Joseph Griesmar v Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie and Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:117
Docket NumberC-366/99
Celex Number61999CC0366
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 February 2001
EUR-Lex - 61999C0366 - FR 61999C0366

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 22 février 2001. - Joseph Griesmar contre Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - France. - Politique sociale - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ou de la directive 79/7/CEE Régime français des pensions civiles et militaires de retraite - Bonification pour enfants réservée aux fonctionnaires féminins - Admissibilité eu égard à l'article 6, paragraphe 3, de l'accord sur la politique sociale ou aux dispositions de la directive 79/7/CEE. - Affaire C-366/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-09383


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. La présente procédure préjudicielle a été introduite devant la Cour par le Conseil d'État (France). Elle soulève des questions sur la compatibilité avec le droit communautaire d'un régime national octroyant aux femmes le bénéfice d'une annuité pour chacun de leurs enfants. Le demandeur au principal (ci-après le «demandeur») est père de trois enfants et réclame donc la prise en compte de trois annuités en vertu de la disposition en cause, qu'il juge contraire au principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes dans la mesure où la bonification est réservée aux femmes.

2. La question se pose également de savoir si les dispositions communautaires dont il convient de faire application sont celles qui étaient applicables en 1991, à la date à laquelle les droits à pension ont été exercés, ou celles qui l'étaient en 1999, à la date de la demande préjudicielle.

II - Faits et procédure

3. Le demandeur est un «magistrat» français qui, en tant que conseiller à la cour d'appel de Paris, a été détaché au ministère des Affaires étrangères pour exercer ensuite ses fonctions au service juridique de la Commission des Communautés européennes. Il a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 15 février 1991. Sa pension a été liquidée par une décision (arrêté) du 1er juillet 1991, portée à sa connaissance par une notification du 11 mai 1992. Elle a été calculée sur la seule base de ses années de services effectifs. Le demandeur conteste ce mode de calcul et réclame la prise en compte de trois annuités supplémentaires sur la base de l'article L. 12, sous b), du code des pensions civiles et militaires de retraite , qui accorde aux fonctionnaires de sexe féminin une bonification pour chacun de leurs enfants.

4. Il estime que, par application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, notamment dans le domaine des rémunérations, il a lui aussi vocation, en tant que père de trois enfants, à bénéficier de cette bonification. Comme cet avantage lui a été refusé, il a saisi le Conseil d'État - compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur les litiges intéressant les fonctionnaires nommés par décret, dont font partie les magistrats - d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté ayant liquidé sa pension sans tenir compte de la bonification d'annuités.

5. Par décision du 28 juillet 1999, la juridiction de renvoi a sursis à statuer et saisi la Cour à titre préjudiciel des questions suivantes:

«1) Les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires sont-elles au nombre des rémunérations visées à l'article 119 du traité de Rome (devenu, après modification, article 141 du traité instituant la Communauté européenne)?

Dans l'affirmative, eu égard aux stipulations du paragraphe 3 de l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, le principe de l'égalité des rémunérations est-il méconnu par les dispositions de l'article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite?

2) Dans l'hypothèse où l'article 119 du traité de Rome ne serait pas applicable, les dispositions de la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 font-elles obstacle à ce que la France maintienne des dispositions telles que celles de l'article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite?»

6. Le demandeur, le gouvernement français, le gouvernement belge et la Commission ont pris part à la procédure devant la Cour.

III - Le droit applicable

a) Les dispositions communautaires pertinentes

7. L'article 119 du traité CE avait (en 1991, à la date où le demandeur a fait valoir ses droits à pension) le libellé suivant:

«Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.

Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure,

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.»

8. Après modification et renumérotation par le traité d'Amsterdam de 1997, c'est-à-dire avant la date de l'ordonnance de renvoi de 1999, cette disposition est devenue l'article 141 CE. Celui-ci dispose:

«1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

3. [...]

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.»

9. Le contenu du paragraphe 4 cité au point précédent procède de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord de 1993 cité au point suivant.

10. L'article 6 de l'accord du 1er novembre 1993 annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, et mentionné dans la première question préjudicielle, présente dans ses deux premiers paragraphes un libellé identique à celui de l'ex-article 119 du traité CE. Le paragraphe 3, qui vient compléter cet article, dispose que:

«3. Le présent article ne peut empêcher un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par les femmes ou à prévenir ou compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle.»

11. Quant à la directive 79/7/CEE évoquée dans la deuxième question préjudicielle, il s'agit d'une directive du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale .

L'article 3 dispose que:

«1. La présente directive s'applique:

a) aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants:

- maladie,

- invalidité,

- vieillesse,

- accident du travail et maladie professionnelle,

- chômage;

b) aux dispositions concernant l'aide sociale, dans la mesure où elles sont destinées à compléter les régimes visés sous a) ou à y suppléer.

2. La présente directive ne s'applique pas aux dispositions concernant les prestations de survivants ni à celles concernant les prestations familiales, sauf s'il s'agit de prestations familiales accordées au titre de majorations des prestations dues en raison des risques visés au paragraphe 1 sous a).

3. En vue d'assurer la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement dans les régimes professionnels, le Conseil arrêtera, sur proposition de la Commission, des dispositions qui en préciseront le contenu, la portée et les modalités d'application.»

12. L'article 4 de la directive dispose que:

«1. Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

- le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,

- l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

- le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

2. Le principe de l'égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité.»

13. L'article 7, paragraphe 1, sous b), est libellé comme suit:

«1. La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application:

a) [...]

b) les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants; l'acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants;

c) à e) [...]

2. [...]»

b) Les dispositions...

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