Renato Collino and Luisella Chiappero v Telecom Italia SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:23
Docket NumberC-343/98
Celex Number61998CC0343
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 January 2000
EUR-Lex - 61998C0343 - FR 61998C0343

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 18 janvier 2000. - Renato Collino et Luisella Chiappero contre Telecom Italia SpA. - Demande de décision préjudicielle: Pretore di Pinerolo - Italie. - Directive 77/187/CEE - Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises - Transfert d'une entité gérée par un organisme public intégré dans l'administration de l'Etat à une société de droit privé à capitaux publics - Notion de travailleur - Prise en compte de l'ancienneté globale des travailleurs par le cessionnaire. - Affaire C-343/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06659


Conclusions de l'avocat général

A - Introduction

1 Il s'agit essentiellement, dans cette affaire préjudicielle, de savoir si la directive 77/187/CEE, qui vise à protéger les droits des travailleurs à l'occasion des transferts d'entreprises peut également s'appliquer à la privatisation d'organismes publics. Ce qui pose problème ici c'est en particulier l'interprétation des articles 1er et 3 de la directive. En effet, l'article 1er parle de transfert conventionnel d'entreprise alors que, dans le litige au principal, le transfert a été opéré par la loi; et l'article 3 se réfère aux travailleurs alors que les demandeurs au principal étaient, à la date du transfert d'entreprise, en 1993, probablement des agents de l'État.

B - Le cadre juridique

I - Le droit communautaire

La directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (1)

2 Les passages de la directive qui nous intéressent ici sont les suivants:

«SECTION I Champ d'application et définitions

Article 1er

1. La présente directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.

2. ...

3. ...

Article 2

Au sens de la présente directive, on entend par:

a) cédant, toute personne physique ou morale qui, du fait d'un transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, perd la qualité de chef d'entreprise à l'égard de l'entreprise, de l'établissement ou de la partie d'établissement.

b) ...

c) ... SECTION II Maintien des droits des travailleurs

Article 3

1. Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

...

2. Après le transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective.

Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

3. ...

Article 4

1. Le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi.

...

2. ...»

II - Le droit interne

3 La République italienne a transposé cette directive en droit interne en modifiant l'article 2112 de son code civil. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le champ d'application matériel de l'article 2112 du code civil a été ensuite étendu au transfert d'activités d'organismes publics au profit d'organismes privés, dans le cas où une réglementation spéciale n'en dispose pas autrement. La juridiction de renvoi estime que «la loi n_ 58/92 du 29 janvier 1992 a édicté, concernant le transfert de l'activité d'exploitation des services de télécommunications entre l'ASST (établissement public) et la société (de droit privé) dénommée par la suite IRITEL, un régime spécial et dérogatoire au droit commun du transfert d'entreprise tel que défini à l'article 2112 du code civil» car elle ne prévoit pas, «en particulier, contrairement aux dispositions de ce dernier article, [...] la poursuite de la relation de travail.» Cette loi n_ 58/92 se contente en effet de renvoyer aux partenaires sociaux le soin d'assurer aux ex-employés de l'ASST, dans le cadre de négociations collectives, un traitement économique globalement non inférieur à celui dont ils bénéficiaient précédemment. La loi n_ 58/92 ouvre en outre pour les employés de l'ASST un droit à la liquidation de leur indemnité de fin de carrière.

4 La loi n_ 58/92 a prévu, en son article 4, que la société IRITEL maintiendrait dans leurs fonctions pendant un an les ex-employés de l'ASST et que les travailleurs qui n'auraient pas choisi à l'issue de ce délai d'un an de rester dans la fonction publique (avec, dans ce cas, une nouvelle affectation dans l'administration publique et dans les limites du territoire de la province) devraient être repris par la société IRITEL.

C - Les faits

5 Les demandeurs au principal, Renato Collino et Luisella Chiappero (ci-après les «demandeurs»), ont travaillé respectivement du 6 décembre 1965 et du 11 décembre 1966 au 31 octobre 1993 au service de l'Azienda di Stato per i Servizi Telefonici (ASST), qui a géré, installé et exploité, en tant qu'organisme public de l'État, les installations publiques de téléphone dans tout le pays. À l'occasion de la privatisation des services de télécommunication et de la suppression de l'ASST, le ministre des Postes et Télécommunications a, conformément à la loi n_ 58/92 du 29 janvier 1992 (ci-après la «loi n_ 58/92»), par décret du 29 décembre 1992, accordé en concession exclusive à IRITEL, société de droit privé, le droit de reprendre et de poursuivre les activités antérieurement exercées par l'ASST. Préalablement à cela, la société IRITEL avait été constituée précisément à cet effet, sur le fondement de la loi n_ 58/92, par l'Istituto per la Ricostruzione Industriale (IRI) - groupe public du secteur des participations de l'État -, avec par conséquent des capitaux intégralement sous contrôle de l'État.

6 Le 1er novembre 1993, les demandeurs ont été repris par la société IRITEL en vue d'exercer les mêmes fonctions qu'auparavant au sein de l'ASST, après avoir perçu de cette dernière les indemnités de fin de carrière qui leur revenaient. Le 16 mai 1994, ils ont été transférés au service de la SIP, Società italiana per le telecomunicazioni p.a. (SIP), elle aussi contrôlée par l'IRI, dans le cadre de la reprise de la société IRITEL par la SIP. Puis cette dernière a pris la dénomination de TELECOM ITALIA SpA, et les demandeurs sont demeurés à son service jusqu'à la date de leur départ en retraite, le 30 novembre 1996.

7 La défenderesse affirme, sans être contredite par les demandeurs, que le droit italien prévoyait la possibilité de reverser à la société IRITEL, le nouvel employeur, l'indemnité de fin de carrière perçue au moment de la cessation des fonctions chez l'ASST, l'ancien employeur, dans un délai de trente jours, afin d'obtenir un calcul unique de cette indemnité.

8 Selon l'ordonnance de renvoi de la Pretura Circondariale di Pinerolo (ci-après la «Pretura»), l'action introduite par les demandeurs contre TELECOM ITALIA SpA (ci-après la «défenderesse»), le 16 octobre 1997, a un double objet, fondé dans les deux cas sur l'unicité de la relation de travail avec l'ancien et le nouvel employeur. En effet, ils demandent tout d'abord que soient recalculées leurs augmentations de salaire liées à l'ancienneté à partir du 1er novembre 1993, afin que ce calcul tienne compte de l'ancienneté acquise chez leur ancien employeur. Ils demandent ensuite à pouvoir verser auprès de la société défenderesse l'indemnité de fin de carrière qu'ils ont perçue le 31 octobre 1993 en quittant la fonction publique, dans le but d'obtenir une indemnité de fin de contrat plus favorable calculée sur la base de leur ancienneté globale jusqu'à leur départ en retraite. Ils estiment que le transfert des missions de l'ASST à la société IRITEL dans un premier temps, puis à la société SIP dans un second temps, constitue un transfert d'entreprise, avec pour conséquence que leur ancienneté globale devrait correspondre à une relation de travail ininterrompue depuis la date de leur embauche par l'ASST jusqu'à leur départ en retraite de la société défenderesse.

9 La juridiction de renvoi se demande si une réglementation nationale telle que celle prévue par la loi n_ 58/92 est compatible avec la directive et si, en cas d'incompatibilité, il faut appliquer les dispositions de la directive, en tant que norme de rang supérieur de droit communautaire, à la place des règles de droit interne.

10 La Pretura soumet ainsi les questions suivantes à la Cour de justice:

«A - Le transfert à titre onéreux, autorisé par une loi de l'État et ordonné par un décret ministériel, d'une entreprise gérée par un organisme public, émanation directe de l'État, au profit d'une société de droit privé constituée par un autre organisme public qui en détient l'intégralité du capital, relève-t-il du champ d'application de l'article 1er de la directive 77/187/CEE lorsque l'activité qui fait l'objet du transfert est confiée à la société de droit privé sous forme de concession administrative?

En cas de réponse affirmative à la question sous A:

B1 - L'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE impose-t-il de tenir pour obligatoire la poursuite de la relation de travail avec le cessionnaire, assortie du maintien consécutif de l'ancienneté du travailleur depuis le jour de son embauche au service du cédant ainsi...

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