European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:743
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-171/08
Date02 December 2009
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CC0171

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 2 décembre 2009 (1)

Affaire C‑171/08

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise

«Manquement d’État – Articles 56 CE et 43 CE – Libre circulation des capitaux – Restrictions à la prise de participations et intervention dans la gestion d’une société privatisée – Actions spécifiques («golden shares») de l’État portugais dans la société Portugal Telecom SGPS SA – Mesure étatique – Imputabilité à l’État membre»





I – Introduction

1. Par le présent recours, introduit le 21 avril 2008, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant dans Portugal Telecom SGPS SA (ci-après «Portugal Telecom») des droits spéciaux de l’État et d’autres entités publiques, attribués en liaison avec des actions privilégiées («golden shares») de l’État dans Portugal Telecom, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 CE et 43 CE.

II – Le cadre juridique

2. L’article 15, paragraphe 3, de la loi‑cadre sur les privatisations (Lei Quadro das Privatizaçoes) (2) prévoit la possibilité de créer des actions privilégiées dans les termes suivants:

«L’instrument législatif visé à l’article 4, paragraphe 1 (approuvant les statuts de l’entreprise à privatiser ou à transformer en société anonyme) peut en outre prévoir à titre exceptionnel, lorsque des raisons d’intérêt national l’exigent, l’existence d’actions privilégiées destinées à rester propriété de l’État et qui, indépendamment de leur nombre, lui donnent un droit de veto sur les modifications statuaires et d’autres décisions portant sur un domaine déterminé, dûment délimité dans les statuts.»

3. L’article 20, paragraphe 1, du décret-loi n° 44/95, du 22 février 1995, relatif à la première phase de privatisation, dispose:

«Dans le cas où le contrat de société de Portugal Telecom prévoirait l’existence d’actions assorties de droits spéciaux, autres que des actions à dividende prioritaire, ces actions devront obligatoirement être majoritairement détenues par l’État ou d’autres actionnaires publics.»

4. Les statuts de Portugal Telecom, qui est une société holding de gestion de participations, précisent, à son article 4, paragraphe 2, que le capital social est composé de 1 025 800 000 actions ordinaires et de 500 actions de catégorie A.

5. Selon l’article 5 des statuts de Portugal Telecom, les actions de catégorie A doivent être majoritairement détenues par l’État ou d’autres actionnaires publics et sont assorties de certains privilèges, sous forme de droits spéciaux.

6. Les statuts de Portugal Telecom énumèrent ces droits spéciaux de la manière suivante:

– un tiers au moins du nombre total d’administrateurs, y inclus le président du conseil d’administration, doit être élu avec une majorité des votes conférés aux actions relevant de la catégorie A, c’est-à-dire avec les votes de l’État et des autres actionnaires publics;

– parmi les 5 ou 7 membres de la commission exécutive choisie au sein du conseil d’administration, 1 ou 2 de ces membres respectivement doivent être élus avec la majorité des votes conférés aux actions relevant de la catégorie A;

– la nomination d’au moins un des administrateurs élus pour s’occuper spécialement de certaines questions d’administration doit obtenir la majorité des votes conférés aux actions relevant de la catégorie A;

– aucune décision de l’assemblée générale portant sur les matières énumérées ci-après ne peut être approuvée contre la majorité des votes correspondant aux actions de la catégorie A:

– l’affectation des résultats de l’exercice,

– la modification des statuts et les augmentations de capital,

– la limitation ou la suppression du droit préférentiel,

– la fixation des conditions des augmentations de capital,

– l’émission d’obligations ou autres titres mobiliers et la fixation de la valeur de celles que peut autoriser le conseil d’administration, ainsi que la limitation ou la suppression du droit préférentiel lors de l’émission d’obligations convertibles en actions et la fixation par le conseil d’administration des conditions des émissions d’obligations de ce type,

– le déplacement de siège en tout autre lieu du territoire national,

– l’approbation de l’acquisition d’un nombre d’actions ordinaires dépassant 10 % du capital social par des actionnaires exerçant une activité concurrente aux activités exercées par des sociétés contrôlées par Portugal Telecom, et

– par ailleurs, la majorité des votes correspondant auxdites actions sera nécessaire même en ce qui concerne les décisions portant sur l’approbation des objectifs généraux et des principes fondamentaux des politiques de Portugal Telecom ainsi que la définition des principes généraux de la politique en matière de prises de participations dans des sociétés ou groupes, d’acquisitions et de cessions, dans le cas où l’autorisation préalable de l’assemblée générale est requise.

III – Les antécédents du litige

7. Portugal Telecom, qui a été créée en 1994, représente l’aboutissement d’un vaste processus de restructuration du secteur des télécommunications portugais. Ce processus a été entamé en 1992, avec la transformation en société anonyme de l’entreprise publique Correios e Telecommunicaçoes de Portugal et s’est poursuivi par le détachement de celle-ci des activités de télécommunications et leur regroupement dans une société autonome, Telecom Portugal SA. Par la suite, en 1994, plusieurs entreprises à capital entièrement public, à savoir Telecom Portugal SA, Telefones de Lisboa e Porto SA et Teledifusora de Portugal SA, ont été fusionnées pour constituer Portugal Telecom.

8. À partir de 1995, Portugal Telecom a été privatisée en cinq phases successives, dans le cadre du régime établi par la loi-cadre sur les privatisations.

9. Dans la première phase, prévue par le décret-loi n° 44/95, environ 27 % du capital social a été cédé.

10. Durant la deuxième phase, qui s’est déroulée entre le mois d’avril 1996 et le mois d’août 1997, environ 22 % du capital social a été cédé, réduisant ainsi la participation de l’État à 51 % du capital.

11. Dans le cadre de la troisième phase, qui a débuté au mois d’août 1997 et s’est achevée au mois d’avril 1999, une participation supplémentaire de 26 % du capital social a été vendue.

12. Il résulte des pièces du dossier que la République portugaise a conservé la détention de la majorité des actions ordinaires de Portugal Telecom jusqu’à la fin de l’année 1997.

13. À la fin de la quatrième phase, la République portugaise a réduit sa participation dans le capital social de Portugal Telecom d’une tranche supplémentaire de 13,5 % des parts sociales.

14. Enfin, à la conclusion de la cinquième phase de privatisation, la dernière tranche de la participation publique dans Portugal Telecom a été vendue, à l’exception de 500 actions assorties des droits spéciaux (actions de catégorie A) qui ont été conservées par l’État.

IV – La procédure précontentieuse

15. Le 19 décembre 2005, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République portugaise par laquelle elle lui reprochait d’avoir méconnu les obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 CE et 43 CE, au motif de la détention par l’État et d’autres actionnaires publics d’actions privilégiées assorties de droits spéciaux dans le capital social de Portugal Telecom.

16. La Commission reprochait à la République portugaise la détention par celle-ci des actions privilégiées de Portugal Telecom («golden shares») ainsi que l’institution d’un droit de veto de l’État pour toute prise de participation dépassant 10 % du capital social de Portugal Telecom par des actionnaires exerçant une activité concurrente de celle de cette société.

17. N’ayant pas été satisfaite de la réponse donnée par la République portugaise dans sa lettre du 21 février 2006, la Commission lui a adressé un avis motivé en date du 10 avril 2006.

18. La République portugaise a répondu à l’avis motivé par lettre du 24 juillet 2006, en contestant le manquement reproché.

19. La Commission, ayant estimé que la République portugaise n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé, a dès lors décidé d’introduire le présent recours en date du 21 avril 2008.

V – Les conclusions des parties

20. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que la République portugaise, en maintenant dans Portugal Telecom des droits spéciaux de l’État et d’autres entités publiques, attribués en liaison avec des actions privilégiées («golden shares») de l’État dans Portugal Telecom, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 CE et 43 CE, et

– condamner la République portugaise aux dépens de l’instance.

21. La République portugaise conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– rejeter le recours, et


– condamner la Commission aux dépens.


VI – Sur le manquement

A – Sur la recevabilité du recours

1. Argumentation des parties

22. Dans son mémoire en défense, la République portugaise fait valoir que le recours serait irrecevable pour deux motifs. Premièrement, elle estime que la Commission, n’ayant versé au dossier ni les textes normatifs ni les statuts de Portugal Telecom contenant les dispositions qui concrétiseraient le manquement reproché, n’aurait pas observé les règles relatives à la charge de la preuve et, de ce fait, ne serait pas parvenue à prouver le manquement qu’elle allègue. Deuxièmement, la République portugaise soutient que, dans sa requête, la Commission aurait étendu l’objet du litige, tel que défini dans la phase précontentieuse de la procédure, en ce que cette institution alléguerait désormais l’existence d’autres pouvoirs spéciaux de l’État, à savoir celui de nommer un ou deux membres de la commission exécutive éventuellement choisie au sein du conseil d’administration ainsi que la détention d’un droit de veto relatif à certaines...

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