Antonio Muñoz y Cia SA and Superior Fruiticola SA v Frumar Ltd and Redbridge Produce Marketing Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:697
Docket NumberC-253/00
Celex Number62000CC0253
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 December 2001
EUR-Lex - 62000C0253 - FR 62000C0253

Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 13 décembre 2001. - Antonio Muñoz y Cia SA et Superior Fruiticola SA contre Frumar Ltd et Redbridge Produce Marketing Ltd. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni. - Agriculture - Règlement (CE) nº 2200/96 - Normes de qualité applicables à des variétés de raisins de table - Obligations juridiques des opérateurs commercialisant des raisins de table à l'intérieur de la Communauté - Possibilité pour un opérateur de demander le respect de ces obligations dans le cadre d'une action civile. - Affaire C-253/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-07289


Conclusions de l'avocat général

I Introduction

1. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) a posé dans la présente procédure une question sur l'interprétation d'une disposition du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes .

2. La question préjudicielle posée à la Cour va au-delà de la problématique spécifique de l'organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes et revêt un caractère de principe en droit. Il s'agit pour l'essentiel de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelles circonstances un particulier peut obtenir dans le cadre d'une procédure civile qu'un autre particulier respecte le droit communautaire, et ce alors que, d'après un organisme de contrôle de droit public, il n'existe aucune raison de mettre fin à la violation du droit communautaire. La présente affaire concerne plus particulièrement la violation d'une disposition d'un règlement communautaire.

3. La question posée concerne pour l'essentiel les répercussions du droit communautaire en droit national dans des matières qui, dans une large mesure, relèvent toujours de l'ordre juridique national, comme le respect de règlements et l'accès au juge. Étant donné que l'interprétation du droit communautaire lui est réservée, la Cour doit préciser les exigences que le droit communautaire fixe au droit national. Cela signifie, entre autres, qu'elle doit répondre à la question de savoir dans quelle mesure les règles de procédure nationales doivent ouvrir une voie de recours à certains particuliers qui y ont intérêt lorsque leur situation est affectée par la violation du droit communautaire de la part d'un autre particulier.

II Le cadre juridique

Droit communautaire

4. Quelques règlements adoptés en vertu des articles 36 CE et 37 CE occupent une position centrale dans le présent litige. Ces règlements instituent une organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, en particulier dans le secteur des fruits et légumes. Le Conseil a arrêté un règlement de base, tandis que la Commission a adopté des règlements comportant des normes de qualité détaillées pour des variétés de fruits et de légumes spécifiques, en vertu des compétences qui lui ont été confiées par le règlement du Conseil. Ces normes de qualité précisent les particularités de diverses dispositions relatives au marquage, notamment au nom de la variété.

5. En vertu de l'article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement (CEE) n° 1035/72 du Conseil, du 18 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes , des normes communautaires, qualifiées ci-dessous de «normes de qualité», devaient être appliquées à des produits spécifiques, dont les raisins de table, destinés à être livrés à l'état frais au consommateur.

6. Ce règlement a été remplacé à compter du 1er janvier 1997 par le règlement n° 2200/96. La base juridique des normes applicables aux raisins de table arrêtées par le règlement (CEE) n° 1730/87 de la Commission, du 22 juin 1987, fixant des normes de qualité pour les raisins de table (JO L 163, p. 25), n'a pas disparu.

7. D'après le troisième considérant du règlement n° 2200/96, le législateur communautaire veut, par l'institution d'un système de normes de qualité, créer, «d'une part, un cadre de référence contribuant à la loyauté des échanges et à la transparence des marchés et [élimine(r)], d'autre part, de ces marchés les produits dont la qualité n'est pas satisfaisante». Le respect des normes participe ainsi à l'amélioration de la rentabilité de la production elle-même .

8. Les normes de qualité applicables aux raisins de table ont été fixées par le règlement n° 1730/87 . Ces normes définissent les qualités que doit présenter le raisin de table après conditionnement et emballage. Des dispositions concernent la qualité générale, la grosseur, les tolérances admises, l'emballage et le marquage. Plus précisément, la partie VI de l'annexe, sous b), indique que chaque colis doit porter le nom de la variété, en caractères lisibles, indélébiles et visibles de l'extérieur. L'annexe comprend aussi une liste de variétés. Le règlement (CEE) n° 93/91 de la Commission, du 15 janvier 1991, modifiant le règlement n° 1730/87 en ce qui concerne les listes des variétés , a ajouté le nom de la variété «Superior Seedless» à la liste.

9. Certaines autres modifications qui nous intéressent en l'occurrence ont été par la suite apportées au règlement n° 1730/87. Le règlement (CEE) n° 291/92 de la Commission, du 6 février 1992, modifiant le règlement n° 1730/87 , a modifié la liste des variétés en ce sens qu'elle doit désormais être considérée comme étant «non limitative». L'objectif de cette modification est libellé comme suit au premier considérant du règlement: «qu'il doit apparaître de façon claire que ces normes sont applicables à toutes les variétés de raisins de table destinées à la consommation à l'état frais dans la Communauté». Le doute qui existait auparavant lorsque la liste était encore limitative quant à la question de savoir si les raisins ne figurant pas dans cette liste étaient purement et simplement exclus du champ d'application des dispositions relatives aux normes de qualité a ainsi été levé. Le règlement (CE) n° 888/97 de la Commission, du 16 mai 1997, modifiant certaines dispositions des normes fixées pour les fruits et légumes frais , a amendé certaines dispositions applicables aux fruits et aux légumes frais, à savoir la disposition relative à l'identification du conditionneur et/ou de l'expéditeur, ainsi que celle relative à l'origine du produit.

10. Les articles 5 et 6 du règlement n° 2200/96 sont libellés comme suit:

«Article 5

1. Les mentions prévues par les normes en matière de marquage doivent être indiquées en caractères lisibles et visibles sur l'un des côtés de l'emballage, soit par impression directe indélébile, soit au moyen d'une étiquette intégrée ou solidement fixée au colis.

[...]

Article 6

Au stade de la vente au détail, lorsque les produits sont offerts en emballage, les mentions prévues en matière de marquage doivent être présentées de façon lisible et apparente.

[...]

Les produits peuvent ne pas être présentés en emballage à condition que le détaillant appose sur la marchandise mise en vente une pancarte portant en caractères très apparents et lisibles les indications prévues par les normes et relatives à:

la variété,

l'origine du produit,

la catégorie.»

11. Le système des normes de qualité est applicable à toutes les phases de commercialisation du produit et le détenteur du produit est responsable du respect de ces normes. L'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2200/96 est la disposition légale dont Antonio Muñoz y Cia SA, et Superior Fruiticola SA (ci-après «Muñoz») demande l'application dans la présente affaire:

«Le détenteur des produits pour lesquels des normes sont adoptées ne peut exposer ces produits en vue de la vente, les mettre en vente, les vendre, les livrer ou les commercialiser de toute autre manière à l'intérieur de la Communauté que s'ils sont conformes à ces normes. Il est responsable du respect de cette conformité.

[...]» .

Droit national

12. Au Royaume-Uni, le Horticultural Marketing Inspectorate , qui dépend du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, est l'organisme compétent pour effectuer les contrôles prévus par l'article 8 du règlement n° 1035/72 ou l'article 7 du règlement n° 2200/96. Le Horticultural and Agricultural Act 1964 (dans sa version modifiée) prévoit des sanctions pénales lorsque des produits sont mis en vente sans respecter les normes de qualité communautaires.

III Éléments de faits et procédure

En fait

13. Les parties demanderesses, établies en Espagne, Muñoz, produisent et commercialisent des raisins en Espagne en grandes quantités. Elles écoulent leur récolte depuis 1987 au Royaume-Uni notamment.

14. Les parties défenderesses au principal sont Frumar Ltd, filiale de Redbridge Produce Marketing Ltd, et cette dernière (ci-après «Frumar»). Frumar importe des fruits et légumes au Royaume-Uni et les distribue notamment à des grands détaillants comme Tesco, Asda et Sainsbury.

15. Le litige en cause concerne des raisins et, en particulier, des raisins de table désignés par le nom de variété «Superior Seedless». Cette variété est l'une des variétés les plus chères de raisin blanc sans pépins qui sont vendues au Royaume-Uni. Sa valeur est encore accrue du fait qu'elle est déjà disponible à une date précoce dans la saison; les raisins arrivent sur le marché alors qu'il n'est pas encore possible d'acheter d'autres raisins de première qualité sans pépins. Muñoz cultive et vend cette variété.

16. Frumar commercialise des raisins blancs primeurs sans pépins sur le marché britannique sous les noms «White Seedless» et «Sult». Elle se procure ces raisins auprès d'une entreprise espagnole autre que Muñoz . À la suite d'expertises réalisées pour le compte de Muñoz, il s'est avéré qu'il s'agissait en fait de raisins relevant de la variété «Superior Seedless». Frumar a admis les résultats de cette expertise, uniquement d'ailleurs dans la perspective du présent litige.

17. Muñoz s'est plainte à plusieurs...

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