Deutsche Post AG and Federal Republic of Germany v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:656
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 October 2011
Docket NumberC-463/10,C-475/10
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62010CJ0463

Affaires jointes C-463/10 P et C-475/10 P

Deutsche Post AG
et
République fédérale d’Allemagne

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aides d’État — Règlement (CE) nº 659/1999 — Article 10, paragraphe 3 — Décision portant injonction de fournir des informations — Acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes destinés à produire des effets juridiques — Notion — Conditions

(Art. 263 TFUE)

2. Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Décision de la Commission portant injonction adressée à un État membre de fournir des informations dans le cadre d'une procédure d'aide d'État, prise en vertu de l'article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999 — Inclusion

(Art. 263, al. 1, TFUE et 288, al. 4, TFUE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 10, § 2 et 3)

3. Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes préparatoires — Exclusion — Décision de la Commission portant injonction adressée à un État membre de fournir des informations, prise en vertu de l'article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999 — Acte produisant des effets juridiques autonomes — Inclusion

(Art. 258 TFUE et 263 TFUE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 10, § 3)

4. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission portant injonction adressée à un État membre de fournir des informations relatives à une entreprise publique, prise en vertu de l'article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999 — Recours exercé par cette entreprise — Admissibilité

(Art. 263 TFUE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 10, § 3)

1. Dans le cadre de recours en annulation introduits par des États membres ou des institutions, sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires. Un État membre est, en outre, recevable à introduire un recours en annulation d’un acte produisant de tels effets obligatoires sans qu’il doive démontrer un intérêt à agir.

Lorsque le recours en annulation contre un acte adopté par une institution est introduit par une personne physique ou morale, celui-ci n’est ouvert que si les effets juridiques obligatoires de cet acte sont de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci. Lorsqu'un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, cette dernière exigence relative à l'affectation des intérêts de la requérante, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

(cf. points 36-38)

2. Une décision de la Commission prise en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 108 TFUE, et enjoignant à un État membre de lui fournir des renseignements concernant une aide prétendument illégale vise à produire des effets de droit obligatoires et constitue, dès lors, un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. En effet, une telle injonction s'inscrit dans la seconde phase de la procédure instituée par l'article 10 de ce règlement afin de permettre à la Commission d’obtenir de l’État membre concerné les informations nécessaires relatives à une telle aide, phase qui se traduit par l’adoption d’une décision, au sens de l’article 288 TFUE, par la Commission. En prévoyant qu’une injonction de fournir des informations prend la forme d’une décision, le législateur de l’Union a eu l’intention d’attribuer un caractère contraignant à un tel acte.

(cf. points 41, 43-45)

3. Des mesures intermédiaires, dont l’objectif est de préparer la décision finale, ne constituent pas, en principe, des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation. En effet, un recours en annulation dirigé contre des actes exprimant une opinion provisoire de la Commission pourrait obliger le juge de l’Union à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles l’institution concernée n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer et aurait ainsi pour conséquence une anticipation des débats au fond et une confusion des différentes phases des procédures administrative et judiciaire. Admettre un tel recours serait donc incompatible avec les systèmes de répartition des compétences entre la Commission et le juge de l’Union et des voies de recours, prévus par le traité, ainsi qu’avec les exigences d’une bonne administration de la justice et d’un déroulement régulier de la procédure administrative de la Commission.

Un acte intermédiaire n’est pas non plus susceptible de recours s’il est établi que l’illégalité qui lui est attachée pourra être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la décision finale dont il constitue un acte d’élaboration. Dans de telles conditions, le recours introduit contre la décision mettant fin à la procédure assurera une protection juridictionnelle suffisante. Si cette dernière condition n’est pas satisfaite, il sera considéré que l’acte intermédiaire produit des effets juridiques autonomes et, partant, doit pouvoir faire l’objet d’un recours en annulation.

Tel est le cas d'une injonction, adressée par la Commission à un État membre, de fournir des informations sur les recettes et les coûts d'une entreprise publique dans le cadre d'une procédure de constatation d'une aide d'État, en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 108 TFUE. En effet, un recours introduit contre la décision mettant fin à la procédure relative à une telle aide d’État n’est pas de nature à assurer une protection juridictionnelle suffisante à l’égard des parties requérantes étant donné, d'une part, que l'illégalité qui entacherait l’acte intermédiaire, à savoir le caractère disproportionné de l'injonction en ce qu'elle viserait des informations non pertinentes, ne pourrait pas affecter la légalité de la décision finale de la Commission, puisque cette décision ne sera pas fondée sur les informations obtenues en réponse à ladite injonction, et, d'autre part, que le refus de l’État membre concerné de déférer à une telle injonction constitue un manquement à une obligation qui lui incombe en vertu des traités au sens de l’article 258 TFUE, dans le cadre de laquelle la non-exécution d'une telle injonction ne saurait être justifiée sur la base de sa prétendue illégalité. Par conséquent, c'est dans le cadre d’une procédure distincte, à savoir celle d’un recours en annulation visé à l’article 263 TFUE, que toute contestation de la légalité d’une telle injonction doit s’effectuer.

(cf. points 50-60)

4. Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement. À cet égard, une injonction, adressée par la Commission à un État membre, de fournir des informations sur les recettes et les coûts d'une entreprise publique dans le cadre d'une procédure de constatation d'une aide d'État, en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 108 TFUE, affecte directement cette entreprise dans la mesure où, en premier lieu, en tant que bénéficiaire de la mesure sur laquelle portent les informations visées par cette injonction et en tant que détentrice de ces informations, celle-ci sera contrainte de donner suite à l’injonction de fournir des informations et, en deuxième lieu, le contenu définitif et exhaustif des informations demandées ressort de l’acte litigieux lui-même, sans laisser de pouvoir d’appréciation à l'État membre concerné. Une telle entreprise est, en outre, individuellement concernée par une telle injonction dès lors que les informations qui y sont visées concernent uniquement cette entreprise, dans le cadre d'une procédure d’examen d’une prétendue aide d’État dont elle aurait bénéficié.

(cf. points 65, 68-70, 74)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 octobre 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Règlement (CE) n° 659/1999 – Article 10, paragraphe 3 – Décision portant injonction de fournir des informations – Acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE»

Dans les affaires jointes C‑463/10 P et C‑475/10 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits, respectivement, les 24 et 27 septembre 2010,

Deutsche Post AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes J. Sedemund et T. Lübbig, Rechtsanwälte,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze, J. Möller et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. B. Martenczuk et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mai 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs pourvois, Deutsche Post AG (ci-après «Deutsche Post») et la République fédérale d’Allemagne demandent l’annulation, respectivement, des ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2010, Deutsche Post/Commission (T-570/08), et Allemagne/Commission (T-571/08, ci‑après, ensemble, les «ordonnances attaquées»), par lesquelles le...

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