Lodato Gennaro & C. SpA v Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS) and SCCI.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:658
Date27 November 2008
Celex Number62007CC0415
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-415/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 27 novembre 2008 (1)

Affaire C‑415/07

Lodato Gennaro & C. SpA

contre

Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS)

SCCI

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Nocera Inferiore (Italie)]

«Aides d’État à l’emploi – Lignes directrices concernant les aides à l’emploi – Vérification du respect des conditions d’obtention d’une aide – Calcul de l’indicateur ‘création d’emploi’»





I – Introduction

1. La question préjudicielle du Tribunale ordinario di Nocera Inferiore (Italie) amène la Cour à choisir entre deux méthodes de calcul de l’indicateur «création d’emploi» d’une entreprise, qui doit être positif pour que des aides à la création d’emploi puissent être perçues: la première méthode compare deux moyennes annuelles des effectifs, celle de l’année antérieure au recrutement susceptible de bénéficier de l’aide et celle de l’année postérieure à ce recrutement; la seconde méthode déduit la moyenne de l’année précédente des effectifs concrets au jour du recrutement.

2. Une des particularités de la présente affaire, en apparence très technique, réside dans le fait que la juridiction de renvoi mentionne uniquement, à titre de référence pour l’analyse demandée, des dispositions dépourvues de valeur normative (les lignes directrices concernant les aides à l’emploi (2) et les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (3)) ainsi qu’une norme qui n’était pas encore en vigueur au moment des faits au principal [le règlement (CE) n° 2204/2002 (4)].

3. Au sommet de l’édifice normatif, on peut mentionner le traité CE: ses articles 87 CE et 88 CE constituent la législation contraignante («hard law») applicable dans ce domaine, les lignes directrices étant des instruments non contraignants («soft law») servant à l’interprétation de ces articles. La confrontation des deux méthodes de calcul au traité ne s’avère pas très utile, car la conformité au droit primaire de l’une des deux formules n’implique pas nécessairement la non-conformité de l’autre.

4. De manière moins manichéenne, la juridiction de renvoi cherche à déterminer l’interprétation la plus adaptée à la logique générale du système d’aides d’État à l’emploi, dont certaines règles se trouvent dans les lignes directrices susmentionnées et dans les règlements d’exemption.

II – Le cadre juridique

A – La réglementation communautaire

1. Les lignes directrices de la Commission des Communautés européennes

5. Le cadre réglementaire pertinent comprend deux communications par lesquelles la Commission a rendu publiques les lignes directrices visant à guider son action dans le cadre de la déclaration de conformité aux traités des régimes d’aides notifiés par les États membres en vertu de l’article 88 CE (ancien article 93 du traité CE). Il s’agit des lignes directrices concernant les aides à l’emploi et des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale.

a) Les lignes directrices concernant les aides à l’emploi

6. Ces lignes directrices visent à assurer une certaine cohérence entre les règles de concurrence et la mise en œuvre des politiques nécessaires à la lutte contre le chômage en Europe avec «un préjugé […] favorable vis-à-vis des aides à la création d’emploi» qui, malgré les risques qu’elles comportent pour la concurrence intracommunautaire, améliorent l’intensité en emploi de la croissance (point 20).

7. Leur point 17 indique que, par «création d’emploi», on entend une création nette d’emploi, c’est-à-dire «un emploi supplémentaire par rapport à l’effectif (moyenne sur une certaine période) de l’entreprise concernée».

b) Les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale

8. Ces lignes directrices concernent l’octroi d’aides à certaines zones géographiques et, à la différence des lignes directrices concernant les aides à l’emploi, elles ne s’appliquent qu’aux nouveaux postes de travail liés à la réalisation d’un investissement initial (point 4.11).

9. Les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale utilisent également la notion de «création d’emploi». Leur point 4.12 définit cette notion comme l’augmentation nette du nombre de postes de travail d’un établissement «par rapport à la moyenne d’une période de référence» et déduit ainsi «du nombre apparent de postes de travail créés au cours de la période concernée, les postes de travail éventuellement supprimés au cours de la même période». La note 33 desdites lignes directrices (qui correspond à ce point) précise que «[l]e nombre de postes de travail correspond au nombre d’unités de travail par année (UTA), c’est-à-dire au nombre de salariés employés à temps plein pendant une année», le travail à temps partiel ou le travail saisonnier constituant des fractions d’UTA.

2. Les règlements d’exemption

10. Dans l’exercice des pouvoirs que lui confère le règlement (CE) nº 994/98 (5), la Commission a adopté deux règlements d’exemption par catégories qui permettent de dispenser certains cas de l’obligation de notification préalable des aides prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE. Ainsi, le règlement (CE) n° 70/2001 (6) s’applique aux aides octroyées aux petites et moyennes entreprises et le règlement n° 2204/2002 aux aides d’État à l’emploi.

a) Le règlement n° 70/2001

11. Conformément à l’article 4, paragraphe 6, sous b) et c), du règlement n° 70/2001, un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises doit remplir deux conditions pour bénéficier de l’exemption: le projet d’investissement doit conduire à une augmentation nette du nombre de salariés de l’entreprise par rapport à la moyenne des douze mois précédents et les emplois créés doivent être maintenus pendant au moins cinq ans.

12. En vertu de l’article 2, sous g), de ce règlement, le «nombre de salariés» correspond au nombre d’UTA.

b) Le règlement n° 2204/2002

13. L’article 4, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 2204/2002 exige que les emplois créés représentent une augmentation nette du nombre de salariés, à la fois dans l’établissement et dans l’entreprise considérés, par rapport à la moyenne des douze derniers mois et qu’ils soient maintenus «pendant une période minimale de trois ans, ou de deux ans dans le cas des [petites et moyennes entreprises]».

14. L’article 2, sous e), de ce règlement reprend la définition du «nombre de salariés» visée à l’article 2, sous g), du règlement n° 70/2001.

B – La réglementation italienne et les décisions de la Commission

15. L’article 3, paragraphe 5, de la loi italienne n° 448, du 23 décembre 1998 (7), dispose que, pour les personnes nouvellement embauchées au cours des années 1999 à 2001 qui viennent augmenter le nombre de celles effectivement employées au 31 décembre 1998, les employeurs privés et les entités publiques économiques opérant dans les régions de Campanie, de Basilicate, de Sicile, des Pouilles, de Calabre et de Sardaigne bénéficient, pendant une période de trois ans à compter du recrutement des intéressés, d’un dégrèvement pour la totalité des cotisations dues à l’Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS) (Institut national de la prévoyance sociale) sur les rémunérations soumises à cotisation par le Fondo pensioni lavoratori dipendenti (Fonds de pension des travailleurs salariés). Ces dispositions s’appliquent également dans les régions des Abruzzes et de Molise, mais uniquement pour l’année 1999.

16. Dans sa rédaction d’origine, l’article 3, paragraphe 6, de cette loi subordonnait l’octroi de ces aides à une série d’exigences, parmi lesquelles figurent la condition selon laquelle l’entreprise, même nouvellement constituée, doit augmenter le nombre des salariés à temps plein et à durée indéterminée, l’augmentation étant calculée par référence au nombre de salariés au 30 novembre 1998 pour les entreprises déjà constituées au 31 décembre 1998 [article 3, paragraphe 6, sous a)], et la condition selon laquelle «le niveau d’emploi atteint à la suite des nouveaux recrutements ne doit pas chuter au cours de la période couverte par l’aide en question» [article 3, paragraphe 6, sous c)].

17. Le 16 décembre 1998, la République italienne a notifié l’instauration de ce régime d’aides à la Commission.

18. À la suite d’un échange d’opinions entre les autorités italiennes et les autorités communautaires, l’exigence relative à l’augmentation du nombre de salariés a été révisée comme suit: l’entreprise, même nouvellement constituée, doit augmenter le nombre de salariés à temps plein. La création de postes de travail est calculée par rapport à la moyenne des travailleurs de l’entreprise au cours des douze mois qui précédent l’embauche. La moyenne des travailleurs est calculée en UTA.

19. Le 10 août 1999, la Commission a décidé de ne pas formuler d’objections à l’encontre du régime d’aides mis en place par la loi n° 448/98. Par conséquent, en ce qui concerne les aides non liées à la réalisation d’un investissement initial, «le régime satisfait à la condition relative à la création nette d’emploi, puisque l’aide est octroyée pour les travailleurs supplémentaires par rapport aux effectifs de l’entreprise au cours des douze mois précédents».

20. Par décision du 6 décembre 2002, la Commission a également donné son aval à l’article 44 de la loi italienne n° 448, du 28 décembre 2001 (8), qui proroge les aides prévues par la loi n° 448/98.

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

21. La société Lodato Genaro & C. Spa. (ci-après «Lodato») se consacre principalement à la fabrication de conserves de tomates dans la région de Campanie. Son activité présente un important pic saisonnier durant les mois au cours desquels les tomates arrivent à maturité et peuvent être mises en conserve (9), ce qui l’amène alors à engager de nombreux travailleurs saisonniers.

22. Lodato a bénéficié du régime d’aides à l’emploi prévu par les lois nos 448/98...

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