Republik Österreich v Martin Huber.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:175
Docket NumberC-336/00
Celex Number62000CC0336
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 March 2002
EUR-Lex - 62000C0336 - FR 62000C0336

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 14 mars 2002. - Republik Österreich contre Martin Huber. - Demande de décision préjudicielle: Oberster Gerichtshof - Autriche. - Agriculture - Aides cofinancées - Remboursement - Base juridique - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Autonomie procédurale des États membres. - Affaire C-336/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-07699


Conclusions de l'avocat général

I Introduction

1. Dans la présente procédure préjudicielle, l'Oberster Gerichtshof de la république d'Autriche a déféré des questions relatives à la validité et à l'interprétation du règlement (CEE) nº 2078/92 du Conseil, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel (ci-après le «règlement nº 2078/92»), ainsi que des questions relatives au remboursement des aides accordées sur la base de ce règlement. L'ensemble des six questions portent, entre autres, sur la question de savoir si le règlement nº 2078/92 est fondé sur la base juridique appropriée. D'autre part, il convient de déterminer si un agriculteur qui a obtenu, dans le cadre d'un programme national, des aides cofinancées sur la base du règlement nº 2078/92 peut invoquer, en cas de remboursement des aides, le principe de la protection de la confiance légitime s'il n'était pas au courant des obligations à respecter.

II Cadre juridique

A Droit communautaire

2. Le règlement nº 2078/92 a été adopté sur la base de l'article 42 du traité CE (devenu article 36 CE) et de l'article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE) dans le but, entre autres, de favoriser l'utilisation de pratiques de production agricole portant une diminution des effets polluants de l'agriculture, ce qui contribue également, par une réduction de la production, à un meilleur équilibre des marchés [voir l'article 1er, sous a), du règlement]. De plus, il vise à limiter sensiblement l'utilisation des engrais ou des produits phytopharmaceutiques et à favoriser les méthodes de production moins intensives . À cet effet, il a été institué un «régime communautaire d'aides» cofinancées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «Garantie», en tant que mesure d'accompagnement dans le contexte des organisations communes des marchés [voir l'article 1er du règlement nº 2078/92].

3. L'article 2 (entre-temps abrogé ) du règlement nº 2078/92 disposait:

«1. Sous la condition des effets positifs sur l'environnement et l'espace naturel, le régime peut comprendre des aides aux exploitants agricoles qui s'engagent à:

a) diminuer sensiblement l'utilisation d'engrais et/ou des produits phytopharmaceutiques ou à maintenir des diminutions déjà entreprises ou à introduire ou maintenir des méthodes de l'agriculture biologique;

[...]»

4. L'article 3 du règlement nº 2078/92 prévoyait que les États membres mettent en oeuvre les programmes zonaux pluriannuels en vue de réaliser les objectifs visés à l'article 1er. Ces programmes devaient, entre autres, fixer les conditions d'octroi des aides ainsi que les mesures en vue d'une information adéquate des opérateurs agricoles et ruraux [voir notamment l'article 3, paragraphe 3, sous d) et f)].

5. En vertu de l'article 7, paragraphe 2, du règlement nº 2078/92, la Commission contrôlait les programmes pluriannuels présentés par les États membres en vue de déterminer leur conformité avec le règlement et décidait de leur approbation.

6. L'article 10 du règlement nº 2078/92 précisait que les États membres pouvaient prévoir des mesures d'aides supplémentaires pour autant que ces mesures soient conformes aux objectifs du présent règlement et aux articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 89 CE), 93 du taité CE et 94 du traité CE (devenus articles 88 CE et 89 CE).

7. En vertu de l'article 8 du règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au fiancement de la politique agricole commune (ci-après le «règlement nº 729/70»), les États membres étaient tenus, conformément à leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives, de prendre les mesures nécessaires pour, entre autres, récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences. Conformément au paragraphe 2 de cette disposition, à défaut de récupération totale, les conséquences financières devaient être en principe supportées par la Communauté; cela ne valait pas pour les irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres.

B Le programme autrichien d'aide pour une agriculture extensive, compatible avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel (ÖPUL)

8. Pour mettre en oeuvre le règlement nº 2078/92, le ministère fédéral autrichien de l'agriculture et de la Sylviculture a adopté la «directive dérogatoire relative au programme autrichien d'aide pour une agriculture extensive, compatible avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel (ÖPUL)» (ci-après la «directive dérogatoire ÖPUL»). La Commission a approuvé le programme par décision du 7 juin 1995. La publication de la directive dérogatoire ÖPUL n'a été assurée que par une mention dans l'«Amtsblatt zur Wiener Zeitung», dans lequel il était indiqué qu'elle pouvait être consultée auprès du ministère fédéral de l'Agriculture et de la Sylviculture .

9. La directive dérogatoire ÖPUL se compose d'une partie générale qui règle, entre autres, les conditions d'octroi communes, la liquidation de l'aide et le remboursement en cas de non-respect des conditions d'octroi (point 1.9 de la directive dérogatoire), et d'une partie consacrée aux mesures relatives aux conditions concrètes pour les différentes branches du programme. En outre, la directive comporte de nombreuses annexes, dont les annexes 3.5 et 3.6 contenant les directives pour la culture fruitière et vinicole intégrée et contrôlée.

10. Les directives telles que la directive dérogatoire ÖPUL ne sont pas, au regard du droit autrichien, des normes abstraites et générales, mais n'ont qu'une valeur de déclaration entre cocontractants, qui sont incluses lors de la conclusion du contrat.

III Faits et procédure

11. Le 21 avril 1995, l'exploitant agricole Martin Huber, défendeur dans la procédure au principal (ci-après «le défendeur») a demandé une aide sur la base de la directive dérogatoire ÖPUL, qui lui a été accordée le 12 décembre 1995 par l'Agrarmarkt Austria, au nom et pour le compte de la république d'Autriche, requérante au principal (ci-après «la requérante»), pour un montant de 79 521 ATS. La directive dérogatoire ÖPUL n'a pas été envoyée au défendeur.

12. Lorsque le défendeur a reçu de l'Agrarmarkt Austria une personne morale de droit public, instituée par le ministère fédéral de l'Agriculture et de la Sylviculture en tant qu'organisme liquidateur des aides dans le cadre de la directive dérogatoire ÖPUL une lettre concernant le remboursement des aides, il a supposé qu'il avait commis une erreur et a proposé à l'Agrarmarkt Austria de rembourser en mensualités de 5 000 ATS. Le 13 mai 1998, le Finanzprokuratur, mandaté à cette fin par l'Agrarmarkt Austria, a ordonné au défendeur de payer la somme de 90 273 ATS (intérêts compris).

13. Par la suite, la requérante, représentée par le Finanzprokuratur, a réclamé par voie judiciaire le remboursement de 79 521 ATS, augmentés des intérêts échus depuis le 12 décembre 1995. Elle fondait sa prétention sur le fait que le défendeur avait violé la directive dérogatoire en ce qu'il aurait utilisé des produits phytopharmaceutiques non autorisés, à savoir les fongicides Euparen, Orthophaldan, Delan et Folit. D'après la requérante, le défendeur aurait également reconnu le droit au remboursement.

14. Le défendeur a demandé le rejet du recours et fait valoir qu'il n'aurait pas enfreint les directives, même s'il a finalement avoué avoir utilisé ces produits, et qu'il n'aurait pas reconnu être tenu au remboursement des aides. Concrètement, on lui aurait uniquement fait savoir qu'il ne devait pas utiliser des herbicides dans les cultures fruitières et vinicoles; il n'aurait renoncé qu'à utiliser ces herbicides, mais pas les fongicides mentionnés par la requérante. Il affirme n'avoir pas pris d'autres engagements. Les directives n'auraient pas été jointes à la demande et n'auraient pas été portées à sa connaissance. Les formulations figurant dans la demande auraient été également imprécises, et ce par la faute de la requérante qui les a rédigées. Cette dernière aurait eu connaissance de l'utilisation des produits et aurait malgré tout versé l'aide. Selon le défendeur, son éventuel aveu serait imputable à une erreur provoquée par la requérante.

15. La juridiction statuant en première instance a rejeté le recours au motif que les directives de la requérante n'étaient pas opposables au défendeur et qu'il n'y avait pas d'aveu.

16. Le Berufungsgericht a accueilli le recours introduit par la requérante et a renvoyé l'affaire devant la juridiction de première instance. Il a nié l'existence d'un aveu, mais est parti de l'hypothèse que l'on ne voyait pas encore suffisamment clairement si les produits utilisés par le défendeur relevaient de la notion d'herbicide, ou quel était le contenu précis des documents mis à la disposition de ce dernier. Selon le Berufungsgericht, les directives adoptées par la requérante ne faisaient pas partie du contrat, étant donné qu'elles n'avaient pas été rendues publiques, hormis une mention dans l'Amtsblatt. De même, le renvoi aux obligations n'était pas suffisamment clair, affirme-t-il.

17. Le Berufungsgericht a autorisé le pourvoi devant l'Oberster Gerichtshof au motif qu'il n'y avait pas de jurisprudence relative à la question de la validité des directives...

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