 110 des motifs; point 6 du dispositif).

9 Le Tribunal a procédé à l'analyse suivante:

«Sur la recevabilité du recours, en ce qu'il est dirigé contre l'abstention de la Commission d'agir au titre de l'article 90 du traité

- Moyens et arguments des parties

45 La Commission soutient, d'abord, que cette partie du recours est irrecevable au motif que la lettre du 3 octobre 1995 ne peut être considérée comme une invitation à agir au sens de l'article 175 du traité, en ce qui concerne la partie de la plainte du 10 mars 1993 relative à l'article 90 du traité.

46 La Commission fait ensuite valoir que cette partie du recours est, en tout état de cause, irrecevable, car le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose dans la mise en oeuvre de l'article 90 du traité exclut toute obligation d'intervention de sa part. Il en résulterait que les personnes physiques ou morales qui lui demandent d'intervenir au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité, ne bénéficient pas du droit d'introduire un recours contre la décision de la Commission de ne pas faire usage des prérogatives qu'elle détient ou contre l'abstention de faire usage de cette prérogative (arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Ladbroke Racing/Commission, T-32/93, Rec. p. II-1015; ordonnance du Tribunal du 23 janvier 1995, Bilanzbuchhalter/Commission, T-84/94, Rec. p. II-101).

47 La requérante admet que la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire dans la mise en oeuvre de l'article 90 du traité, mais relève que l'article 90, paragraphe 3, du traité lui impose de veiller à l'application des dispositions dudit article et d'adresser, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres. Ces dispositions supposeraient que la Commission agisse dans un délai raisonnable, à défaut de quoi elle pourrait être assignée en carence.

- Appréciation du Tribunal

48 Il convient de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la Commission, la lettre du 3 octobre 1995, dans la mesure où la requérante lui demande formellement d'agir `au regard des moyens développés dans la plainte' du 10 mars 1993, doit être considérée comme comportant une invitation à agir régulière, au sens de l'article 175, deuxième alinéa, du traité, au titre de l'article 90 du traité.

49 Il convient donc d'examiner, en deuxième lieu, la question de savoir dans quelle mesure un recours en carence peut viser une abstention d'agir de la Commission au titre de l'article 90 du traité. Il importe à cet égard de rappeler, d'abord, que l'article 90, paragraphe 3, du traité charge la Commission de veiller au respect, par les États membres, des obligations qui s'imposent à eux, en ce qui concerne les entreprises visées à l'article 90, paragraphe 1, du traité, et l'investit expressément de la compétence pour intervenir à cet effet par la voie de directives ou de décisions. La Commission a, notamment, le pouvoir de constater, au moyen d'une décision prise sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité, qu'une mesure étatique déterminée est incompatible avec les règles du traité, notamment, celles prévues aux articles 85 à 94 du traité CE (devenu article 89 CE), et d'indiquer les mesures que l'État destinataire doit adopter pour se conformer aux obligations découlant du droit communautaire (voir arrêt de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, points 22 à 30).

50 Il y a lieu d'observer, ensuite, que l'article 90, paragraphe 3, du traité, de par sa place dans l'économie du traité et sa finalité, s'insère parmi les règles dont l'objet est d'assurer le libre jeu de la concurrence et tend donc à protéger les opérateurs économiques contre les mesures par lesquelles un État membre mettrait en échec les libertés économiques fondamentales consacrées par le traité. Il résulte ainsi, tant de la place de ces dispositions dans le traité que de leur finalité, qu'un particulier ne saurait, lorsqu'un État membre édicte ou maintient, en ce qui concerne les entreprises publiques ou celles bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs, des mesures produisant un effet anticoncurrentiel équivalent à celui produit par les comportements anticoncurrentiels de toutes les autres entreprises, être privé de la protection de ses intérêts légitimes. Il convient, à cet égard, de rappeler, en outre, que, en vertu de la jurisprudence, figure au nombre des principes généraux du droit communautaire celui selon lequel toute personne doit pouvoir bénéficier d'un recours juridictionnel effectif contre les décisions pouvant porter atteinte à un droit reconnu par les traités (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et du 19 mars 1991, Commission/Belgique, C-249/88, Rec. p. I-1275, point 25; arrêt du Tribunal du 27 juin 1995, Guérin automobiles/Commission, T-186/94, Rec. p. II-1753, point 23).

51 Le large pouvoir d'appréciation dont la Commission dispose dans la mise en oeuvre de l'article 90 du traité ne saurait mettre en échec cette protection, la Cour ayant d'ailleurs constaté dans son arrêt du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission (C-107/95 P, Rec. p. I-947, point 25), qu'il ne saurait être exclu à priori qu'un particulier se trouve dans une situation exceptionnelle lui conférant qualité pour agir en...

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