Rush Portuguesa Ldª v Office national d'immigration.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:107
Date07 March 1990
Celex Number61989CC0113
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-113/89
EUR-Lex - 61989C0113 - FR 61989C0113

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 7 mars 1990. - Rush Portuguesa Ldª contre Office national d'immigration. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Versailles - France. - Acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal - Période de transition - Libre circulation des travailleurs - Libre prestation de services. - Affaire C-113/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-01417
édition spéciale suédoise page 00389
édition spéciale finnoise page 00407


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . L' acte relatif aux conditions d' adhésion du royaume d' Espagne et de la République portugaise ( ci-après "acte d' adhésion ") dispose que, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs entre, d' une part, l' Espagne et le Portugal et, d' autre part, les autres États membres, l' article 48 du traité CEE n' est applicable que sous certaines réserves . L' acte d' adhésion ne comporte cependant aucune restriction quant à la validité des articles 59 et suivants du traité CEE en matière de libre circulation des services . Les questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Versailles ( ci-après "juge de renvoi ") invitent la Cour à préciser les implications que lesdites dispositions de l' acte d' adhésion ont à l' égard des fournisseurs de services de la Communauté ( dans le cas soumis au juge de renvoi, il s' agit du Portugal ) qui font appel à des travailleurs portugais ou espagnols .

Contexte

2 . La société portugaise Rush Portuguesa Lda ( ci-après "Rush ") est une entreprise de construction et de travaux publics . Elle a conclu avec une entreprise française un certain nombre de contrats de sous-traitance pour des travaux à effectuer en France sur différents chantiers du TGV Atlantique . Pour effectuer ces travaux, Rush a fait venir du Portugal en France un certain nombre de travailleurs de nationalité portugaise . Le juge de renvoi demande à la Cour, pour répondre aux questions préjudicielles, de partir de l' hypothèse que ces travailleurs rentreront au Portugal immédiatement après avoir accompli la prestation de services .

Les services de l' "inspection du travail" français ont procédé à deux contrôles en septembre et en décembre 1986 qui leur ont permis de constater que Rush employait en tout 58 travailleurs portugais qui ne disposaient pas d' une autorisation de travail comme l' exige l' article L 41.6 du code du travail français . Pour plus de détails sur les fonctions remplies par ces travailleurs, nous renvoyons au rapport d' audience, chapitre I, point 2 . L' article précité du code du travail fait partie du chapitre I du titre quatrième du livre troisième du code du travail qui a trait à la "main-d' oeuvre étrangère et ( à la ) protection de la main-d' oeuvre nationale ". Il interdit d' employer en France des étrangers qui ne disposent pas d' une autorisation de travail lorsqu' une telle autorisation est requise par le droit français ou par des traités internationaux . Rush se serait également rendue coupable d' une infraction à l' article L 341.9 qui confère à l' Office national d' immigration ( aujourd' hui "Office de migration internationale", ci-après "ONI ") un monopole pour le recrutement et l' introduction en France des travailleurs étrangers .

Sur la base des procès-verbaux qui ont été dressés au cours de ces contrôles, l' ONI a imposé à Rush une "contribution spéciale" en application de l' article L 341.7 du code du travail . Comme le représentant du gouvernement français l' a expliqué au cours de l' audience, cette contribution a la nature d' une amende administrative . Elle s' élève au minimum à 500 fois le montant du salaire minimal garanti tel qu' il est défini à l' article L 141.8 du code du travail . Il apparaît en outre du dossier que l' amende totale imposée à Rush s' élève à 1,5 million de FF . C' est l' annulation de cette amende que Rush a demandée au juge de renvoi .

3 . Il ne faut pas perdre de vue, pour la suite de l' exposé, que la question qui se pose dans le litige au principal porte uniquement sur la légalité de la contribution spéciale infligée à Rush . Le juge de renvoi souhaite s' entendre dire plus précisément si un fournisseur de services peut être sanctionné de la sorte pour avoir engagé des travailleurs portugais sans autorisation de travail . La présente procédure ne concerne donc pas la question de savoir si l' activité de Rush est autorisée et/ou peut être subordonnée à une autorisation préalable par les autorités françaises . La qualification et la licéité en droit français de l' activité de Rush en tant qu' "agence de travail intérimaire" ou même de "fournisseur de main-d' oeuvre" ( quelle que soit la nationalité des personnes qu' elle emploie ) ainsi que la compatibilité de la législation française en la matière avec le droit communautaire ne constituent pas des éléments pertinents pour la réponse à apporter aux questions préjudicielles .

Le litige au fond ne semble pas davantage porter sur la question de savoir si un État membre peut percevoir une redevance à l' occasion de la délivrance d' une autorisation . Néanmoins, si on lit la fin de la deuxième question préjudicielle d' une certaine manière, il semble que le juge de renvoi souhaite s' entendre préciser si un État membre peut subordonner la fourniture d' un service au paiement d' une redevance déterminée au service d' immigration pour l' octroi d' autorisations de travail aux ouvriers du fournisseur de services . A en juger par les observations qui ont été déposées devant la Cour, cette question aurait été posée à propos du monopole susmentionné de l' ONI en ce qui concerne le recrutement et l' introduction de main-d' oeuvre étrangère en France, et porterait en outre sur la taxe ( modique ) imposée par l' article L 341.8 du code du travail en cas de renouvellement d' une autorisation de travail . Nous reviendrons très brièvement sur cette question à la fin de notre exposé ( voir point 22 infra ).

Dispositions applicables du droit communautaire

4 . En principe, on ne peut refuser à une entreprise de la Communauté qui fournit un service dans un État membre ( l' "État membre d' accueil ") autre que celui dans lequel elle est établie ( l' "État d' origine ") le droit de recruter, aux fins de cette prestation de services, des travailleurs originaires d' autres États membres et de les employer dans l' État d' accueil . L' article 6, paragraphe 3, de la directive 68/360/CEE ( 1 ) ( voir également point 5 infra, in fine ) dispose que l' État membre dans lequel le service est fourni est tenu de délivrer à ces travailleurs un titre de séjour ( dont la validité peut être limitée à la durée prévue de l' emploi ).

5 . Dans le cas d' entreprises qui souhaitent faire appel à des travailleurs espagnols et portugais pour une prestation de services, il faut cependant tenir compte, jusqu' en 1993, des règles ( 2 ) qui sont inscrites dans l' acte d' adhésion . Pour ce qui est des mouvements migratoires entre le Portugal et les dix "anciens" États membres, l' article 215 de l' acte d' adhésion contient une restriction à la libre circulation des travailleurs garantie par l' article 48 du traité CEE . Aux termes de cette disposition, l' article 48 du traité CEE n' est applicable que sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 216 à 219 de l' acte d' adhésion . Le texte de l' article 219 de l' acte d' adhésion est le suivant :

"1 . Les articles 1er à 6 du règlement ( CEE ) n° 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté ne sont applicables ... dans les autres États membres à l' égard des ressortissants portugais qu' à partir du 1er janvier 1993 .

... ( L)es autres États membres ont la faculté de maintenir en vigueur jusqu' au 31 décembre 1992 ... à l' égard ... des ressortissants portugais ... les dispositions nationales ... soumettant à autorisation préalable l' immigration en vue d' exercer un travail salarié et/ou l' accès à un emploi salarié ."

Les articles 1er à 6 inclus dudit règlement n° 1612/68 reconnaissent à tous les ressortissants d' un État membre, conformément à l' article 49 du traité CEE, le droit d' accepter et d' accomplir un travail salarié dans un autre État membre aux mêmes conditions que les nationaux de celui-ci . Il s' agit, en d' autres termes, de dispositions qui concrétisent le principe de l' égalité de traitement énoncé aux paragraphes 2 et 3 de l' article 48 du traité CEE .

L' article 218 de l' acte d' adhésion dispose quant à lui que, dans la mesure où certaines dispositions de la directive 68/360 sont indissociables de celles du règlement n° 1612/68 dont l' application est différée en vertu de l' article 216 du même acte d' adhésion, les dix "anciens" États membres ont la faculté de déroger à ces dispositions dans la mesure nécessaire à l' application de l' article 216 .

L' article 1er de la directive 68/360 impose aux États membres l' obligation de supprimer les restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres et des membres de leur famille auxquels s' applique le règlement n° 1612/68 . Comme nous l' avons déjà dit, le paragraphe 3 de l' article 6 de la directive contient une application concrète de la règle précitée en ce qui concerne les travailleurs qui sont au service d' un fournisseur de services ou qui travaillent pour son compte .

La première et la deuxième question préjudicielle

6 . C' est sur la base des dispositions de l' acte d' adhésion que nous avons citées dans le paragraphe précédent que l' ONI a opposé à Rush les dispositions précitées du code du travail et lui a infligé l' amende prévue à l' article L 341.7 pour les avoir enfreintes . Devant le juge de renvoi, Rush a déclaré qu' une telle amende est incompatible avec la libre circulation des services garantie par les articles 59 à 66 du traité CEE, libre...

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