Libertel Groep BV v Benelux-Merkenbureau.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:650
Date12 November 2002
Celex Number62001CC0104
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-104/01
62001C0104

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 12 novembre 2002 ( 1 )

1.

Une couleur en elle-même, sans forme ni contour, peut-elle constituer une marque au sens de la première directive 89/104/CEE du Conseil ( 2 ), pour certains produits et services et, dans l'affirmative, à quelles conditions? Telles sont, en substance, les questions posées par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) dans la présente affaire.

I — Le cadre juridique

2.

Le cadre juridique pertinent comprend la convention d'union de Paris pour la protection de la propriété industrielle ( 3 ), la législation communautaire et la loi uniforme Benelux sur les marques.

A — La convention de Paris

3.

La convention de Paris, à laquelle tous les États membres ont adhéré, constitue l'instrument de base des règles internationales régissant la propriété industrielle.

4.

Elle ne contient pas de définition des signes susceptibles de constituer une marque.

5.

À l'article 6 quinquies, A, elle prévoit que toute marque de fabrique ou de commerce régulièrement enregistrée dans le pays d'origine sera admise au dépôt et protégée telle quelle dans les autres pays ayant adhéré à cette convention, sous les réserves indiquées dans cet article. À l'article 6 quinquies, B, sous 2), elle énonce que sont refusées à l'enregistrement les marques qui sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée.

6.

Selon l'article 6 quinquies, C, pour apprécier si la marque est susceptible de protection, il doit être tenu compte de tqutes les circonstances de fait, notamment de la durée de l'usage de la marque.

B — La législation communautaire

7.

La législation communautaire comprend la directive et le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil ( 4 ).

1) La directive

8.

La directive a été adoptée par le Conseil afin de supprimer les disparités entre les législations des États membres sur les marques susceptibles de fausser les conditions de concurrence dans le marché commun. Elle vise le rapprochement des dispositions de ces législations ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur ( 5 ). Elle ne porte que sur les dispositions relatives aux marques acquises par l'enregistrement ( 6 ).

9.

La directive prévoit ainsi à quelles conditions un signe peut être enregistré comme marque ( 7 ). Son article 2, intitulé «Signes susceptibles de constituer une marque», dispose:

«Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.»

10.

L'article 3 de la directive, consacré aux motifs de refus ou de nullité, est rédigé comme suit:

«1.

Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés:

a)

les signes qui ne peuvent constituer une marque;

b)

les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;

d)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

e)

les signes constitués exclusivement:

par la forme imposée par la nature même du produit,

par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique,

par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;

[...]

3.

Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s'applique également lorsque le caractère distincţii a été acquis après la demande d'enregistrement ou après l'enregistrement.»

11.

Selon l'article 4 de la directive, une marque peut également être refusée à l'enregistrement, ou déclarée nulle si elle a été enregistrée, si elle est identique à une marque antérieure ou si elle présente avec celle-ci un risque de confusion, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée.

12.

Aux fins de garantir la fonction d'origine de la marque, la directive définit ensuite la protection dont les marques enregistrées jouissent dans les États membres ( 8 ). Son article 5 prévoit:

«1.

La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a)

d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci a été enregistrée;

b)

d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

2.

Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'État membre et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

13.

Toutefois, la directive n'exclut pas l'application aux marques des dispositions du droit des États membres, autres que le droit des marques, telles que les dispositions relatives à la concurrence déloyale, à la responsabilité civile ou à la protection des consommateurs ( 9 ). Ainsi, la directive prévoit, à son article 5, paragraphe 5:

«Les paragraphes 1 à 4 n'affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l'usage qui est fait d'un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

14.

Les marques enregistrées doivent toutefois être utilisées sous peine de déchéance ( 10 ). Selon l'article 10 de la directive, cette déchéance intervient si, dans un délai de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux. Aux termes de l'article 10, paragraphe 2, sous a), est considéré comme un usage sérieux «l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée».

2) Le règlement

15.

Comme la directive, le règlement a pour objet l'élimination des obstacles à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services ainsi que l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée ( 11 ). Il prévoit la création d'une marque protégée et produisant ses effets sur l'ensemble du territoire des États membres de la Communauté, sans remettre en cause le droit des marques de ces États.

16.

Les dispositions du règlement relatives à l'acquisition des droits sur la marque et aux effets de la marque sont rédigées dans les mêmes termes que celles de la directive. Ainsi, l'article 4 reprend les dispositions de l'article 2 de la directive en ce qui concerne les signes susceptibles de constituer une marque communautaire, l'article 7, celles de l'article 3, précitées, relatives aux motifs de refus d'enregistrement et l'article 9, celles de l'article 5, précitées, sur les droits conférés par la marque. De même, la marque communautaire n'est protégée que dans la mesure où elle est utilisée. L'article 15 du règlement reprend les dispositions de l'article 10 de la directive, précitées, relatives à l'usage de la marque.

C — La loi uniforme Benelux sur les marques

17.

Les trois États membres de l'Union économique Benelux ont consigné leur droit des marques dans une loi commune, la loi uniforme Benelux sur les marques ( 12 ). Celle-ci a été modifiée, avec effet au 1er janvier 1996, par un protocole, signé à Bruxelles le 2 décembre 1992, qui visait à assurer la transposition de la directive pourles trois pays du Benelux ( 13 ).

18.

L'article 1er de la LBM dispose:

«Sont considérées comme marques...

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