Novartis AG, University College London and Institute of Microbiology and Epidemiology v Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks for the United Kingdom (C-207/03) and Ministre de l'Économie v Millennium Pharmaceuticals Inc. (C-252/03).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:491
Docket NumberC-252/03,C-207/03
Celex Number62003CC0207
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 September 2004

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 7 septembre 2004 (1)

Affaire C-207/03

Novartis AG, University College London et Institute of Microbiology and Epidemiology

contre

Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks for the United Kingdom

et affaire C-252/03

Ministre de l’économie

contre

Millenium Pharmaceuticals Inc.

[demandes de décision préjudicielle formées par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) (Royaume-Uni) et par la Cour administrative (Luxembourg)]

«Espace économique européen – Médicaments – Règlement (CEE) n° 1768/92 – Certificats complémentaires de protection – Durée – Calcul – Interprétation de l’article 13 du règlement – Première autorisation de mise sur le marché ‘dans la Communauté’ – Autorisations suisses produisant automatiquement effet au Liechtenstein – Certificats dont la durée a été calculée de manière erronée – Rectification par les autorités nationales»





I – Introduction

1. Il existe depuis 1924 (2) entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein une union douanière qui, depuis le 1er avril 1980, s’étend aux brevets, domaine dans lequel un office unique a été institué, l’Office suisse des brevets. Celui-ci délivre des titres valables sur les deux territoires (3), de sorte que les autorisations de mise sur le marché de médicaments accordées par la Confédération suisse sont automatiquement reconnues au Liechtenstein (4).

2. La principauté susmentionnée fait partie de l’Espace économique européen (ci-après l’«EEE»), sur le territoire duquel s’applique le règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (5).

3. Les juridictions nationales qui ont formé les présentes demandes de décision préjudicielle souhaitent savoir si les autorisations de mise sur le marché de médicaments délivrées par les administrations suisses peuvent être qualifiées de «première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté» et, par conséquent, si leur date de délivrance doit être prise en considération dans le calcul de la durée du certificat complémentaire de protection. À cette première question, la High Court of Justice en ajoute une autre, tendant à savoir si les autorités des États membres de l’EEE sont tenues de rectifier les certificats dont la durée a été calculée de manière erronée.

II – Le cadre juridique

A – Le règlement n° 1768/92

4. Ce règlement crée un nouveau titre de propriété intellectuelle, accessoire à un brevet précédemment accordé (6), en vue de prolonger la durée des droits que ce dernier confère.

5. Il a été adopté afin d’encourager la recherche pharmaceutique et d’éviter que les centres de recherche situés dans les États membres ne se déplacent vers des pays offrant une meilleure protection (deuxième et cinquième considérants). En effet, cette activité requiert d’importants investissements (7) qui ne peuvent être rentabilisés que si l’entreprise qui l’exerce obtient un monopole sur l’exploitation de ses résultats pour une durée suffisante. Toutefois, pour protéger le droit à la santé (8), la mise sur le marché d’un médicament est subordonnée à la délivrance d’une autorisation, au terme d’une procédure longue et complexe (9), de sorte que la période qui s’écoule entre le dépôt de la demande de brevet et l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché du produit réduit notablement la durée de l’exploitation exclusive (10), décourage les investisseurs et pénalise la recherche dans ce secteur (troisième et quatrième considérants) (11).

6. La République française et la République italienne ont remédié à cette situation en créant des certificats complémentaires de protection (12). Pour écarter le risque d’une évolution hétérogène des législations des différents États membres, susceptible d’entraver la libre circulation des médicaments dans le marché intérieur, le règlement n° 1768/92 a prévu une solution uniforme au niveau communautaire par la création d’un certificat pour les médicaments ayant donné lieu à une autorisation de mise sur le marché. Ce certificat peut être obtenu selon les mêmes conditions dans tous les États membres par le titulaire du brevet, qu’il s’agisse d’un brevet national ou européen (sixième et septième considérants) (13).

7. Peuvent bénéficier de ce document – qui confère les mêmes droits et impose les mêmes limitations et obligations que le titre qu’il complète (article 5) – les produits protégés sur le territoire d’un État membre dont la vente est soumise à une procédure préalable d’autorisation en vertu de la directive 65/65/CEE (14) ou de la directive 81/851/CEE (15) (article 2).

8. Or, les conditions d’obtention d’un certificat sont les suivantes: 1) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur; 2) il a obtenu, en tant que médicament, sa première autorisation de mise sur le marché en cours de validité, conformément aux directives précitées et 3) il n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat (article 3).

9. La demande doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que médicament, a obtenu l’autorisation susmentionnée, à moins que celle-ci ne soit antérieure à la délivrance du brevet de base, auquel cas le délai commence à courir à compter de cette dernière date (article 7).

10. Pour le législateur communautaire, l’objectif est d’accorder au titulaire de l’invention au maximum quinze années d’exclusivité à compter de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté (huitième considérant). À cet effet, l’article 13 réglemente la durée du certificat comme suit:

«1. Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans [(16)].

2. Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet» (17).

11. Les décisions concernant les demandes de certificats ainsi que celles rendues dans le cadre des actions en nullité dirigées contre ces demandes sont susceptibles de recours selon les conditions prévues par les législations nationales pour les décisions analogues prises en matière de brevets (article 17, lu conjointement avec les articles 10 et 15).

B – L’accord sur l’Espace économique européen (18)

12. Cet accord, conclu à Porto le 2 mai 1992 et en vigueur depuis le 1er janvier 1994, a pour objet de créer un espace économique homogène où les libertés de circulation (article 1er, paragraphes 1 et 2) sont garanties sur le territoire défini à l’article 126, paragraphe 1, qui correspondait à l’époque aux Communautés européennes et aux États membres de l’Association européenne de libre‑échange (AELE). Par conséquent, son champ d’application territorial comprenait en principe le Liechtenstein et la Suisse, associés à cette alliance, mais la Confédération helvétique a refusé de ratifier l’accord à l’occasion d’un référendum organisé en décembre 1992.

13. Afin d’assurer que l’union régionale existant entre ces deux derniers pays n’entrave pas le bon fonctionnement de cet accord, son entrée en vigueur pour la Principauté de Liechtenstein a été reportée au 1er mai 1995 (19).

14. Selon l’article 7, sous a), les règlements de la Communauté sont obligatoires pour les parties contractantes et sont entièrement intégrés dans leurs ordres juridiques respectifs. Aux termes de l’article 65, paragraphe 2, le protocole 28 (20) et l’annexe XVII (21) contiennent, à cet effet, des dispositions et des modalités particulières applicables à la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale.

15. La liste figurant à l’annexe XVII, dans la rédaction résultant de la décision du Comité mixte de l’EEE n° 7/94 (22), comprend le règlement n° 1768/92. Conformément à l’introduction de cette annexe, qui renvoie au protocole 1 concernant les adaptations horizontales (23), les références géographiques faites par le règlement sont réputées renvoyer aux territoires des parties contractantes, tels que définis à l’article 126.

16. Quant à elle, l’annexe II (24) de l’accord EEE, telle que modifiée par la décision n°1/95 du Conseil de l’EEE, énonce le «principe de mise sur le marché parallèle»: elle prévoit en effet que, pour les produits couverts par les actes en question, la Principauté de Liechtenstein peut appliquer, outre la législation de l’EEE, les réglementations techniques et les normes suisses découlant de l’union régionale entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein. Toutefois, les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises ne sont applicables aux exportations en provenance du Liechtenstein à destination des autres pays contractants que si les produits respectent les exigences imposées par l’acquis juridique de l’EEE. Le chapitre XIII de cette annexe reprend la réglementation communautaire concernant les médicaments et fait référence aux directives 65/65 et 81/851.

C – Les modifications du règlement n° 1768/92 résultant de l’accord EEE, pertinentes aux fins des présents litiges

17. L’article 3, sous b), dispose que, «aux fins du présent point et des articles qui s’y rapportent, une autorisation de mise sur le marché du produit accordée conformément à la législation nationale de l’État AELE est traitée comme une autorisation accordée conformément à la directive 65/65/CEE ou à la directive 81/851/CEE suivant les cas» (25).

18. Selon l’article 19, paragraphe 1, «tout produit qui, à la date du 2 janvier 1993, est protégé par un brevet en vigueur et pour lequel, en tant que médicament, une première autorisation de mise sur le marché dans les territoires des parties contractantes a été obtenue après le 1er janvier 1985 peut donner...

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