Bernard Connolly v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:579
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-274/99
Date19 October 2000
Celex Number61999CC0274
Procedure TypeRecurso de funcionarios
EUR-Lex - 61999C0274 - FR 61999C0274

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 19 octobre 2000. - Bernard Connolly contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Articles 11, 12 et 17 du statut - Liberté d'expression - Devoir de loyauté - Atteinte à la dignité de la fonction. - Affaire C-274/99 P.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-01611


Conclusions de l'avocat général

1. M. Connolly, ancien fonctionnaire de la Commission, intente un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance, du 19 mai 1999 , rejetant le recours en annulation qu'il avait introduit contre l'avis du conseil de discipline du 7 décembre 1995 et la décision du 16 janvier 1996 le démettant de ses fonctions avec effet au 1er février 1996.

I - Les faits à l'origine du litige

2. Les faits qui ont été déclarés établis dans l'arrêt de première instance sont, en résumé, les suivants:

- Le requérant était fonctionnaire de grade A 4 et chef de l'unité 3 «SME, politiques monétaires nationales et communautaire» au sein de la direction D «affaires monétaires» de la direction générale des affaires économiques et financières.

- À partir de 1991, M. Connolly a demandé, à trois reprises, en vertu de l'article 17, second alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), l'autorisation de publier des articles relatifs à des questions monétaires, autorisation qui lui a été refusée.

- Le 24 avril 1995, il a demandé à bénéficier, en application de l'article 40 du statut, d'un congé de convenance personnelle d'une durée de trois mois à compter du 3 juillet 1995. La Commission lui a accordé ce congé par décision du 2 juin et a accepté sa réintégration dans son emploi à partir du 4 octobre 1995 par décision du 27 septembre 1995.

- Pendant son congé, M. Connolly a publié un livre intitulé: The Rotten Heart of Europe. The Dirty War for Europe's Money, sans demander l'autorisation préalable prévue à l'article 17, second alinéa, du statut. Au début du mois de septembre, notamment du 4 au 10 septembre 1995, une série d'articles concernant ce livre a été publiée dans la presse britannique.

- Par lettre du 6 septembre 1995, le directeur général du personnel et de l'administration, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), a informé le requérant de sa décision d'ouvrir une procédure disciplinaire contre lui pour violation des articles 11, 12 et 17 du statut, et l'a convoqué à une audition préalable, en application de l'article 87 du statut.

- Le 12 septembre 1995 a eu lieu une première audition du requérant au cours de laquelle celui-ci a déposé une déclaration écrite indiquant qu'il ne répondrait à aucune question sans connaître préalablement les manquements spécifiques qui lui étaient reprochés. Le lendemain, l'AIPN lui a adressé une nouvelle convocation, en indiquant que les manquements allégués faisaient suite à la publication de son livre, à sa parution par extraits dans le quotidien The Times, ainsi qu'aux propos tenus par lui à cette occasion dans un entretien paru dans le même journal, en l'absence d'autorisation préalable.

- Le 26 septembre 1995, lors de sa seconde audition, le requérant a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées et a présenté une déclaration écrite dans laquelle il faisait valoir qu'il estimait possible de publier un ouvrage sans autorisation préalable dès lors qu'il était en congé de convenance personnelle. Le requérant ajoutait que la parution des extraits de son ouvrage dans la presse relevait de la responsabilité de son éditeur et que certains des propos relatés dans l'entretien visé lui étaient attribués à tort. Enfin, M. Connolly mettait en cause le caractère objectif de la procédure disciplinaire engagée contre lui.

- Par décision du 27 septembre 1995, prise en vertu de l'article 88 du statut, l'AIPN a suspendu le requérant de ses fonctions à compter du 3 octobre 1995, avec retenue de la moitié de son traitement de base pendant la période de suspension. Le 4 octobre 1995, l'AIPN a décidé de saisir le conseil de discipline, en application de l'article 1er de l'annexe IX du statut.

- Le 27 octobre 1995, M. Connolly a saisi l'AIPN d'une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, demandant l'annulation des décisions de la Commission: a) d'engager une procédure disciplinaire à son encontre, b) de saisir le conseil de discipline et c) de le suspendre de ses fonctions.

- Le 27 février 1996, la Commission a informé M. Connolly que sa réclamation avait été implicitement rejetée, mais ce dernier avait déjà introduit un recours devant le Tribunal de première instance, qui a donné lieu à l'affaire T-203/95.

- Le 7 décembre 1995, le conseil de discipline a émis son avis, dans lequel il recommandait d'infliger au requérant la sanction visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans suppression ni réduction des droits à la pension d'ancienneté.

- Le 9 janvier 1996, le requérant a été entendu par l'AIPN, en application de l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX.

- Par décision en date du 16 janvier 1996, l'AIPN a infligé au requérant la sanction de révocation sans perte des droits à la pension d'ancienneté.

- Par lettre du 7 mars 1996, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 14 mars suivant, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre l'avis du conseil de discipline et contre la décision de révocation. Cette réclamation a été explicitement rejetée par la Commission dans une lettre adressée à M. Connolly le 18 juillet 1996.

- Le 13 mars 1996, M. Connolly a introduit devant le Tribunal de première instance un recours visant à l'annulation de l'avis du conseil de discipline (affaire T-34/96) et, le 18 octobre 1996, il a formé un autre recours contre la décision de révocation (affaire T-163/96).

II - Le pourvoi

3. Le présent pourvoi a été déposé au greffe de la Cour le 20 juillet 1999. Il s'articule autour de treize moyens qui se subdivisent, pour plusieurs d'entre eux, en plusieurs branches, lesquelles contiennent à leur tour différents griefs. J'analyserai ces moyens successivement, tout en soulignant que je n'examinerai pas les griefs qui, même fondés, ne sont manifestement pas susceptibles d'entraîner, ne fût-ce que partiellement, l'annulation de l'arrêt entrepris.

Premier moyen: non-respect des exigences de la liberté d'expression en rapport avec l'obligation d'obtenir une autorisation pour la publication d'un texte

4. Par son premier moyen, structuré en deux branches que je traiterai de façon conjointe, le requérant soutient, pour l'essentiel, que l'arrêt doit être annulé pour violation de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «convention» ou la «CEDH»).

5. Dans le cadre de ce moyen, le requérant développe longuement divers griefs à l'encontre de l'arrêt attaqué. En premier lieu, il estime que le Tribunal de première instance aurait dû considérer que les articles 12 et 17 du statut instaurent un régime de censure préalable inacceptable dans son principe, car contraire aux exigences de l'article 10 de la CEDH telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après la «Cour de Strasbourg»).

De surcroît, ce régime ne serait pas assorti des conditions matérielles et procédurales requises par l'article 10 de la CEDH pour toute limitation au droit fondamental qu'il protège, comme les exigences selon lesquelles toute restriction doit poursuivre un but légitime, se rattacher à une disposition normative rendant cette restriction prévisible, être nécessaire et proportionnée au but poursuivi et être susceptible d'un contrôle juridictionnel effectif.

Enfin, il y aurait eu violation de l'obligation de mettre en balance les intérêts en présence avant d'imposer une restriction à un droit fondamental tel que la liberté d'expression.

6. À titre liminaire, la Commission allègue que, si le requérant prétend contester la légalité même du régime institué par l'article 17 du statut, et non l'interprétation qu'en a donnée le Tribunal, il aurait dû soulever en temps utile une exception d'illégalité au sens de l'article 241 CE (ex-article 184 du traité CE).

7. Pour ma part, j'estime que, s'il est vrai que les griefs contenus dans ce moyen, en raison de leur portée générale, peuvent être interprétés comme mettant abstraitement en cause la validité du régime d'autorisation institué par l'article 17, il n'en reste pas moins qu'il convient de déduire de ce même caractère général une opposition à la méthode concrète suivie par le Tribunal. Il n'y a pas lieu, par conséquent, d'élucider la question de savoir quelle est la voie de droit appropriée pour porter une exception d'illégalité devant le juge, ni de vérifier si l'attitude procédurale du requérant peut être interprétée comme équivalant à l'invocation d'une telle exception.

8. Je ne parviendrai pas pour autant à la conclusion que tire le requérant: à mes yeux, le Tribunal, en examinant, principalement aux points 146 et suivants de son arrêt, le moyen pris de la violation alléguée du droit fondamental consacré à l'article 10 de la CEDH, n'a pas méconnu cette disposition.

9. La liberté d'expression est l'un des piliers fondamentaux de toute démocratie. Ainsi que l'affirme la Cour de Strasbourg dans l'une des plus belles pages de sa jurisprudence, «La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels [d'une société démocratique], l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, elle vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles...

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