Lagardère Active Broadcast v Société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE) and Gesellschaft zur Verwertung von Leistungsschutzrechten mbH (GVL).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:249
Date21 April 2005
Celex Number62004CC0192
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-192/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO TIZZANO

présentées le 21 avril 2005 (1)

Affaire C-192/04

Société Lagardère Active Broadcast

contre

Société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE)

et

Gesellschaft zur Verwertung von Leistungsschutzrechten mbH (GVL)

«Directive 93/83/CEE – Communication au public par satellite – Définition – Directive 92/100/CEE – Droits voisins du droit d’auteur – Émissions radiophoniques dans plusieurs États membres – Loi applicable»






I – Introduction

1. Par arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation (France) a saisi la Cour, en application de l’article 234 CE, de deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (2), et de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (3).

2. Le juge national souhaite tout d’abord savoir quel est l’État membre auquel il revient de réglementer la rémunération due aux artistes–interprètes ou exécutants d’un phonogramme lorsque le signal utilisé pour la radiodiffusion dudit phonogramme est émis par un État membre vers un satellite qui l’achemine vers un réémetteur terrestre situé dans un autre État membre, au moyen duquel il est retransmis en direction du premier. Dans l’hypothèse où plusieurs législations nationales sont applicables, il interroge aussi la Cour sur le point de savoir si le droit communautaire autorise à déduire dans un État les sommes payées dans l’autre.

II – Le cadre juridique

Le droit communautaire applicable

3. La directive 92/100 vise à mettre en place un cadre harmonisé des législations nationales relatives au droit de location et de prêt en matière de droit d’auteur, ainsi qu’à certains droits voisins du droit d’auteur, dans la mesure nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du marché commun.

4. Il ne s’agit d’ailleurs que d’une harmonisation minimale, comme le précise aussi le vingtième considérant de la directive, qui reconnaît expressément aux États membres la faculté d’attribuer aux titulaires des droits voisins du droit d’auteur une protection plus étendue que celle prévue par la directive elle-même.

5. Cette protection fait en particulier l’objet de l’article 8, paragraphe 2, de la directive, qui prévoit que:

«Les États membres prévoient un droit pour assurer qu’une rémunération équitable et unique est versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d’accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération».

6. À son tour, la directive 93/83 vise à coordonner certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, afin d’«éviter l’application cumulative de plusieurs législations nationales à un même acte de radiodiffusion» (quatorzième considérant).

7. Après avoir affirmé, dans ce même considérant, que «des procédures techniques normales appliquées aux signaux porteurs de programmes ne peuvent être considérées comme des interruptions de la chaîne de transmission», la directive définit les notions qui y sont employées.

8. En particulier, l’article 1er, paragraphe 1, définit le «satellite» comme «tout satellite opérant sur des bandes de fréquence qui sont, selon la législation sur les télécommunications, réservées à la radiodiffusion de signaux pour réception par le public ou à la communication individuelle non publique. Dans ce dernier cas, il est toutefois nécessaire que la réception individuelle puisse se faire dans des conditions comparables à celles du premier cas».

9. Le paragraphe 2 du même article prévoit en outre, pour ce qui importe ici, que:

«a) Aux fins de la présente directive, on entend par ‘communication au public par satellite’ l’acte d’introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre.

b) La communication au public par satellite a lieu uniquement dans l’État membre dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, les signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre.»

10. En ce qui concerne les droits des artistes–interprètes ou exécutants, producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, l’article 4, paragraphe 1, prévoit que, «[a]ux fins de la communication au public par satellite, les droits des artistes–interprètes ou exécutants, producteurs de phonogrammes et organismes de radiodiffusion sont protégés conformément aux dispositions des articles 6, 7, 8 et 10 de la directive 92/100/CEE».

Le droit national

11. Si l’on examine maintenant la réglementation française, il nous suffira de rappeler l’article L. 214–1 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel:

«Lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste–interprète et le producteur ne peuvent s’opposer:

[…]

2º À sa radiodiffusion, non plus qu’à la distribution par câble simultanée et intégrale de cette radiodiffusion.

Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs. Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1º et 2º du présent article.

Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement […]» (4).

III – Faits et procédure

12. La société Europe 1 communication SA, aux droits de qui se trouve actuellement la société Lagardère Active Broadcast (ci–après respectivement «Europe 1» et «Lagardère»), est une société de radiodiffusion établie en France. Ses programmes radiophoniques sont produits à Paris et transmis tout d’abord à un satellite. Le signal radio retourne ensuite à terre vers des réémetteurs situés en territoire français qui le diffusent, en France, en modulation de fréquence (FM).

13. Le système de transmission sus–indiqué n’est pas le seul auquel recourt Europe 1. En réalité, elle dispose aussi d’un émetteur situé en territoire allemand, à Felsberg, dans le Land de Sarre, et dont elle s’est servie dès le démarrage de ses activités pour contourner la législation française alors en vigueur, qui réservait aux seuls organismes de radiodiffusion publics le droit de disposer d’antennes de retransmission sur le territoire français.

14. Le satellite transmet aussi le signal à ce réémetteur qui le renvoie en grandes ondes vers la France, conformément à une concession accordée, en Allemagne, à la Compagnie européenne de radiodiffusion et de télévision Europe 1 (ci–après «CERT»), société de droit allemand dont le capital est détenu à 99,70 % par Europe 1.

15. Précisons sur ce point que, en cas de panne du système satellitaire, le signal provenant des studios parisiens peut, encore aujourd’hui, atteindre le transmetteur allemand par le biais du réseau audio numérique terrestre qui, avant l’adoption du système satellitaire, était le moyen de transmission ordinairement employé.

16. Précisons encore que, quoique destinés exclusivement à un public francophone, les programmes diffusés par le réémetteur de Felsberg peuvent aussi être reçus dans une zone limitée du territoire allemand.

17. En France, Europe 1 payait à la Société pour la perception de la rémunération équitable (ci–après «SPRE») la rémunération due aux artistes–interprètes ou exécutants et aux producteurs de phonogrammes employés dans ses programmes. De son côté, CERT versait en Allemagne, pour la radiodiffusion des mêmes phonogrammes, une redevance annuelle forfaitaire à la Gesellschaft zur Verwertung von Leistungsschutzrechten (ci–après «GVL»), homologue allemand de SPRE.

18. Afin d’éviter le cumul des rémunérations versées pour l’utilisation des mêmes phonogrammes, un accord passé entre Europe 1 et SPRE, reconduit jusqu’au 31 décembre 1993, autorisait Europe 1 à déduire du montant dû à SPRE les sommes versées à GVL par CERT.

19. Bien qu’à compter du 1er janvier 1994 aucun accord n’autorisât Europe 1 à procéder à une telle déduction, elle a continué à y avoir recours.

20. Estimant cette déduction non justifiée, SPRE a saisi le tribunal de grande instance de Paris, qui a fait droit à sa demande.

21. Dans ce contexte, CERT a procédé à la résiliation du contrat prévoyant le paiement de la rémunération à GVL, laquelle a alors engagé une action judiciaire en Allemagne. Après un jugement de première instance favorable à GVL et un arrêt du Saarländisches Oberlandesgericht (la cour d’appel du Land de Sarre) favorable à CERT, le Bundesgerichtshof (la Cour de cassation allemande) s’est trouvé saisi de la question.

22. Le Bundesgerichtshof, estimant que les émissions radiophoniques en question étaient soumises au droit allemand, en raison du fait qu’elles sont diffusées au public par des émetteurs situés en Allemagne, et que cependant la rémunération due à GVL devait être réduite pour tenir compte du...

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