Ingenieurbüro Michael Weiss und Partner GbR v Industrie- und Handelskammer Berlin.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:737
Docket NumberC-14/07
Celex Number62007CC0014
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 November 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 29 novembre 2007 (1)

Affaire C‑14/07

Ingenieurbüro Michael Weiss und Partner GbR

contre

Industrie- und Handelskammer Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 1348/2000 – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Refus de réception – Notion d’acte – Absence de traduction des pièces annexées à un acte introductif d’instance traduit – Langue de l’État membre d’origine – Choix de la langue et clause attributive de juridiction dans le contrat conclu entre des professionnels dont la mauvaise exécution est à l’origine du litige»





I – Introduction

1. La présente affaire porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (2), et sur la question particulière de savoir si un destinataire peut refuser la réception d’un acte introductif d’instance notifié dans le cadre d’une procédure civile étrangère lorsque celui-ci a bien été traduit dans la langue officielle de l’État membre requis, mais que les pièces annexées audit acte introductif d’instance n’ont pas été traduites dans cette langue et que le destinataire prétend ne pas comprendre la langue de l’État membre d’origine, alors même que, dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, il a conclu un contrat dans lequel il a été convenu d’employer la langue de l’État membre d’origine dans la correspondance, d’une part, entre les parties et, d’autre part, avec les autorités et institutions publiques.

2. Cette demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne) intervient dans le cadre d’une action en responsabilité introduite par l’Industrie- und Handelskammer Berlin (ci‑après l’«IHK Berlin») contre le cabinet d’architectes Nicholas Grimshaw & Partners Ltd, une société de droit anglais (ci‑après le «cabinet Grimshaw»), pour défaut de conception d’un bâtiment. L’IHK Berlin a engagé une action en garantie contre le cabinet Grimshaw. Une procédure incidente oppose les parties sur le point de savoir si l’acte introductif d’instance a valablement été notifié au cabinet Grimshaw. Le bureau d’ingénieurs Weiss und Partner, établi à Aix‑La‑Chapelle (ci‑après le «bureau Weiss»), a été appelé en la cause.

II – Cadre juridique

3. Les huitième et dixième considérants du règlement n° 1348/2000 sont libellés comme suit:

«(8) Afin d’assurer l’efficacité du règlement, la possibilité de refuser la signification ou la notification des actes est limitée à des situations exceptionnelles.

(10) Afin de défendre les intérêts du destinataire, il convient que la signification ou la notification se fasse dans la langue ou l’une des langues officielles du lieu où elle sera effectuée ou dans une autre langue de l’État membre d’origine que le destinataire comprend.»

4. L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1348/2000 dispose:

«Refus de réception de l’acte

L’entité requise avise le destinataire qu’il peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier s’il est établi dans une langue autre que l’une des langues suivantes:

a) la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre requis, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification

ou

b) une langue de l’État membre d’origine comprise du destinataire.»

III – Principaux faits, litige au principal, questions préjudicielles et procédure devant la Cour

5. L’IHK Berlin recherche la responsabilité du cabinet Grimshaw, une société de droit anglais ayant son siège à Londres, au titre d’un contrat d’architecte en date du 16 février 1994, pour défaut de conception. En vertu dudit contrat, le cabinet Grimshaw s’était engagé à fournir des études techniques dans le cadre d’un projet de construction à Berlin. Il était stipulé à l’article 3.2.6 de ce contrat d’architecte:

«Les prestations sont à fournir en langue allemande. La correspondance entre [l’IHK Berlin] et [le cabinet Grimshaw] et avec les autorités et institutions publiques doit être rédigée en langue allemande.»

Il est stipulé à l’article 10.2 dudit contrat:

«Le tribunal de Berlin sera seul compétent pour connaître des litiges.»

Il est stipulé à l’article 10.4 dudit contrat:

«Le présent contrat est régi par le droit allemand.»

6. Aux fins de notification au cabinet Grimshaw, l’IHK Berlin a déposé devant les tribunaux allemands des copies de l’acte introductif d’instance et de l’ensemble des pièces sur lesquelles elle s’était appuyée dans cet acte de procédure. Ces pièces comprennent le contrat d’architecte conclu entre les parties, des avenants à ce contrat ainsi que leurs projets, un extrait du cahier des charges et plusieurs courriers, émanant entre autres du cabinet Grimshaw, relatifs à l’échange de correspondance avec les entreprises chargées de constater et réparer les vices allégués. Selon les renseignements donnés par le Bundesgerichtshof, le cabinet Grimshaw n’avait pas eu connaissance avant l’introduction de l’instance de toutes ces pièces, et notamment pas celles relatives à la constatation et la réparation des vices et leurs coûts. Par ailleurs, la teneur des pièces sur lesquelles s’appuie l’IHK Berlin est partiellement reproduite dans l’acte introductif d’instance.

7. L’acte introductif d’instance en date du 29 mai 2002, par lequel l’IHK Berlin exerce contre le cabinet Grimshaw une action en dommages-intérêts sur le fondement du contrat d’architecte, lui avait déjà été notifié en langue allemande le 20 décembre 2002. À la suite du refus, dans un premier temps, par le cabinet Grimshaw de recevoir l’acte en l’absence d’une traduction en langue anglaise, l’acte introductif d’instance en langue anglaise et ses annexes établies en langue allemande lui ont été remis à Londres le 23 mai 2003.

8. Par acte de procédure en date du 13 juin 2003, le cabinet Grimshaw a contesté la régularité de la notification au motif que les pièces annexées à l’acte introductif d’instance n’avaient pas été traduites en anglais et a, pour ce motif, refusé la réception de l’acte introductif d’instance, dont il tenait la notification pour irrégulière, en invoquant l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1348/2000. Par ailleurs, le cabinet Grimshaw a soulevé un moyen tiré de la prescription de l’action et a appelé en la cause le bureau Weiss, lequel a participé, en tant que partie intervenante, à la procédure devant les tribunaux allemands.

9. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que, par jugement avant dire droit, le Landgericht Berlin a constaté que l’acte introductif d’instance avait été valablement notifié le 23 mai 2003. Le cabinet Grimshaw a été débouté de son appel par un arrêt du Kammergericht Berlin. C’est contre cet arrêt du Kammergericht Berlin que la partie intervenante – le bureau Weiss – a exercé un recours en «Revision» devant la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof.

10. Le Bundesgerichtshof expose que, en vertu du code de procédure civile allemand, un acte introductif d’instance qui s’appuie sur des pièces qui y sont annexées forme un tout et que la partie défenderesse doit recevoir toutes les informations fournies par la partie demanderesse qui sont nécessaires à sa défense. Selon lui, il n’est donc pas indifférent d’apprécier la régularité de la notification de l’acte introductif d’instance indépendamment de la notification des pièces annexées du fait que, soi-disant, les informations essentielles ressortiraient de l’acte introductif d’instance et que le droit d’être entendu serait garanti en ce que la partie défenderesse aurait encore suffisamment d’opportunités de se défendre en cours de procédure.

11. Selon le Bundesgerichtshof, il ne peut être dérogé à ce principe que lorsqu’il n’a pas été porté fondamentalement atteinte au besoin d’information de la partie défenderesse, par exemple parce qu’une pièce non annexée à l’acte introductif d’instance a été adressée quasi concomitamment à l’introduction de l’instance ou encore parce que la partie défenderesse avait déjà, avant l’introduction de l’instance, connaissance de toutes les pièces. La juridiction de renvoi souligne que, dans la présente affaire, le cabinet Grimshaw n’a pas eu connaissance de l’ensemble des documents, notamment pas ceux relatifs à la constatation et à la réparation des vices et à leurs coûts. Selon la juridiction de renvoi, de tels documents ne peuvent pas être considérés comme des détails insignifiants, dès lors que la décision de répliquer à l’acte introductif d’instance peut dépendre de l’appréciation portée sur ces documents.

12. Le Bundesgerichtshof expose également qu’aucun des organes habilités à représenter le cabinet Grimshaw ne maîtrise l’allemand et défend la thèse selon laquelle il serait possible d’interpréter le règlement n° 1348/2000 en ce sens que la réception de l’acte ne peut pas être refusée au motif que les pièces qui y sont annexées ne sont pas traduites. En effet, l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1348/2000 ne se prononce pas sur le refus de réception des annexes. En outre, d’après le formulaire type prévu en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1348/2000 pour les demandes de signification ou notification dans les États membres, il est nécessaire de fournir des renseignements sur la nature et sur la langue de l’acte uniquement en ce qui concerne l’acte à notifier (voir points 6.1 et 6.3 du formulaire type) et non en ce qui concerne les pièces pour lesquelles il est uniquement exigé d’en indiquer le nombre (voir point 6.4 du formulaire type). Toutefois, selon le Bundesgerichtshof, la seule chose qui importe est de savoir si...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 10 de marzo de 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 Marzo 2022
    ...del suo diritto di rifiuto. 17 Come spiega l’avvocato generale Trstenjak nelle sue conclusioni nella causa Weiss und Partner (C‑14/07, EU:C:2007:737, paragrafo 86), è possibile, in talune circostanze, rinunciare validamente al diritto di rifiutare la ricezione di un atto 18 V., a tale rigua......
6 cases
  • Marco Gambazzi v DaimlerChrysler Canada Inc. and CIBC Mellon Trust Company.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 Diciembre 2008
    ...for the courts of the Member States of the European Free Trade Association. 34 – See ASML (cited in footnote 19, paragraph 26), and Case C‑14/07 Weiss und Partner [2008] ECR I‑3367, paragraph 47. 35 – Eurofood (cited in footnote17, paragraph 66). 36 – Case C‑28/05 Dokter and Others [2006] E......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 10 de marzo de 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 Marzo 2022
    ...correttamente del suo diritto di rifiuto. 17 Come spiega l’avvocato generale Trstenjak nelle sue conclusioni nella causa Weiss und Partner (C‑14/07, EU:C:2007:737, paragrafo 86), è possibile, in talune circostanze, rinunciare validamente al diritto di rifiutare la ricezione di un atto 18 V.......
  • Bianca Purrucker v Guillermo Vallés Pérez.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 Octubre 2010
    ...véase el punto 68 de las conclusiones de la Abogado General Trstenjak en el asunto Weiss und Partner (sentencia de 8 de mayo de 2008, C‑14/07, Rec. p. I‑3367). 45 – Por analogía, sobre la interpretación de la disposición equivalente del Convenio de Bruselas de 27 de septiembre de 1968, a sa......
  • Ingenieurbüro Michael Weiss und Partner GbR v Industrie- und Handelskammer Berlin.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 8 Mayo 2008
    ...C-14/07 Ingenieurbüro Michael Weiss und Partner v Industrie- und Handelskammer Berlin (Reference for a preliminary ruling from the Bundesgerichtshof) (Judicial cooperation in civil matters – Regulation (EC) No 1348/2000 – Service of judicial and extrajudicial documents – Annexes to the docu......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT