European Commission v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:286
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 May 2010
Docket NumberC-582/08
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CC0582

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO Jääskinen

présentées le 20 mai 2010 (1)

Affaire C‑582/08

Commission européenne

contre

Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

«Manquement d’État – Directive 2006/112/CE – Articles 169 à 171 – Treizième directive 86/560/CEE – Article 2 – Remboursement – Assujetti non établi – Opérations d’assurance – Opérations financières»





1. La présente affaire en manquement est relative au droit pour les prestataires de services financiers et d’assurance de pays tiers, établis en dehors de l’Union européenne, dont les preneurs sont également établis en dehors de l’Union, de déduire ou récupérer la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») en amont ayant grevé des biens ou services acquis dans l’Union.

2. La Commission européenne demande à la Cour de constater que, en refusant la récupération de la taxe en amont pour certaines opérations, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 169 à 171 de la directive 2006/112/CE (2) et de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive 86/560/CEE (3).

3. En application des articles 169 et 170 de la directive TVA, tout assujetti a le droit de déduire ou d’obtenir le remboursement de la TVA en amont dans les trois cas énumérés audit article 169 (4). L’article 169, sous c), de la directive TVA (5) concerne les opérations financières et les opérations d’assurance dont le preneur est établi en dehors de l’Union.

4. Toutefois, s’agissant d’opérateurs de pays tiers, la réglementation d’application, très précise, sur les remboursements (6), objet de la treizième directive TVA, ne prévoit pas le remboursement pour les opérations financières ou les opérations d’assurance. Son article 2, paragraphe 1, dispose que chaque État membre rembourse la TVA ayant grevé les biens ou les services utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 169, sous a) et b), de la directive TVA (7), mais ne mentionne pas expressément les opérations financières et les opérations d’assurance visées en ce même article, sous c).

5. La Commission est d’avis que l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive TVA doit être lu comme incluant les opérations financières et les opérations d’assurance, cette obligation étant inhérente à l’économie du système de la TVA.

6. De son côté, le Royaume-Uni conclut que sa loi est conforme à la lettre de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive TVA et qu’il n’y a donc pas violation du droit de l’Union.

7. La Cour va donc devoir procéder à un choix délicat entre une interprétation littérale ou téléologique de cette disposition, cette dernière pouvant être susceptible de mieux s’intégrer dans l’économie générale du système de TVA.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La sixième directive TVA et la directive TVA

8. L’origine et la portée du droit à déduction remontent à l’article 17 de la sixième directive TVA (8). La directive TVA, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (9), procède à la refonte de la sixième directive TVA, sans provoquer, en principe, des changements de fond dans la législation existante (10). Les dispositions de l’article 17 de la sixième directive TVA figurent aujourd’hui aux articles 168 à 171 de la directive TVA (11).

9. Selon les dispositions des articles 169 et 170 de la directive TVA (12), l’assujetti a le droit «de déduire» ou «d’obtenir le remboursement» de la taxe ayant grevé les biens et les services utilisés pour les besoins des opérations suivantes (13), notamment citées audit article 169:

«[…]

a) ses opérations relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa (14), effectuées en dehors de l’État membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet État membre;

b) […] [(15)];

c) ses opérations exonérées conformément à l’article 135, paragraphe 1, points a) à f) (16), lorsque le preneur est établi en dehors de [l’Union] ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés en dehors de [l’Union].»

10. L’article 171 de la directive TVA (17) dispose que le «remboursement de la TVA […] est effectué selon les modalités» prévues par la huitième directive TVA (pour les assujettis établis dans l’Union) et par la treizième directive TVA (pour les assujettis établis en dehors de l’Union).

2. La huitième directive TVA

11. L’article 2 de la huitième directive TVA dispose:

«Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci‑après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, sous a) et b), de la [sixième directive TVA] ou des prestations de services visées à l’article 1er, sous b).»

3. La treizième directive TVA

12. L’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive TVA est rédigé en des termes similaires. Il dispose:

«Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci‑après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, points a) et b), de la [sixième directive TVA] ou des prestations de services visées à l’article 1er, point 1, sous b), de la présente directive.»

13. La rédaction de la treizième directive TVA renvoie toujours aux dispositions de la sixième directive TVA, c’est‑à‑dire à son article 17, paragraphe 3, sous a) et b), bien que la directive TVA soit entrée en vigueur depuis.

B – Le droit national

14. Il résulte des articles 26 et 39 de la loi de 1994 relative à la TVA (Value Added Tax Act 1994), de l’article 3 de l’arrêté de 1999 sur la TVA en amont sur des livraisons et prestations déterminées [Value Added Tax (Input Tax) (Specified Supplies) Order 1999] et de l’article 190 du règlement de 1995 sur la TVA (Value Added Tax Regulations 1995) dans sa version issue du règlement modificatif n° 4 de 2004 [Value Added Tax (Amendment) (No. 4) Regulations of 2004], que les opérateurs non établis dans l’Union ne sont pas habilités à récupérer la taxe en amont ayant grevé les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA.

II – La procédure précontentieuse

15. Le Royaume-Uni a modifié sa législation en 2004, à la suite d’un arrêt de la Court of Appeal (England and Wales) [cour d’appel (Angleterre et Pays de Galles)] ayant jugé que, dès lors que les opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive TVA n’étaient pas mentionnées à l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive TVA, elles n’ouvraient pas de droit à déduction de la taxe acquittée en amont (18).

16. Suite à cette modification, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni, s’interrogeant sur la compatibilité de la nouvelle loi britannique avec le droit de l’Union. Insatisfaite des réponses du Royaume-Uni à la lettre de mise en demeure, puis à l’avis motivé, la Commission a saisi la Cour en application de l’article 226 CE (19).

III – Analyse

A – Sur la portée ratione temporis du recours

17. Le Royaume-Uni conclut que le recours en manquement introduit par la Commission vise la période postérieure au 1er janvier 2007, date d’entrée en vigueur de la directive TVA, dans la mesure où l’avis motivé ne cite que les articles 169 à 171 de la directive TVA et non l’article 17, paragraphes 3 et 4, de la sixième directive TVA. L’article 17, paragraphes 3 et 4, de cette dernière n’est mentionné que dans la lettre de mise en demeure, adressée au Royaume-Uni avant l’entrée en vigueur de la directive TVA.

18. De son côté, la Commission fait valoir que cela n’a aucune incidence sur la présente procédure dans la mesure où la manière dont sont rédigées ces dispositions de ces deux directives n’est guère dissemblable.

19. Selon une jurisprudence constante de la Cour, le recours en manquement ne peut être fondé que sur des motifs et moyens déjà énoncés dans l’avis motivé (20).

20. Toutefois, à mes yeux, ce principe ne vaut pas pour des cas tel celui qui vous est soumis. Il vise à garantir le respect du droit à la défense des États membres et à assurer qu’ils aient connaissance des griefs exprimés à leur encontre (21).

21. En l’espèce, ces droits ne sont pas menacés. Les moyens et arguments développés dans la lettre de mise en demeure sont les mêmes que ceux développés dans l’avis motivé. À mes yeux, la tentative du Royaume-Uni de circonscrire la portée du recours ne saurait aboutir, dès lors que l’objet de la directive TVA est de refondre la sixième directive TVA sans provoquer des changements de fond dans la législation existante (22). En outre, les articles cités dans la lettre de mise en demeure de la Commission sont expressément équivalents à ceux cités dans l’avis motivé (23). Si le Conseil de l’Union européenne avait entendu modifier le cadre juridique antérieur à la directive TVA, il aurait précisé que les articles 169 à 171 de cette dernière effectuaient des amendements (24). Il ne l’a pas fait.

22. Par conséquent, la portée ratione temporis du recours ne doit pas être limitée suivant les conclusions du Royaume-Uni.

B – Les États membres ont-ils une obligation de remboursement envers les prestataires d’opérations financières...

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