Criminal proceedings against Ditlev Bluhme.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:294
Docket NumberC-67/97
Celex Number61997CC0067
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 June 1998
EUR-Lex - 61997C0067 - FR 61997C0067

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 16 juin 1998. - Procédure pénale contre Ditlev Bluhme. - Demande de décision préjudicielle: Kriminalretten i Frederikshavn - Danemark. - Libre circulation des marchandises - Interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent entre Etats membres - Dérogations - Protection de la santé et de la vie des animaux - Abeilles de la sous-espèce Apis mellifera mellifera (abeille brune de Læsø). - Affaire C-67/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-08033


Conclusions de l'avocat général

1 La présente affaire a trait à des restrictions à l'élevage d'abeilles autres que les abeilles brunes sur la petite et lointaine île danoise de Læsø, située à 22 km de la terre ferme. Elle soulève, notamment, des questions concernant le point de savoir si de telles restrictions relèvent du champ d'application de l'article 30 du traité CE relatif aux mesures équivalant à une restriction quantitative à l'importation et, en cas de réponse positive, si elles sont justifiées.

2 En vertu du pouvoir que lui a conféré la législation (1) danoise en matière d'adoption de mesures destinées à assurer l'élevage adéquat d'abeilles, le ministre danois de l'Agriculture et de la Pêche a, le 24 juin 1993, pris l'arrêté n_ 528 relatif à l'élevage d'abeilles sur l'île de Læsø (Bekendtgørelse om biavl på Læsø, ci-après l'«arrêté»). Cet arrêté interdit de détenir sur l'île des abeilles butineuses autres que celles de «la sous-espèce Apis mellifera mellifera (abeille brune de Læsø)» (2). Les essaims existants devaient être détruits ou éloignés de l'île avant le 15 août 1993, à moins que la reine ne soit remplacée par une reine déjà inséminée de la sous-espèce d'abeilles brunes en question (3). Toutes les pertes résultant de la destruction d'un essaim conformément à l'arrêté bénéficient d'une indemnisation intégrale de la part de l'État danois (4). Il est également interdit d'introduire sur l'île des abeilles domestiques vivantes, des substances sexuelles d'abeilles domestiques et du matériel d'apiculture usagé et non nettoyé (5). Toute infraction à l'arrêté est passible d'une amende (6).

3 M. Ditlev Bluhme (ci-après le «défendeur») a été poursuivi devant le Kriminalretten i Frederikshavn (ci-après la «juridiction nationale») pour avoir persisté à détenir sur l'île un essaim d'abeilles d'une sous-espèce autre que la sous-espèce Apis mellifera mellifera (abeille brune de Læsø) après l'entrée en vigueur de l'arrêté, sans avoir remplacé la reine par une reine déjà inséminée de cette sous-espèce. Le défendeur a fait valoir que l'arrêté constituait une mesure ayant un effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, contraire à l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après le «traité»). Il a affirmé, par ailleurs, que l'abeille brune en question n'était pas une sous-espèce de race pure qui serait particulière à l'île et dont les membres seraient menacés d'extinction, mais que, en réalité, on pouvait la retrouver dans le monde entier, de sorte que l'article 36 du traité ne saurait être invoqué pour justifier la restriction. Le ministère public a soutenu que l'article 30 n'était pas applicable étant donné que les effets de l'arrêté étaient purement internes au Danemark et qu'ils ne restreignaient en rien les importations.

4 La juridiction nationale a également examiné l'éventuelle incidence de la directive 91/174/CEE du Conseil, du 25 mars 1991, relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant la commercialisation d'animaux de race et modifiant les directives 77/504/CEE et 90/425/CEE (7). Aux termes de l'article 1er de la directive 91/174, on entend par «animal de race» «tout animal d'élevage couvert par l'annexe II du traité dont les échanges n'ont pas encore fait l'objet d'une réglementation communautaire zootechnique plus spécifique et qui est soit inscrit, soit enregistré dans un registre ou dans un livre généalogique tenu par une organisation ou une association d'éleveurs reconnue». Selon l'article 2 de la directive, les États membres sont tenus de veiller à ce que «la commercialisation d'animaux de race et de leurs spermes, ovules ou embryons ne soit pas interdite, restreinte ou entravée pour des raisons zootechniques ou généalogiques» et que les critères régissant des domaines tels que l'agrément des organisations d'éleveurs, l'enregistrement dans les livres généalogiques ainsi que l'admission à la reproduction d'animaux de race et à l'utilisation de leurs spermes, ovules ou embryons soient établis de manière non discriminatoire. Cependant, «[d]ans l'attente de la mise en oeuvre des éventuelles modalités d'application prévues à l'article 6 [de la directive], les législations nationales restent applicables dans le respect des dispositions générales du traité».

5 La juridiction nationale a décidé de saisir la Cour conformément à l'article 177 du traité afin qu'elle statue à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

«I - En ce qui concerne l'interprétation de l'article 30 du traité CE:

1) L'article 30 peut-il être interprété en ce sens qu'un État membre est en droit, sous certaines conditions, d'instaurer des règles interdisant de détenir, et donc d'importer, une quelconque espèce d'abeilles autre que des abeilles de l'espèce Apis mellifera mellifera (abeille brune de Læsø) dans une certaine île du pays en question, en l'occurrence et à titre d'exemple, une île de 114 km2, dont une moitié se compose de villages, petits ports de mer, et est exploitée à des fins touristiques ou agricoles, alors que l'autre moitié se compose d'étendues non cultivées, à savoir de plantations, landes de bruyères, prairies, prés salés, de grèves et dunes proprement dites, et qui comptait au 1er janvier 1997 une population de 2 365 personnes, étant entendu que les possibilités d'exercer une activité professionnelle y sont généralement limitées et que l'apiculture constitue l'une des rares possibilités d'exercice d'une activité professionnelle en raison de la flore particulière de l'île et de la forte proportion d'étendues non cultivées et exploitées de manière extensive?

2) Si un État membre peut instaurer de telles règles, la Cour est invitée à décrire de façon générale les conditions à cet égard. Concrètement:

a) Un État membre peut-il instaurer des règles telles que celles décrites dans le cas de figure sous 1), en tant que ces règles s'appliquent uniquement à une île du genre de celle décrite, et donc sont assorties d'un effet limité du point de vue géographique?

b) Un État membre peut-il instaurer des règles telles que celles décrites dans le cas de figure sous 1) si les règles sont justifiées par le souhait de protéger la race d'abeilles Apis mellifera mellifera, ce qui, de l'avis de l'État membre, peut se faire en excluant toutes les autres races d'abeilles du territoire de l'île?

Dans l'instance qui sous-tend la demande de décision à titre préjudiciel, le défendeur au principal a contesté:

i) l'existence, en tout état de cause, de la race d'abeilles Apis mellifera mellifera, les abeilles que l'on trouve actuellement à Læsø étant un croisement de plusieurs races d'abeilles,

ii) le fait que les abeilles brunes que l'on trouve à Læsø soient uniques en leur genre, alors qu'on en trouve en de nombreux endroits au monde,

iii) la prétendue menace de disparition qui pèserait sur les abeilles dont s'agit.

Dans le cadre de la réponse à la présente question, il est donc demandé à la Cour de dire s'il suffit que l'État membre estime opportun ou nécessaire d'instaurer les règles dont s'agit en tant que mesures de préservation de la population d'abeilles considérée ou faut-il en outre considérer comme autres conditions l'existence même de la race d'abeilles et/ou le caractère unique de celle-ci et/ou l'existence d'une menace de disparition si l'interdiction d'importation n'est pas valide ou ne peut pas être appliquée.

c) Si les motifs décrits sous a) ou b) ne peuvent, chacun séparément, légitimer l'instauration de telles règles, une combinaison des motifs sus-indiqués, sous a) ou b), pourrait-elle avoir un tel effet?

II - En ce qui concerne la directive 91/174/CEE du Conseil, du 25 mars 1991, relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant la commercialisation d'animaux de race et modifiant les directives 77/504/CEE et 90/425/CEE:

1) Dans quels cas une abeille est-elle considérée comme un animal de race au sens de l'article 2 de la directive? Une abeille jaune est-elle, par exemple, un animal de race?

2) Qu'est-ce qu'une raison zootechnique (article 2)?

3) Qu'est-ce qu'une raison généalogique (article 2)?

4) La directive doit-elle être entendue en ce sens que, nonobstant la directive, un État membre peut interdire l'importation et l'existence de toutes les races autres que la race Apis mellifera mellifera dans une île telle que celle décrite sous I, question 1)?

Au cas où un État membre est en droit de le faire sous certaines conditions, il est demandé à la Cour de décrire ces conditions.»

Observations des parties

6 Des observations écrites et orales ont été soumises par le défendeur, le royaume de Danemark, la République italienne et par la Commission des Communautés européennes. Le royaume de Norvège a soumis des observations écrites.

7 Le défendeur affirme qu'il convient de présumer que le commerce intracommunautaire d'abeilles existe, étant donné qu'il est expressément réglementé à l'article 8 de la directive 92/65/CEE du Conseil, du 13 juillet 1992 (8). De plus, l'article 3 de cette directive prévoit que les échanges ne doivent pas être restreints pour des raisons de police sanitaire autres que celles figurant dans ladite directive ou dans un autre texte communautaire. Le défendeur soutient également que même les restrictions à la commercialisation de marchandises, qui ne sont applicables...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT