Deutsche Post AG and Federal Republic of Germany v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:445
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 June 2011
Docket NumberC-475/10,C-463/10
Procedure TypeRecurso de anulación
Celex Number62010CC0463

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 30 juin 2011 (1)

Affaires jointes C‑463/10 P et C‑475/10 P

Deutsche Post AG (C‑463/10 P),

République fédérale d’Allemagne (C‑475/10 P)

contre

Commission européenne

«Pourvois – Aides d’État – Mesures prises par les autorités allemandes en faveur de Deutsche Post AG – Règlement (CE) n° 659/1999Article 10, paragraphe 3 – Article 230 CE – Recevabilité du recours en annulation formé contre une décision portant injonction de fournir des informations – Notion d’‘acte attaquable’ – Principe de la protection juridictionnelle effective – Qualité pour agir de Deutsche Post AG»





1. Les présentes affaires devraient conduire la Cour à préciser si une décision par laquelle la Commission européenne enjoint à un État membre de fournir des informations concernant une aide prétendument illégale constitue un acte attaquable.

2. Par leurs pourvois, Deutsche Post AG (2) et la République fédérale d’Allemagne demandent l’annulation des ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2010, Deutsche Post/Commission (T‑570/08), et Allemagne/Commission (T‑571/08) (3). Par ces ordonnances, celui-ci a rejeté comme étant irrecevables leurs recours tendant à l’annulation de la décision par laquelle la Commission a, conformément à l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 (4), enjoint à la République fédérale d’Allemagne de fournir des informations concernant les coûts et les recettes de Deutsche Post pour la période allant de l’année 1989 à l’année 2007 (5).

3. Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour d’accueillir ces pourvois, d’annuler les ordonnances attaquées et de statuer définitivement sur la recevabilité des recours introduits en première instance.

4. Nous soutiendrons, en effet, que, malgré le caractère préparatoire d’une injonction de fournir des informations, cet acte constitue le terme ultime de la procédure d’enquête ouverte par la Commission et produit des effets juridiques contraignants et immédiats à l’égard de l’État membre concerné. Nous exposerons, par conséquent, que ledit acte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de façon à garantir une protection juridictionnelle effective audit État, et ce conformément à la jurisprudence de la Cour.

I – Le cadre juridique de l’Union

5. Le règlement a codifié la pratique des pouvoirs conférés à la Commission par le traité CE. Il édicte des règles qui ont été rédigées en conformité avec la jurisprudence de la Cour (6).

6. Lorsqu’un État membre notifie un projet d’octroi d’une aide nouvelle à la Commission, cet État est, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement, tenu de fournir «tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 [du règlement]».

7. L’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement dispose ce qui suit:

«1. Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l’État membre de la réception de la réponse.

2. Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués.»

8. Les articles 10 à 13 du règlement s’inscrivent dans le chapitre III de celui-ci, intitulé «Procédure en matière d’aides illégales».

9. L’article 10 du règlement est rédigé dans les termes suivants:

«1. Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai.

2. Le cas échéant, elle demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements. L’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphes 1 et 2, s’appliquent mutatis mutandis.

3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements […]. Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication.»

10. En vertu de l’article 11 du règlement, la Commission peut, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant audit État de suspendre le versement de l’aide en cause et/ou de la récupérer provisoirement, jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun.

11. L’article 12 du règlement est libellé comme suit:

«Dans le cas où l’État membre omet de se conformer à une injonction de suspension ou de récupération, la Commission est habilitée, tout en examinant le fond de l’affaire sur la base des informations disponibles, à saisir directement la Cour […] afin qu’elle déclare que ce non-respect constitue une violation du traité.»

12. Enfin, aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement:

«L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles.»

II – Les faits à l’origine des présentes affaires

13. À la suite de plaintes déposées par des opérateurs privés, la Commission a constaté que Deutsche Post facturait les colis de porte à porte à des prix inférieurs aux coûts marginaux et que cette politique de rabais agressive ne relevait pas de l’obligation de service universel de l’entreprise.

14. Par décision du 19 juin 2002 (7), la Commission a estimé que les pertes d’un montant de 572 millions d’euros qui en ont résulté constituaient une aide d’État incompatible avec le marché commun et a ordonné à la République fédérale d’Allemagne de prendre toutes les mesures qui s’imposaient pour exiger de Deutsche Post la restitution de l’aide.

15. Par la suite, la Commission a reçu de nouvelles plaintes de la part de concurrents privés, alléguant que Deutsche Post bénéficiait d’avantages considérablement plus importants que ceux visés dans la décision 2002/753. La Commission a estimé nécessaire de traiter l’intégralité des distorsions de concurrence résultant des ressources d’État accordées à Deutsche Post en ouvrant, le 12 septembre 2007, une nouvelle procédure formelle d’examen conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE (8).

16. Par un arrêt du 1er juillet 2008 (9), le Tribunal a annulé la décision 2002/753, jugeant que la Commission avait violé l’article 87, paragraphe 1, CE dans le cadre de son examen de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

17. Le 17 juillet 2008, la Commission a transmis à la République fédérale d’Allemagne une demande de renseignements comprenant un questionnaire sur les recettes et les coûts de Deutsche Post pour la période allant de l’année 1989 à l’année 2007. Les 12 et 21 août 2008, la Commission a envoyé une lettre de rappel demandant une nouvelle fois audit État la communication des informations demandées (10).

18. Dans ses réponses des 5 août, 14 août et 29 septembre 2008, la République fédérale d’Allemagne a confirmé qu’elle refusait de transmettre les données relatives aux produits et aux charges de Deutsche Post postérieures à l’année 1995, estimant que l’examen de la Commission devrait se limiter à la période allant de l’année 1989 à l’année 1994 et que la réponse à ce questionnaire exigerait un investissement en temps et en travail disproportionné.

19. Par courrier du 30 octobre 2008, la Commission a enjoint à la République fédérale d’Allemagne, en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement, de fournir dans les 20 jours toutes les informations nécessaires pour répondre audit questionnaire. La Commission a ajouté que, si, malgré cette injonction, les autorités allemandes ne fournissaient pas dans les délais les informations demandées, elle prendrait sa décision sur la base des renseignements disponibles, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement.

20. Dans un arrêt du 2 septembre 2010 (11), la Cour a confirmé, sur pourvoi, l’annulation de la décision 2002/753.

III – La procédure devant le Tribunal et les ordonnances attaquées

21. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 décembre 2008, Deutsche Post (affaire T‑570/08) et la République fédérale d’Allemagne (affaire T‑571/08) ont chacune introduit un recours en annulation contre l’acte litigieux.

22. Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal le 19 mars 2009, la Commission a soulevé, dans chacune de ces affaires, une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

23. Le Tribunal a fait droit à cette exception en jugeant que l’acte litigieux ne constitue pas un acte attaquable au sens de la jurisprudence.

24. Le Tribunal (12) a, tout d’abord, rappelé les principes fixés par la Cour dans les arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (13), et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (14). D’une part, il a relevé qu’il y a lieu de s’attacher à la substance d’un acte, et non à sa forme, afin de déterminer si celui-ci constitue un acte attaquable au sens de l’article 230 CE. D’autre part, il a indiqué que seules les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission et qui produisent des effets juridiques constituent des actes...

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