Donal Brady v Environmental Protection Agency.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:324
Date16 May 2013
Celex Number62012CC0113
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-113/12
62012CC0113

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 16 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑113/12

Donal Brady

contre

Environmental Protection Agency

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Irlande)]

«Environnement — Directives 75/442/CEE et 91/156/CEE — Notion de ‘déchet’ — Lisier généré par une exploitation porcine — Stockage jusqu’à l’utilisation en tant que fertilisant — Qualification de déchet — Qualification de sous-produit — Charge de la preuve — Responsabilité personnelle du producteur du fait de la violation du droit de l’Union en matière de contrôle des déchets commise par des tiers qui utilisent le lisier comme fertilisant sur leurs propres terres — Défaut de transposition de la directive 91/676/CEE — Principes généraux du droit de l’Union — Droits fondamentaux — Proportionnalité»

1.

Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle portant sur les conditions imposées à un éleveur de porcs pour l’autoriser à commercialiser en tant que fertilisant le lisier généré dans son exploitation, la Supreme Court (Irlande) a saisi la Cour d’une série de questions relatives à la notion de «déchet» au sens de la directive 75/442/CEE ( 2 ). Au-delà de l’intérêt que présente cette question, qui permettra en particulier à la Cour de parfaire sa jurisprudence relative aux conditions dans lesquelles un «déchet» peut devenir un «sous-produit», la présente affaire pose également une question qui dépasse le strict domaine de la directive 75/442 et se situe, comme nous le verrons, sur le terrain des principes généraux du droit de l’Union et, plus spécifiquement, sur celui de la garantie des droits fondamentaux.

2.

En effet, le problème de fond qui se pose dans l’affaire au principal porte sur la responsabilité imputable au vendeur de lisier pour l’usage inadéquat que peut éventuellement en faire l’acquéreur. À cette question s’ajoute celle de savoir jusqu’à quel point la liberté des États membres en matière de réglementation de la commercialisation de déchets les autorise à imposer des conditions qui peuvent soit être équivalentes à une interdiction de ce commerce, soit le soumettre à des conditions disproportionnées ou arbitraires. Cette problématique s’inscrit dans une situation dans laquelle le défaut de transposition de la directive 91/676/CEE ( 3 ) a empêché l’application d’une réglementation permettant de couvrir l’utilisation du lisier en tant que fertilisant.

I – Le cadre juridique

A – La réglementation de l’Union

1. La directive 75/442

3.

Dans sa version en vigueur à la date des faits de l’affaire au principal ( 4 ), l’article 1er, sous a), de la directive 75/442 disposait:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)

déchet: toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire.

[...]»

4.

Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive, étaient exclus de son champ d’application «lorsqu’ils sont déjà couverts par une autre législation»:

«[…]

iii)

les cadavres d’animaux et les déchets agricoles suivants: matières fécales et autres substances naturelles et non dangereuses utilisées dans le cadre de l’exploitation agricole;

[…]»

5.

En vertu de l’article 8 de ladite directive:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:

les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B

ou

en assure lui-même la valorisation ou l’élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»

6.

Les articles 9 et 10 de la directive 75/442 disposaient que les établissements ou les entreprises qui effectuent les opérations d’élimination ou de valorisation de déchets visées, respectivement, aux annexes II A et II B de ladite directive doivent obtenir une autorisation.

7.

L’article 15 de la directive 75/442 prévoyait ce qui suit:

«Conformément au principe du pollueur-payeur, le coût de l’élimination des déchets doit être supporté par:

le détenteur qui remet des déchets à un ramasseur ou à une entreprise visée à l’article 9

et/ou

les détenteurs antérieurs ou le producteur du produit générateur de déchets.»

2. La directive 91/676

8.

Conformément à son article 1er, la directive 91/676 vise à «réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles» et à «prévenir toute nouvelle pollution de ce type».

9.

Les deux premiers paragraphes de l’article 3 de la directive 91/676 disposent:

«1. Les eaux atteintes par la pollution et celles qui sont susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises sont définies par les États membres en fonction des critères fixés à l’annexe I.

2. Dans un délai de deux ans à compter de la notification de la présente directive, les États membres désignent comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux définies conformément au paragraphe 1 et qui contribuent à la pollution. Ils notifient cette désignation initiale à la Commission dans un délai de six mois.»

10.

En vertu de l’article 4 de cette directive:

«1. En vue d’assurer, pour toutes les eaux, un niveau général de protection contre la pollution, les États membres, dans un délai de deux ans à compter de la notification de la présente directive:

a)

établissent un ou des codes de bonne pratique agricole, qui seront mis en œuvre volontairement par les agriculteurs et qui devraient contenir au moins les éléments énumérés au point A de l’annexe II [ ( 5 )];

b)

élaborent au besoin un programme prévoyant la formation et l’information des agriculteurs en vue de promouvoir l’application du ou des codes de bonne pratique agricole.

2. Les États membres présentent à la Commission les modalités de leurs codes de bonne pratique agricole et celle-ci inclut des informations sur ces codes dans le rapport visé à l’article 11. À la lumière des informations reçues, la Commission peut, si elle l’estime nécessaire, faire des propositions appropriées au Conseil.»

11.

L’article 5 de cette directive oblige les États membres à établir des programmes d’action portant sur les zones vulnérables. Ces programmes contiennent, à titre de mesures obligatoires, les mesures arrêtées dans le(s) code(s) de bonne pratique agricole et les mesures visées à l’annexe III de ladite directive, concernant les périodes durant lesquelles l’épandage de certains types de fertilisants est interdit, la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage, les modes d’épandage des fertilisants et la quantité maximale d’effluents pouvant être épandue, en fonction de leur teneur en azote.

3. La directive 96/61/CE ( 6 )

12.

La directive 96/61 a été codifiée et abrogée par la directive 2008/1/CE ( 7 ), qui a elle-même été abrogée et remplacée par la directive 2010/75/UE ( 8 ). En vertu de son article 1er, la directive 96/61 avait pour objet «la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des activités figurant à l’annexe I. Elle prévoit les mesures visant à éviter et, lorsque cela s’avère impossible, à réduire les émissions des activités susvisées dans l’air, l’eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement considéré dans son ensemble, et cela sans préjudice de la directive 85/337/CEE et des autres dispositions communautaires en la matière».

13.

Le point 6.6 de l’annexe I à la directive 96/61 mentionnait spécifiquement les installations destinées à l’élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies.

14.

Conformément à l’article 3, sous c), de cette directive, «[l]es États membres prennent les dispositions nécessaires pour que les autorités compétentes s’assurent que l’installation sera exploitée de manière à ce que […] conformément à la directive 75/442/CEE […], la production de déchets soit évitée; à défaut, ceux-ci sont valorisés ou, lorsque cela est impossible techniquement et économiquement, ils sont éliminés en évitant ou en réduisant leur impact sur l’environnement».

15.

En vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 96/61, «[e]n tant que de besoin, l’autorisation contient des prescriptions appropriées garantissant la protection du sol et des eaux souterraines, et des mesures concernant la gestion des déchets générés par l’installation».

4. Le règlement (CE) no 1774/2002 ( 9 )

16.

L’objectif du règlement (CE) no 1774/2002 était d’assurer que les États membres mettent en place des systèmes qui garantissent que certaines catégories de sous-produits animaux ne puissent circuler que par certains canaux autorisés jusqu’au moment de leur élimination ou de leur utilisation et, en particulier, ne permettent l’entrée dans la chaîne alimentaire qu’aux sous-produits animaux ne présentant aucun risque pour la santé animale ou la santé publique. Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 1069/2009 ( 10 ).

B – La réglementation irlandaise

17.

La loi de 1992 sur la protection de l’environnement (Environmental Protection Act 1992, ci-après la «loi de 1992») a créé l’Environmental Protection Agency (Agence pour la protection de l’environnement, ci-après l’«EPA»), dont les compétences incluent «l’autorisation, la réglementation et le contrôle d’activités, aux...

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