Götz Leffler v Berlin Chemie AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:665
Docket NumberC-443/03
Celex Number62003CJ0443
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 November 2005

Affaire C-443/03

Götz Leffler

contre

Berlin Chemie AG

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Hoge Raad der Nederlanden)

«Coopération judiciaire en matière civile — Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires — Absence de traduction de l'acte — Conséquences»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 28 juin 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 8 novembre 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Coopération judiciaire en matière civile et commerciale — Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires — Règlement nº 1348/2000 — Absence de prévision dans le règlement des conséquences de certains faits — Application du droit national — Conditions — Respect des principes d'équivalence et d'effectivité — Portée

(Règlement du Conseil nº 1348/2000)

2. Libre circulation des personnes — Coopération judiciaire en matière civile et commerciale — Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires — Règlement nº 1348/2000 — Notification d'un acte établi dans une langue autre que la langue officielle de l'État membre requis ou dans une langue de l'État membre d'origine comprise du destinataire — Possibilité de remédier à cette situation par l'envoi d'une traduction — Modalités — Application du droit national — Conditions

(Règlement du Conseil nº 1348/2000, art. 8)

1. En l'absence de dispositions communautaires, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire. Toutefois, ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des droits qui trouveraient leur origine dans l'ordre juridique interne (principe de l'équivalence) et elles ne peuvent rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité). En outre, le principe d'effectivité doit conduire le juge national à n'appliquer les modalités procédurales prévues par son ordre juridique interne que dans la mesure où elles ne mettent pas en cause la raison d'être et la finalité du règlement. Il s'ensuit que, lorsque le règlement nº 1348/2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, ne prévoit pas les conséquences de certains faits, il appartient au juge national d'appliquer, en principe, son droit national tout en veillant à assurer la pleine efficacité du droit communautaire, ce qui peut le conduire à écarter, si besoin est, une règle nationale y faisant obstacle ou à interpréter une règle nationale qui a été élaborée en ayant uniquement en vue une situation purement interne afin de l'appliquer à la situation transfrontalière en cause.

(cf. points 49-51)

2. L'article 8 du règlement nº 1348/2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, lorsque le destinataire d'un acte a refusé celui-ci au motif que cet acte n'est pas rédigé dans une langue officielle de l'État membre requis ou dans une langue de l'État membre d'origine que ce destinataire comprend, il peut être remédié à cette situation en envoyant la traduction de l'acte selon les modalités prévues par ce règlement et dans les meilleurs délais.

Pour résoudre les problèmes liés à la façon dont il convient de remédier à l'absence de traduction, non prévus par ledit règlement, il appartient au juge national d'appliquer son droit procédural national tout en veillant à assurer la pleine efficacité de ce règlement, dans le respect de sa finalité.

(cf. points 53, 71, disp. 1-2)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 novembre 2005 (*)

«Coopération judiciaire en matière civile – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Absence de traduction de l’acte – Conséquences»

Dans l’affaire C-443/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 17 octobre 2003, parvenue à la Cour le 20 octobre 2003, dans la procédure

Götz Leffler

contre

Berlin Chemie AG,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas (rapporteur) et J. Malenovský, présidents de chambre, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Lenaerts, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet et M. Ilešič juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 avril 2005,

considérant les observations présentées:

– pour M. Leffler, par Mes D. Rijpma et R. Bakels, advocaten,

– pour Berlin Chemie AG, par Mes A. Hagedorn, B. Gabriel et J. I. van Vlijmen, advocaten,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. M. Wissels, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme A. Bodard-Hermant, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes et Mme M. Fernandes, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme T. Pynnä, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mme A.‑M. Rouchaud-Joët et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8 du règlement (CE) nº 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (JO L 160, p. 37, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Leffler, domicilié aux Pays-Bas, à la société de droit allemand Berlin Chemie AG (ci-après «Berlin Chemie»), afin d’obtenir mainlevée de saisies effectuées par cette société sur les biens de M. Leffler.

Le cadre juridique

3 Le règlement a pour but d’améliorer l’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires en établissant le principe d’une transmission directe des actes judiciaires et extrajudiciaires.

4 Avant l’entrée en vigueur du règlement, la plupart des États membres étaient liés par la convention de La Haye du 15 novembre 1965, relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, qui établit un mécanisme de coopération administrative permettant la signification ou la notification d’un acte par l’intermédiaire d’une autorité centrale. Par ailleurs, l’article IV du protocole annexé à la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et – texte modifié – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1) et par la convention du 29 novembre 1996 relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1, ci-après la «convention de Bruxelles»), prévoyait la possibilité d’une signification par des voies plus directes. L’article IV, deuxième alinéa, dudit protocole est libellé comme suit:

«Sauf si l’État de destination s’y oppose par déclaration faite au secrétaire général du Conseil des Communautés européennes, ces actes peuvent aussi être envoyés directement par les officiers ministériels de l’État où les actes sont dressés aux officiers ministériels de l’État sur le territoire duquel se trouve le destinataire de l’acte. Dans ce cas, l’officier ministériel de l’État d’origine transmet une copie de l’acte à l’officier ministériel de l’État requis, qui est compétent pour la remettre au destinataire. Cette remise est faite dans les formes prévues par la loi de l’État requis. Elle est constatée par une attestation envoyée directement à l’officier ministériel de l’État d’origine.»

5 Le Conseil des ministres de la Justice, réuni les 29 et 30 octobre 1993, a donné mandat à un groupe de travail, intitulé «Groupe sur la simplification de la transmission des actes», pour élaborer un instrument visant à simplifier et à accélérer les procédures de transmission des actes entre les États membres. Ce travail a abouti à l’adoption, sur le fondement de l’article K.3 du traité UE (les articles K à K.9 du traité UE ont été remplacés par les articles 29 UE à 42 UE), de la convention relative à la signification et à la notification dans les États membres de l’Union européenne des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (ci-après la «convention»). Cette convention a été établie par acte du Conseil de l’Union européenne du 26 mai 1997 (JO C 261, p. 1; texte de la convention, p. 2; protocole concernant l’interprétation de la convention par la Cour de justice, p. 17).

6 La convention n’est pas entrée en vigueur. Dans la mesure où son texte a inspiré celui du règlement, le rapport explicatif de cette même convention (JO 1997, C 261, p. 26) a été invoqué pour éclairer l’interprétation dudit règlement.

7 Après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, la...

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